Depuis le 31 août 2020, plus de 80% des rues de la métropole de Nantes sont désormais limitées à 30km/h. L’agglomération compte ainsi plus de 600 km de voies en zone apaisée où la priorité est donnée aux piétons et cyclistes. Après Lille en 2019, Nantes devient ainsi la seconde « Grande Métropole » Française à réduire la vitesse des automobilistes sur la quasi-totalité de ses axes routiers.

Mais quel est réellement l’impact de cette mesure en matière d’environnement ?

Le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) a évalué la démarche « Métropole apaisée » initiée en 2016 par Grenoble Alpes Métropole et nous livre des éléments de réponse à ce sujet.

Cette étude révèle au moins deux raisons valables de généraliser cette mesure à toutes les villes françaises puisqu’elle semble amener à :

  • Une réduction des accidents impliquant des piétons et cyclistes.
  • Une diminution du trafic automobile global.


Une vitesse moyenne en baisse, mais toujours supérieure à 30km/h

Afin de favoriser un meilleur partage de l’espace public, la métropole grenobloise a donc généralisé progressivement la circulation à 30km/h sur 43 de ses 49 communes à partir de 2016. Elle a été la première en France à prendre cette mesure dans un plan plus vaste destiné à favoriser un meilleur équilibre des mobilités en ville, notamment vis à vis des piétons et cyclistes.

L’évaluation faite par le Cerema de cette démarche s’appuie sur une comparaison d’indicateurs (relevés avant la mise en œuvre du dispositif, 1 an après, puis 3 ans après) auprès d’un panel de près de 3 000 usagers (piétons, automobilistes, cyclistes) interrogés à chaque phase.

Elle montre d’abord, et sans surprise, une approbation forte de la mesure de la part des piétons (61%) et des cyclistes (70%), ainsi qu’un respect croissant de la limitation de vitesse par les automobilistes (33% après un an, 38% après trois ans). En moyenne, la vitesse sur l’ensemble de la métropole est ainsi passée de 39 km/h à 37 km/h. On note, sans surprise, que les 30km/h ne sont pas respectés par les automobilistes mais on peut se satisfaire de constater que la vitesse globale à tendance à diminuer. D’autre part, le Cerema observe également une diminution significative de la vitesse sur les axes toujours limités à 50km/h dans l’agglomération grenobloise, avec une moyenne en baisse de 43km/h à 37km/h sur ces voies.

Le constat sur le respect de la limitation est similaire à Lille, qui a passé la majeure partie de sa voirie en zone 30 il y a un an. Une limitation respectée par seulement 60% des automobilistes selon la municipalité. Dans son rapport d’évaluation de la démarche mise en place à Grenoble, le Cerema précise également qu’avec le temps, la mesure est de moins en moins connue par les usagers de la route en raison d’une moindre communication sur le sujet. Un axe à prendre en compte pour les futures villes candidates à ce dispositif.

Le passage à 30km/h permettra concrètement de renforcer la sécurité de tous, piétons comme cyclistes, mais aussi de réduire les nuisances sonores

Johanna Rolland
panneau zone 30 ville


1 personne sur 5 prête à abandonner la voiture en cas de réduction de la vitesse

Un autre effet intéressant de la limitation à 30km/h semble être la diminution du trafic motorisé en ville (- 9% des véhicules légers et – 20% des poids lourds à Grenoble), traduction probable d’un transfert pour les automobilistes vers des moyens de transport alternatifs.

Un rapport du Commissariat général au développement durable validait d’ailleurs ce constat en 2018, estimant que la baisse de vitesse à 30 km/h en ville pousserait en moyenne une personne sur cinq à abandonner la voiture pour un autre mode de transport, contribuant ainsi à une plus grande fluidité du trafic motorisé en ville et, in fine, à une amélioration de la qualité de l’air. C’était également le constat réalisé par l’ADEME dans une étude publiée en 2014.

Par ailleurs, l’étude du Cerema relève une amélioration générale de l’accidentalité (en nombre et en gravité), avec une amélioration spécifique pour les piétons. La diminution de la vitesse en ville aurait donc comme effet d’améliorer la sécurité des piétons. Une observation confirmée dans d’autres villes à avoir mis en place des dispositifs similaires. Ainsi, après avoir abaissé la vitesse à 30km/h, la ville de Toronto a constaté une baisse de 67% des accidents. C’est aussi le cas à Helsinki qui n’a enregistré aucun décès de piéton dans ses rues en 2019 après avoir réduit la vitesse en centre-ville.

C’est d’ailleurs l’argument principal mis en avant par Johanna Rolland, la maire de Nantes pour justifier sa mesure. « Le passage à 30km/h permettra concrètement dans une ville apaisée, de renforcer la sécurité de tous, piétons comme cyclistes, mais aussi de réduire les nuisances sonores, pour une meilleure qualité de vie » précisait l’édile dans un communiqué de presse cette semaine.


Une mesure efficace si elle est complétée par d’autres aménagements

En matière d’importance accordée aux piétons et cyclistes, le meilleur exemple en Europe reste la ville espagnole de Pontevedra. Une ville qui est d’ailleurs passée de 30 morts par an en raison de la circulation à 3 morts par an seulement. Pour cela, Pontevedra n’a pas seulement réduit la vitesse à 30km/h mais également travaillée à d’autres aménagements (remplacement des feux tricolores par des ronds-points, piétonisation du centre-ville, réduction voire suppression des places de stationnement, etc.).

L’étude du Cerema concernant la démarche mise en place à Grenoble relève d’ailleurs que la réduction de la vitesse de circulation des véhicules motorisés semble plus découler de l’aménagement sur lequel ils circulent que des limitations en tant que telles. Ainsi, en plus de l’abaissement de la limitation de vitesse, d’autres facteurs sont à mettre en place pour une démarche efficace :

  • La révision des plans de déplacement, renforçant notamment l’accessibilité au centre-ville aux transports en commun,
  • La suppression de feux tricolores,
  • La réaffectation des espaces non utilisés aux modes de circulation actifs,
  • Le renforcement de l’attractivité des transports en commun.

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