La transition agroécologique est un mouvement qui doit s’appuyer sur différentes problématiques : financement, formation aux nouvelles pratiques, développement de solutions naturelles pour la protection des plantes, développement d’outils et de techniques pour l’adaptation au climat ; nouveaux modèles de commercialisation.
La France bénéficie sur ce sujet d’organismes de recherche mondialement réputés, à l’image de l’INRAE et du CNRS qui mènent et coordonnent énormément de travaux de recherches sur ces problématiques. Elle s’appuie aussi sur un réseau de jeunes entreprises innovantes dans le domaine de l’Agtech, notamment via le réseau La Ferme Digitale, qui permettent d’accélérer ces mutations. Tour d’horizon de ces solutions et de leurs implications.
Le financement participatif pour orienter l’épargne française vers la transition agricole
Le passage d’une agriculture conventionnelle à une agriculture durable, s’il est essentiel, suppose aussi un investissement important de la part des agriculteurs. Or, le système bancaire traditionnel peine parfois à apporter une solution adaptée aux exploitants (et particulièrement aux nouveaux exploitants) de par son manque de flexibilité caractérisé par des remboursements constants mensuels ou par l’exigence d’un capital de départ important.
Ainsi, certaines plateformes comme Blue Bees, Agrilend ou encore Miimosa se sont développées pour faire du financement participatif une réponse à cette contrainte en orientant les capitaux vers la transition agricole et ce de manière plus flexible. Pour ce faire, ces plateformes mettent en relation des exploitants agricoles en besoin de financement avec des citoyens qui souhaitent donner du pouvoir à leur épargne mais aussi avec des entreprises ou des fonds d’investissement.
Cette connexion directe entre la liquidité et le monde agricole peut s’opérer selon différents outils : le don avec contrepartie ou encore le prêt rémunéré. Les prêteurs ou donneurs font le choix de l’exploitation ou du projet auquel ils souhaitent proposer leur épargne. En ce qui concerne la plateforme Miimosa, par exemple, les dons ont jusqu’alors donné lieu à des collectes entre 1 000 et 150 000 euros alors que les crédits dépassent désormais 200 000 euros.
Jusqu’à aujourd’hui, Miimosa a permis de collecter 50 millions d’euros de financement pour soutenir la transition agricole.
Des formations pour accompagner l’évolution des pratiques agricoles
Une fois les capitaux nécessaires au financement trouvés, le projet de transition peut débuter. Se pose alors la question de savoir comment ? Car, si la question d’une agriculture raisonnée émerge fortement sur la scène publique ces dernières années, celle-ci suppose aussi des compétences et des connaissances qui diffèrent de l’agriculture conventionnelle.
Ainsi, de plus en plus de formations à l’agriculture durable émergent pour accompagner les exploitants dans cette transition. C’est par exemple ce que proposent les startups Baoba et Icosysteme. Cette dernière s’adresse aux agriculteurs et techniciens désireux de se former, de se perfectionner et de réussir leur transition agroécologique. L’entreprise propose donc un ensemble de formations allant de la fertilité et la biodiversité des sols aux couverts végétaux en passant par le semis direct, en présentiel mais aussi en e-learning via une plateforme dédiée.
Fondée par des agronomes ayant une longue expérience au service de l’agroécologie et de ses praticiens, cette entreprise profite d’un réseau d’experts, de formateurs et de consultants reconnus pour leurs compétences techniques et agronomiques sur les questions des agricultures alternatives (agriculture de conservation/régénération, agroforesterie, agriculture biologique, élevage).
D’autres structures vont également plus loin. C’est par exemple le cas de La Ceinture Verte, un mouvement qui cherche à développer l’agriculture péri-urbaine via un service clé-en-main d’installation de maraîchers, avec notamment un volet formation pour aider les néo-agriculteurs à se lancer.
Des fertilisants biologiques et des bio-intrants comme alternatives aux produits phytosanitaires
Une fois leur exploitation financée et fort de leur formation aux nouvelles pratiques d’agriculture raisonnée, les agriculteurs peuvent débuter leur production. Arrive alors une nouvelle problématique : comment réduire l’utilisation des intrants phytosanitaires classiques tout en conservant les rendements nécessaires à l’activité ?
Aujourd’hui, les alternatives telles que les fertilisants biologiques ou encore les bio-intrants peuvent être une réponse à ce phénomène. Les bio-intrants sont des solutions de biocontrôle ou de biostimulation, une des facettes de l’agroécologie. Il s’agit de produits basés sur des mécanismes naturels pour protéger les plantes des maladies ou ravageurs ainsi que pour stimuler leur croissance. La solution de biocontrôle la plus connue étant la coccinelle, qui permet de lutter contre les pucerons.
En France, le pionnier du biocontrôle est la startup Axioma. D’autres entreprises issues de la recherche, souvent de l’INRAE, travaillent également à proposer des solutions basées sur ces interactions naturelles entre des organismes vivants. C’est par exemple ce que proposent les entreprises INOCULUM Plus et Mycophyto. Elles développent des solutions issues de synergies naturelles entre plantes et champignons qui permettent de revitaliser les sols tout en optimisant la croissance des plantes, représentant ainsi une alternative biologique à l’utilisation de produits phytosanitaires. Cette symbiose, appelée mycorhize est rendue possible grâce à des champignons mycorhiziens capables de prolonger le rayon de prospection des racines des plantes. Ces dernières peuvent alors puiser plus d’éléments nutritifs dans le sol. La plante est de cette façon protégée des stress hydriques et nutritifs.
Le plan gouvernemental ECOPHYTO 2 prévoit de réduire les usages des produits phytopharmaceutiques de 50% d’ici 2025 et de sortir du glyphosate au plus tard d’ici 2022 pour l’ensemble des usages.
Les fertilisants naturels sont aussi une alternative aux produits phytosanitaires. C’est par exemple ce que propose la startup normande Veragrow avec son biohumus. Issu du lombricompostage, cette biotechnologie permet de valoriser et transformer les déchets organiques en amendement riche en nutriments et en micro-organismes grâce à la digestion des déchets organiques par des vers composteurs. La lombriculture n’est pas une découverte mais, jusqu’à ce jour, sa production artisanale n’était pas en mesure de répondre à l’augmentation du besoin en engrais biologique, ce que Veragrow travaille à rendre possible. Selon la startup, le lombricompost augmenterait ainsi les rendements de 25% en moyenne ainsi que la rétention d’eau de 30% en moyenne.
À noter que ces alternatives à l’utilisation d’intrants phytosanitaires traditionnels est également l’une des conditions à la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole.
Les circuits-courts pour valoriser les produits des producteurs locaux
Une fois la production lancée et les rendements assurés, il est ensuite question de trouver des débouchés à ces produits. Pour cela plusieurs entreprises spécialisées dans les circuits-courts proposent aux agriculteurs de valoriser leurs produits directement auprès des consommateurs. Si certaines de ces plateformes sont uniquement en ligne à l’image de Vite Mon Marché qui livre les produits locaux directement chez les consommateurs, d’autres mettent en place des magasins dans lesquels les consommateurs pourront venir retirer leurs produits tels que La Ruche Qui Dit Oui, Potager City, Via Terroirs ou encore Locavorium. Il existe énormément de sites qui permettent aujourd’hui la vente en circuits-courts et cette activité se développe encore davantage depuis la crise sanitaire de 2020.
Pour valoriser ces produits directement auprès des professionnels, il existe aussi d’autres entreprises telles que Promus. Elle permet aux restaurateurs et supermarchés d’optimiser leur approvisionnement en produits locaux et de saison et permet aux exploitants agricoles de réduire le temps et le coût de la livraison via un système de stockage et de logistique mutualisé.
Mais, qui dit agriculture raisonnée dit aussi parfois produits non conformes qui méritent pourtant, dans un souci de lutte contre le gaspillage, d’être valorisés. C’est le modèle proposé par exemple par la startup Foodologic. Alors que 32% du gaspillage alimentaire a lieu dès la phase de production pour cause de légumes hors-calibres, moches ou abîmés lors des récoltes, Foodologic propose une place de marché numérique pour valoriser ces fruits et légumes non conformes auprès des professionnels de la restauration. En 2020, pour 20 tonnes de fruits et légumes sauvés grâce à cette mise en relation, la startup a permis un supplément de 15 000 euros de chiffre d’affaire à l’ensemble de ses producteurs.
Enfin, un autre cas particulier auquel l’on pense moins : la valorisation des produits en cours de conversion biologique. Car passer d’une agriculture conventionnelle à une agriculture biologique suppose une période de conversion pouvant aller de 2 à 3 ans en fonction des cultures. Durant cette période, les agriculteurs font face à une hausse de leurs coûts pour respecter le cahier des charges de l’agriculture biologique sans pour autant pouvoir vendre leurs produits comme tels.
En valorisant au juste prix dans les supermarchés cette production en conversion, en fonction des coûts de production de chacun, la startup Biodemain entend encourager et soutenir les agriculteurs dans leur transition agricole. Ainsi, l’entreprise mise sur la sensibilisation des consommateurs grâce à un packaging qui explique que certes ce produit n’est pas encore biologique, mais qu’un juste prix est nécessaire pour qu’il le devienne. Un modèle qui fait écho à des marques comme Poulehouse ou l’emblématique C’est qui le patron, qui commercialisent également des produits plus cher que le marché, en valorisant le bien-être animal pour la première et la juste rémunération des agriculteurs pour l’autre.
La technologie au service de l’adaptation des cultures aux aléas climatiques
Enfin, l’agriculture doit aussi prendre en compte les évolutions climatiques dans sa transition. En effet, selon le GIEC en 2014, sans adaptation, les rendements des grandes cultures (blé, maïs, colza) pourraient perdre en moyenne 2% par décennie. Alors que dans le même temps, la production devra augmenter de 14% tous les dix ans pour répondre à la demande mondiale. En ce qui concerne la production viticole, des études suggèrent que 56% des régions viticoles pourraient disparaître avec un réchauffement de plus de 2°C. Enfin, les épisodes de sécheresse ou de gel que nous vivons désormais chaque année montrent bien que l’adaptation des pratiques agricoles au climat qui a déjà changé est une urgence absolue.
Face à ce défi, des entreprises développent des solutions d’adaptation. Demand Side Instruments, Telaqua ou encore Weenat proposent notamment des solutions permettant de contrôler et de gérer à distance l’irrigation des parcelles agricoles, pour limiter le gaspillage de cette ressource précieuse et s’assurer que chaque plante puisse recevoir la bonne quantité d’eau au bon moment. Telaqua et Weenat proposent également des outils qui permettent de collecter des informations sur la parcelle (température, pression, débit, l’humidité du sol). Ces informations monitorées permettent aux agriculteurs de mieux gérer leur irrigation et, là aussi, de faire un usage raisonné et raisonnable de la ressource en eau.
Cette mouvance que l’on nomme l’agriculture de précision, vise en partie à améliorer l’impact environnemental des agriculteurs tout en optimisant leurs rendements et investissements. La startup Sun’Agri s’inscrit elle aussi dans cette dynamique tout comme Ombrea en proposant des systèmes de pilotage intelligents des ombrières afin de protéger les cultures des aléas climatiques (éclairage qui varie au cours de la journée mais aussi au cours des saisons). « On a des résultats spectaculaires sur les pommiers pour limiter les arrêts de croissance dues aux excès de chaleurs durant les canicules. Les ombrières permettent aussi de réduire de près de 60% le stress hydrique, et on a des diminutions de la consommation d’eau qui peuvent aller jusqu’à 30%, sur des systèmes d’irrigation au goutte à goute, c’est à dire des systèmes déjà optimisés » précise ainsi Antoine Nogier, fondateur de Sun’Agri.
Cet aspect technologique dans les champs ne se limite cependant pas à l’adaptation au climat. Il y a tout un autre pan de l’agriculture de précision qui développe également à destination des exploitants agricoles des outils d’aide à la gestion, d’aide à la décision où d’aide à la vente, ainsi que des robots ou drones qui leurs permettent d’automatiser certaines tâches et de se concentrer sur leur métier.