Interdire les vols intérieurs réalisables en moins de 4h en train, proposition issue des travaux de la convention citoyenne pour le climat, trouve sa justification dans le fait qu’à trajet équivalent, le transport ferroviaire est bien plus respectueux du climat que l’avion. Ainsi, en prenant en compte les seules émissions de CO2, l’avion est 14 à 40 fois plus émetteur de CO2 que le train, par kilomètre parcouru et personne transportée, sur un trajet national.

L’article 36 du projet de loi Climat et Résilience adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale n’a repris que très partiellement cette proposition. Seules les liaisons aériennes réalisables en train en moins de 2h30 seront fermées, ce qui concerne 5 lignes : Paris-Bordeaux, Paris-Lyon, Paris-Nantes, Paris-Rennes et Lyon-Marseille. Cependant, l’introduction d’une possibilité de dérogation pour les liaisons où les passagers en correspondance avec une autre liaison aérienne sont majoritaires est susceptible de limiter encore plus le champ d’application de cette mesure, à la seule liaison Paris Orly-Bordeaux.

Et pour justifier cette réduction du champ d’application de la mesure, on a beaucoup entendu que le train – et la SNCF – auraient des difficultés à absorber la clientèle aérienne. Mais est-ce réellement le cas ?

Selon l’étude, l’élargissement du champ de la fermeture des lignes de 2h30 à 4h permettrait de multiplier par 3 le bénéfice climatique de la mesure, avec une réduction des émissions de CO2 issues des vols métropolitains de 33,2% contre 11,2%. Un bénéfice d’autant plus pertinent que favoriser le train à l’avion pour les voyages métropolitains de moins de 4h ne semble donc pas avoir d’impact négatif sur les critères d’importance mis en avant par les usagers lorsqu’ils choisissent un mode de transport plutôt qu’un autre.

En prenant en compte l’ensemble des impacts de l’avion, un trajet Paris-Marseille émet 138 fois plus de gaz à effet de serre que le même trajet en TGV.

Ademe

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Le train n’est pas plus cher que l’avion sur les longs trajets

Selon un sondage IFOP réalisé en 2020, si les usagers se disent pour 21% d’entre eux sensibles à la question environnementale pour le choix de leur mode de déplacement, les critères les plus importants pour les Français lorsqu’il s’agit de trajets de plus de 300 km sont le prix, suivi du temps de trajet et du confort. Si l’on pourrait croire que ces critères profitent davantage à l’avion qu’au train, l’étude menée par le Réseau Action Climat montre au contraire que sur l’ensemble de ces critères, la performance du train est supérieure ou comparable à celle de l’avion.

Sur la question du prix tout d’abord, des études récentes ont montré que les tarifs du train sont inférieurs à ceux de l’avion sur les liaisons métropolitaines réalisables en 4h de train. L’analyse menée par le Réseau Action Climat confirme les résultats de ces études en montrant qu’en moyenne, les tarifs de l’avion sont globalement supérieurs à ceux du train pour les mêmes trajets, mis à part pour les liaisons Lille-Lyon et Bordeaux-Lille. Cependant, le Réseau Action Climat précise que ces résultats doivent être pris avec précaution étant donné l’impact potentiel de la situation sanitaire sur la tarification des opérateurs.

Concernant le temps de trajet, le temps de trajet total, c’est-à-dire « porte à porte » est aussi à l’avantage du train pour les liaisons réalisables en moins de 3h avec ce mode de transport. En ce qui concerne les liaisons entre 3 et 4h, le temps de trajet total est moindre ou très proche de celui de l’avion (moins de 40 minutes de différence). Ce temps prend en compte les temps d’accès à la gare ou à l’aéroport ainsi que le temps de dispersion depuis la gare d’arrivée avant d’arriver à la destination finale, en transports en commun (navette, bus train ou tramway) ou en voiture. Dans le cas d’un voyage aérien, un temps moyen supplémentaire d’une heure trente pour l’enregistrement et les contrôles de sécurité a été pris en compte.

Enfin, en termes de confort et de valorisation du temps de trajet, le train présente des avantages indéniables : sièges plus larges, distances entre les rangées de sièges plus longues, accès à internet, moins de temps d’attente avant et après le trajet…). La notion de « temps utile » est aussi maximisée lors d’un voyage en train par rapport à un voyage en avion grâce à un moyen de transport qui permet à ses usagers de se réapproprier leur temps de trajet pour travailler, discuter, lire, écouter de la musique ou se reposer. En effet, élaboré à partir de l’étude de « Travel Time Efficiency » menée par le cabinet EPSA en 2012, le comparateur de temps utile mis en place par la SNCF confirme que pour la plupart des trajets couverts par cette étude, le temps utile pour un usager est supérieur en train (80% du temps) qu’en avion (50%).

Les billets de train sont en moyenne 4 euros moins chers que ceux de l’avion sur les liaisons pouvant être parcourues en train en 4h.

UFC Que Choisir
TGV Duplex
Les rames Duplex ont, pour une même longueur, une capacité de transport supérieure de 133 places à celle des TGV Réseau


Faciliter l’intermodalité train-avion pour les voyageurs internationaux

De nombreux usagers empruntent les lignes aériennes métropolitaines pour rejoindre un hub aéroportuaire dans l’optique de se rendre à une destination européenne ou internationale. On pourrait donc penser que la suppression de ces lignes aériennes viendrait contraindre ces derniers tant en termes de praticité que de durée de correspondance. C’est notamment que ce qui a poussé l’Assemblée Nationale à introduire une dérogation à l’article 36 pour les liaisons où les passagers en correspondance avec une autre liaison aérienne sont majoritaires. Mais favoriser une intermodalité train-avion ne pourrait-il pas être une alternative pertinente à cette dérogation ?

Pour y répondre, le Réseau Action Climat a donc pris en compte dans son étude la facilité de la correspondance train-avion afin d’évaluer le potentiel de report modal des lignes aériennes intérieures sur le mode ferroviaire. Les résultats de l’analyse menée montrent que, pour les liaisons ferroviaires inférieures à 2h30 telles que Nantes-Paris ou Lyon-Marseille par exemple, le temps de trajet total dans le cadre d’un voyage intermodal est comparable ou inférieur à celui de l’avion. Cependant, au-delà de 2h30, le temps total de voyage est en faveur de l’avion.

Cependant, pour les auteurs de l’étude, l’intermodalité train-avion pourrait être améliorée pour les passagers en correspondance, notamment via la généralisation de la tarification combinée « Train-Air ». Cette offre combinée est actuellement développée par la SNCF et plusieurs compagnies aériennes sur toutes les liaisons concernées par cette interdiction afin de faciliter les voyages en correspondance.

Une autre piste pour encourager l’intermodalité train-avion serait de développer des connexions directes à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle (CDG). En effet, on a pu constater par le passé que la mise en service en France d’une gare TGV à l’aéroport Roissy, mais aussi à celui de Lyon Saint-Exupéry et de Vitrolles Aéroport Marseille Provence, a permis d’améliorer considérablement la qualité du service rail-air pour les zones desservies. Selon la dernière enquête de la DGAC, si les passagers intermodaux restent relativement peu nombreux en France, leur nombre a progressé depuis, de 2,1% à 5,2% pour Paris CGD entre 1999 et 2014 et de 0,49% à 2,36% pour Lyon Saint Exupéry entre 2002 et 2014.

L’ensemble des voyageurs aériens des lignes métropolitaines pour lesquelles il existe une alternative en train en moins de 4h pourrait être reporté sur le train, tant à l’échelle de la journée entière qu’en heure de pointe.

Réseau Action Climat
Aéroport Roissy Charles de Gaulle
Avant la crise sanitaire, l’aéroport Roissy Charles de Gaulle connaissait un atterrissage ou un décollage toutes les 30 secondes.


Le train est capable d’absorber les passagers aériens

Afin de déterminer si oui ou non le train est en capacité d’absorber les passagers aériens, il s’agit dans un premier temps de mettre en évidence la capacité résiduelle des trains c’est-à-dire le nombre de places libres par train. Grâce au bilan du marché ferroviaire de l’année 2019 rédigé par l’Observatoire des transports, une occupation moyenne des trains de 73% est retenue.

Ainsi en tenant compte de cette capacité résiduelle, l’absorption du trafic aérien journalier serait possible pour 21 des 23 lignes de moins de 4h et ce sans aucune modification de l’offre ferroviaire. En ce qui concerne les 2 lignes restantes que sont celles de Paris-Biarritz et Lyon-Rennes, elles seraient aussi en mesure d’absorber le trafic aérien journalier si des rames TGV de plus grande capacité étaient mises en service avec par exemple la mise en place de TGV Duplex.

Pour le cas des heures de pointe, le train serait aussi en capacité d’absorber le report des passagers aériens, à créneaux horaires constants avec cependant la mise en place de trains plus capacitaires pour la très grande majorité des lignes, ou avec l’engagement d’un train supplémentaire dans le cas de la ligne Paris-Marseille et Paris-Clermont Ferrand.

Ainsi, les résultats de cette étude technique menée par le bureau d’études Egis Rail pour le Réseau Action Climat démontrent que l’ensemble des voyageurs aériens des lignes métropolitaines pour lesquelles il existe une alternative en train en moins de 4h pourrait être reporté sur le train, tant à l’échelle de la journée entière qu’en heure de pointe.

« De manière générale, les capacités requises sur le réseau pour permettre la circulation de trains supplémentaires sont compatibles avec la capacité actuelle du réseau et le déploiement de nouvelles signalisations permettant davantage de circulation de train par heure. Le report des voyageurs aériens vers le train ne justifie donc a priori aucun investissement supplémentaire sur le réseau, hormis ceux déjà actés, programmés et financés » indique aussi le rapport.

Des résultats donc optimistes qui pourraient encourager le gouvernement à revoir ses ambitions à la hausse dans le cadre de sa politique de mobilités douces. Cependant, le Réseau Action Climat recommande de poursuivre l’étude de faisabilité afin notamment d’étendre l’analyse à des périodes spécifiques de week-ends et vacances pour affiner les potentialités de report modal.

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