De plus en plus de villes abaissent aujourd’hui la vitesse de circulation des véhicules à 30 km/h, en France ou ailleurs dans le monde. Une mesure clivante, pas toujours bien comprise, qui vise avant tout à réorganiser l’espace public au profit des mobilités douces (vélo, transport en commun, marche à pied…) et donc, in fine, à rendre les villes plus agréables et plus sécurisées pour leurs occupants. 

Pratique apparue aux Pays-Bas dans les années 1970, la limitation de vitesse à 30 km/h n’a pas été tout de suite reprise dans l’Hexagone. Il a fallu attendre les années 2000 pour voir les premières villes françaises y avoir recours. Ces villes étaient situées en banlieue parisienne : Sceaux, Fontenay-aux-Roses ou encore Nogent-sur-Marne. Il faut ensuite attendre 2016 pour qu’une métropole, Grenoble, se décide à appliquer ce dispositif. Et face aux premiers enseignements de cette expérience, la capitale iséroise a été suivie par de nombreuses villes : Lille, Nantes, Montpellier, Nice et, plus récemment, Paris, pour ne citer que ces grandes métropoles.

Lors d’un choc avec un véhicule qui roule à 30km/h, un piéton a 90% de chances de survie, contre 20% à 50km/h


Réduire les accidents et les morts en ville

Les effets recherchés avec la limitation de la vitesse de circulation en ville sont multiples. Mais le premier argument, c’est le renforcement de la sécurité routière : lors d’un choc avec un véhicule qui roule à 30km/h, un piéton a 90% de chances de survie. Mais lors d’un choc avec un véhicule qui roule à 50km/h, le piéton n’a plus que 20% de chances de survivre.

Et la mesure est efficace, des études réalisées dans des villes ayant abaissé leur vitesse de circulation le prouvent. À Toronto par exemple, le nombre d’accidents impliquant des véhicules motorisés à diminué de 67% depuis l’instauration de la réglementation. À Helsinki, où la vitesse est limitée à 30 km/h depuis 2019, il n’y a plus eu aucun décès piéton depuis cette date. Au vue de ces résultats, il n’est pas surprenant de voir la réduction de la vitesse des véhicules en ville faire partie des principales attentes des piétons dans le premier baromètres des villes marchables paru récemment.

Mais en ayant recours à cette mesure, les villes ne cherchent pas uniquement à accroître la sécurité des urbains. Diminuer la vitesses des véhicules motorisés doit aussi permettre d’atteindre un autre objectif : inciter les gens à délaisser leur voiture au profit des mobilités douces. Selon le Cerema, qui a étudié les impacts de la mesure à Grenoble, le trafic routier a connu une diminution de 9% des véhicules légers et de 20% des véhicules lourds depuis que la vitesse y est de 30km/h. En facilitant le report modal vers les autres mobilités, la mesure est donc également pertinente d’un point de vue environnemental.

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Affichage limitation 30 km/h au sol


La pollution émise par les véhicules à 30 km/h est-elle un non-sujet ?

Lorsque la mesure a été mise en place à Paris, à la fin de l’été 2021, de nombreuses voix se sont élevées, brandissant des études, pour expliquer que la limitation de vitesse à 30 km/h augmenterait la pollution émise par les voitures. Le fait est qu’une voiture pollue en effet davantage à 30 km/h qu’à 80 km/h. Ce qui intéressant, puisque cela rappelle justement que les voitures ne sont pas conçues pour rouler en centre-ville, mais que leur efficacité optimale se situe uniquement sur de longs trajets.

Cependant, la question est pertinente, car l’abaissement de la vitesse à 30 km/h possède tout de même une visée écologique. Benoit Hiron, responsable à la sécurité des déplacements au Cerema expliquait ainsi en août sur les ondes de France Inter que « dans un projet de généralisation de la vitesses à 30km/h, ce ne sont pas les émissions de chaque véhicule que l’on vise à diminuer » mais que « l’objectif c’est de changer la façon de se déplacer, de provoquer des changements de moyens de transports, à pieds ou à vélo, pour les courtes de distances »

Un rapport du Commissariat général au développement durable valide d’ailleurs cette réflexion en estimant que la baisse de la vitesse à 30 km/h en ville pousserait, en moyenne, 1 personne sur 5 à abandonner la voiture pour un autre mode de transport. Un report modal qui améliore aussi la fluidité du trafic en ville et réduit donc les nuisances sonores et la pollution. Selon un rapport de l’Ademe datant de 2014 « dans la plupart des études, une réduction de la vitesse est associée à une diminution du bruit ». Lutter contre la pollution atmosphérique en incitant au report modal et lutter contre la pollution sonore, voilà donc les externalités positives de la méthode.

Les embouteillages sont un facteur de pollution des voitures plus important que la limitation à 30 km/h


Une mesure qui gagne en efficacité si elle est accompagnée par des aménagements

Il subsiste un constat embêtant quant à l’efficacité de la mesure. En effet, la limitation n’est pas réellement respectée par les usagers de la route. A Grenoble par exemple, depuis l’instauration de cette nouvelle règle, la vitesse moyenne sur les axes limités à 30 km/h a certes diminué, mais elle reste au-delà de celle autorisée. Celle-ci est passée de 39 km/h à 37km/h. Le constat est le même à Lille ou à Nantes. Le Cerema explique qu’une des raisons de ce résultat serait le déficit de communication sur le long terme et le manque de contrôles pour la faire respecter.

Mais au-delà des contrôles, la vitesse des véhicules en ville est aussi conditionnée par les aménagements et ne repose pas uniquement sur de la communication ou des contrôles et la limitation de vitesse à 30 km/h ne peut fonctionner si elle est une mesure isolée. Au contraire, pour être efficace, elle doit faire partie d’un large plan destiné à changer les habitudes de mobilité des urbains. Les autres éléments du plan peuvent être nombreux et très variés : suppression des feux tricolores, réaffectation des espaces non utilisés aux modes de circulation actifs ou encore renforcement de l’attractivité des transports en commun. La gratuité des transports est par exemple une mesure à regarder, notamment dans les villes moyennes.

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