En France, le secteur des transports est le principal responsable de nos émissions de gaz à effet de serre, représentant 31% des émissions totales de l’hexagone en 2019, soit environ 136 millions de tonnes de CO2 équivalentes par an. Parmi ces émissions, on estime que 40% sont attribuables au transport de marchandises, dont 21% pour les poids lourds et 16% pour les véhicules utilitaires légers.
Pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, la France s’est donc engagée à décarboner complètement le secteur des transports dans sa Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC). Un vaste sujet qui implique à la fois un renouvellement de nos usages en matière de déplacements, mais aussi des investissements conséquents sur les mobilités les moins polluantes ainsi qu’un changement de mode de propulsion pour les véhicules, qu’il s’agisse des voitures, des véhicules utilitaires ou des poids-lourds.
D’autant que les réglementations deviennent de plus en plus strictes pour les fabricants de véhicules, qui devront réduire d’au moins 30 % les émissions moyennes de tous les nouveaux véhicules vendus en une année d’ici 2030. En outre, les transporteurs devront s’adapter aux zones à faibles émissions (ZFE), qui ont déjà été mises en place dans 11 grandes villes françaises et qui le seront dans toutes les villes de plus de 150 000 habitants d’ici 2025.
La question se pose donc de savoir quelles sont les alternatives les plus appropriées pour remplacer les moteurs thermiques. À l’heure actuelle, trois possibilités tiennent la corde : Le biogaz obtenu par valorisation des déchets ; les batteries électriques et l’hydrogène bas carbone.
Cependant, l’utilisation du biogaz dans un moteur à combustion génère des émissions de particules fines et un niveau de bruit plus élevé que les véhicules électriques tels que ceux fonctionnant à l’hydrogène vert ou à l’électricité. De plus, la production d’hydrogène bas-carbone et de biogaz est limitée et ces vecteurs énergétiques sont en forte concurrence avec d’autres secteurs économiques qui cherchent également à décarboner leur activité. Par exemple, le secteur aérien et maritime, ainsi que certaines industries chimiques, ne peuvent pas utiliser des batteries pour se décarboner et envisagent de s’appuyer sur l’hydrogène. Le biométhane, lui, pourrait servir d’alternative au gaz naturel fossile dont nous sommes dépendants.
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L’électrique, la meilleure solution ?
Dans l’ensemble, les véhicules électriques alimentés par batterie semblent donc les plus adaptés pour assurer la décarbonation du transport de marchandises en milieu urbain et péri-urbain. L’électrification est d’ailleurs devenue l’option préférée des constructeurs pour la décarbonation de leurs véhicules. Les fabricants de poids lourds prévoient ainsi que, d’ici huit ans, soit en 2030, environ 40 à 50 % de leurs ventes concerneront des camions électriques.
Celà nécessitera cependant de lever certains freins. Récemment, une étude menée par Carbone 4 et commanditée par l’ONG Transport & Environnement a tenté de mettre en évidence les limites de cette technologie. Les résultats ont révélé plusieurs contraintes opérationnelles liées principalement aux batteries.
Tout d’abord, le problème se pose quant à l’autonomie actuelle des camions électriques, qui est assez limitée, oscillant entre 140km et 200 km en conservant une marge de sécurité. En outre, les packs de batterie installés sur les camions réduisent la charge utile et augmentent les coûts. En moyenne, la plupart des utilisateurs installent 4 packs de batterie, ce qui représente un surpoids de 1,4 tonne. Enfin, sans possibilité de recharge rapide, le temps de charge des camions limitera le nombre de tournées qu’il peuvent effectuer dans une journée. Ces trois problèmes peuvent cependant trouver des solutions dans les prochaines années.
Pour réussir l’électrification des poids lourds, il sera donc important de déployer des bornes de recharge rapide sur le territoire, notamment par les exploitants (au dépôt), par les chargeurs (clients) et les collectivités (aires de stationnement, stations multi-énergies). Les transporteurs devront également repenser les schémas logistiques, en anticipant les distances, les charges utiles, le nombre de tournées, etc. Par ailleurs, il faut parier sur le fait que la capacité des batteries des camions va continuer à augmenter, ce qui permettra de couvrir presque toutes les activités de transport de marchandises en milieu urbain et régional.
À partir de 2023, la plupart des principaux constructeurs européens devraient ainsi proposer des camions de 16 tonnes avec une capacité allant jusqu’à 400 kWh, ce qui permettra de parcourir entre 200 et 350 km. Cette évolution est bénéfique pour le transport de marchandises régional, car la distance journalière moyenne varie entre 200 et 400 km. En France, 89% des trajets de camions sur ce segment sont inférieurs à 300 km.
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Une question de coûts ?
Un autre frein au développement de l’électrification des poids-lourds actuellement, c’est le coût d’acquisition d’un camion électrique, qui est d’environ 2 à 3 fois supérieur à celui d’un camion diesel. Cependant, grâce à l’augmentation de la production de camions électriques et à la baisse attendue des coûts des batteries pour les poids lourds, le coût d’acquisition des camions électriques devrait rapidement diminuer. Cette tendance a déjà été observée pour les voitures particulières.
En parallèle, le coût d’exploitation par kilomètre pour un camion électrique est d’environ 50% moins élevé que celui d’un camion diesel, ce qui permet de réduire en partie le surcoût lié à l’acquisition. En outre, les pouvoirs publics ont mis en place des dispositifs d’aides financières tels que le bonus écologique, les primes pour l’installation de bornes de recharge et l’appel à projet « Ecosystème des véhicules lourds électriques » afin de réduire l’écart de coût d’acquisition entre les véhicules électriques et leurs équivalents diesel.
Évidemment, comme pour les voitures individuelles, il faut conserver à l’esprit que l’électrification du parc de poids lourds devra aussi s’accompagner d’une réduction globale du trafic si nous voulons avoir un réel impact environnemental. Entre autres solutions sur ce sujet, il y a le développement du transport rail/route où le développement du transport fluvial. En Suisse, une autre voie plus futuriste devrait même être testée prochainement : un tunnel sous-terrain entièrement dédié au fret et à la livraison de colis.