Miimosa est un acteur de référence dans le financement de la transition agricole. La startup a commencé avec du crowdfunding pour accompagner des projets agricoles et alimentaires. Elle s’est ensuite lancée, en 2020, dans l’épargne solidaire afin d’aller plus loin.

Fondée en 2015 par Florian Breton, l’entreprise a accompagné 4 000 projets en 6 ans, pour près de 50M€ de financement. En Mars 2021, elle a d’ailleurs levé 7,5M€ afin d’accélérer son développement.

Nous avons échangé avec Florian, entrepreneur à l’origine de ce projet, sur la manière dont sa startup accompagne le monde agricole.


Les Horizons : Florian Breton, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est Miimosa et pourquoi l’avoir crée ?

Florian Breton : J’ai crée Miimosa en 2015, étant moi-même issu d’une famille de viticulteurs dans le sud de la France du côté de Perpignan, et donc particulièrement sensible et admiratif de ce secteur. J’ai lancé l’entreprise avec cette ambition qu’elle soit un révélateur et un accélérateur des transitions agricoles.


Pourquoi choisir le prisme du financement participatif pour faire évoluer l’agriculture ?

Le financement dans le domaine de l’agriculture n’a pas connu d’innovations majeures depuis 150 ans alors que le secteur de l’agriculture a profondément changé et que cette mutation s’accélère depuis un certain nombre d’années.

Le secteur agricole connait une triple transition. Tout d’abord une transition écologique, qui est la plus politique et médiatique : l’agriculteur produit de l’alimentation, évidemment, mais il héberge aussi à sa ferme, il produit des énergies renouvelables, il sera en capacité très prochainement de fixer, de stocker, de compenser par le carbone les émissions d’autres secteurs polluants comme le transport, il produit de la biodiversité avec le grand retour des arbres et des haies dans les exploitations agricoles.

À cela s’ajoute une transition sociale et notamment une transformation du métier avec le défi du renouvellement des générations, la féminisation du secteur, l’arrivée de nouveaux agriculteurs. Enfin, c’est un métier qui évolue aussi désormais dans son business model avec l’arrivée de nouveaux métiers liés à la transformation à la ferme.

C’est pour accompagner cette triple transition que nous avons crée Miimosa. Aujourd’hui nous sommes présents en France et en Belgique et nous avons accompagné jusqu’ici 3 800 projets.

En 2018, on faisait un crédit moyen de 40 000 euros et désormais on fait des crédits qui dépassent les 200 000 euros.


Est-ce qu’à terme vous envisagez de vous développer dans d’autres domaines qui ne financeront pas directement les exploitations agricoles, comme les énergies renouvelables par exemple ?

On le fait déjà aujourd’hui. On finance des projets de méthanisation, des projets solaires sur hangar ou sur serre, des projets d’agrivoltaïsme. Je parle beaucoup d’agriculture car c’est au cœur de tout et c’est notre plus grande profondeur de marché puisqu’elle représente 70% de nos projets mais tout ce que je dis est valable pour le secteur de l’agroalimentaire, les distilleries, les startups, les brasseries, les magasins de producteurs, les projets dans le solaire, etc.

Sur la méthanisation, par exemple, nous avons même un partenariat avec GRDF. En revanche, on ne finance pas d’énergies renouvelables qui ne sont pas connectées au secteur agricole. Ce choix est volontaire car ces sujets sont hors thématique pour nous et on les laisse volontiers à d’autres plateformes qui sont spécialisées dans les énergies renouvelables.

Les agriculteurs représentent 50% du potentiel de transition énergétique des 10 prochaines années.


En quoi Miimosa est une solution innovante ?

On apporte des financements qui sont extrêmement innovants, à la fois par leur distribution, mais aussi par leur flexibilité. Aujourd’hui, on est capable de proposer une flexibilité des cash flow en fonction des porteurs de projet (trimestriel, semestriel, annuel) alors que les banques elles, proposent systématiquement un remboursement constant mensuel. C’est notamment cet atout qui fait que Miimosa émerge très fortement.

De plus, on met en relation à la fois des émetteurs agricoles en besoin de financement pour soutenir leur transition, avec des citoyens qui souhaitent donner du pouvoir à leur épargne, mais aussi avec des entreprises ou des fonds d’investissements. Ces prêteurs, à travers Miimosa, accèdent à une nouvelle classe d’actifs qui est utile et complètement inédite car seul Miimosa permet cette connexion directe entre la liquidité et le monde agricole.

Il est important de recréer du lien entre ce qui n’est pas deux mondes différents, mais deux typologiques de population : les ruraux et les urbains.


Dans quelle mesure la solution que vous proposez a-t-elle évolué depuis sa création ?

On a beaucoup évolué dans notre modèle : quand on a commencé on ciblait plutôt les petites et moyennes exploitations agricoles dont la mission est plutôt sociale et locale grâce à un outil qu’on appelle le « don avec contrepartie en nature ». Avec cet outil, les citoyens peuvent donner de l’argent et en contrepartie ces financeurs responsables bénéficient de séjours, de produits ou encore d’expériences à la ferme.

Le don avec contrepartie en nature c’est vraiment l’outil originel de Miimosa qui permet des collectes qui sont comprises entre 1000 et 150 000 euros. 150 000 euros, c’est la collecte record réalisée en 2020 pendant le 1er confinement grâce à des partenariats, notamment avec le marché de Rungis, pour venir en aide aux soignants par l’alimentation. Ce projet a rencontré un fort succès mais la majorité des projets qu’on accompagne en don sont majoritairement compris en 3 et 15 000 euros.

communication Miimosa
Campagne de communication – Miimosa – 2020


En 2018 on a lancé le crédit et en 2019, les agriculteurs pouvaient à la fois emprunter auprès des citoyens mais aussi auprès de fonds d’investissements de fondations, d’entreprises, de grandes familles patrimoniales qui, à travers Miimosa, pouvaient prêter à des projets beaucoup plus capitalistiques.

C’est donc à partir de 2019 que s’est beaucoup accélérée notre activité. En 2018, on faisait un crédit moyen de 40 000 euros et désormais on fait des crédits qui dépassent les 200 000 euros. On vient par exemple de clôturer en l’espace d’une semaine 800 000 euros de crédit pour une coopérative agricole : la Coopérative Agricole Provence Languedoc (CAPL) qui se situe du côté de Tabasco et qui a levé cette somme très simplement auprès de quasiment 800 personnes et quelques privés.

Le crédit, en terme de volume de collecte, a très significativement pris le pas depuis cette année sur les dons et il représentera 70% de notre activité dans les prochaines années. Aujourd’hui on a une palette d’outils de financement qu’on va encore enrichir pour passer à l’échelle supérieure.

Chaque année, nous doublons nos volumes de financement : en 2018 on était à 3,5 millions d’euros de financement, en 2019, on est passé à 10 millions d’euros, en 2020 on va dépasser 20 millions d’euros et l’année prochaine, on en prévoit 40 millions.

Cette très forte croissance est liée à la fois à l’appétence des financeurs pour l’agriculture, puisqu’aujourd’hui, plus que jamais, le secteur agricole crève l’écran notamment avec la pandémie que nous traversons, et aussi à la pertinence des produits qui trouvent enfin en nous une forme d’alternative complémentaire au circuit bancaire traditionnel et qui permettent aux agriculteurs d’accéder à des financements qui sont simples et rapides.

Notre ambition c’est d’apporter 400 à 500 millions d’euros de financement à la transition agricole dans les 4 prochaines années.


Cette semaine, vous lancez une campagne nommée « objectif 1% », pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Cette campagne part du constat qu’aujourd’hui, en France, l’épargne est immense : elle s’élève à 5 000 milliards d’euros, c’est-à-dire plus de 2 fois le PIB français, dont 450 milliards d’euros dorment sur des comptes courants qui ne sont pas du tout rémunérateurs et le reste sur des livrets réglementés tels que des livrets A ou encore des livrets de développement durable dont la rémunération se situe en dessous de l’inflation française.

Grâce à des ONG plus ou moins militantes telles que Oxfam par exemple, on sait que 70% de l’épargne bancaire finance encore aujourd’hui des industries polluantes, des énergies fossiles et contribuent à la destruction de la biodiversité.

Or, on sait que les français sont plutôt désireux aujourd’hui d’avoir des produits responsables : plus de 90% d’entre eux selon la dernière enquête d’IFOP regrettent de ne jamais s’être vu proposer des projets d’épargne responsable par leur banque ce qui interpelle aussi beaucoup sur la responsabilité du retail bancaire. Aujourd’hui on ne peut pas distribuer ce genre de produits alors que les défis sont immenses notamment ceux liés au dérèglement climatique et à l’environnement.

À côté de cela, il y a la finance solidaire qui finance des projets à forte portée sociale et environnementale et qui est collectée par l’épargne salariale ou par quelques produits d’épargne responsable distribués par les banques. Malheureusement, cette épargne solidaire représente seulement 0,29% du patrimoine financier des français c’est à peine 15 milliards sur les 5 000 milliards d’euros d’épargne disponibles en France.

Ainsi, au regard de l’urgence du moment qui va s’amplifier dans les mois et années à venir, il est indispensable d’agir et les citoyens ont leur rôle à jouer. On est pas en train de dire que tout le monde a une capacité d’épargne mais en moyenne les français ont de côté 25 000 euros. Le sujet de cette campagne c’est donc de consacrer 1% de notre épargne tous ensemble dans ce genre de produits pour contribuer à changer la trajectoire du monde.

En France, 1% des 5 000 milliards d’euros d’épargne disponibles, ça ferait passer la finance solidaire de 15 à 50 milliards d’euros ce qui est déjà conséquent quand on sait que le plan de relance est à 100 milliards d’euros.


Avez-vous des projets à plus long terme dont vous aimeriez nous faire part ?

À partir de mars/avril, nous allons créer nous-même un fonds dédié à la transition agricole. Il sera doté dans un premier temps de 50 millions d’euros dont l’objectif sera de co-financer à travers la plateforme et aux côtés des autres prêteurs, des projets plus capitalistiques et sécuriser les financements rapidement grâce à une mécanique qui soldera automatiquement les financements qui dépasseront un certain montant et un certain nombre de jours. Ce fond ne sera pas souscrit par des particuliers mais uniquement par des acteurs privés : corporates, institutionnels, familles offices…

À lire sur le même sujet