En France, on définit les villes moyennes selon des seuils statistiques variables, mais on considère généralement comme villes moyennes celles qui comprennent entre 20 000 et 100 000 habitants. On en compte environ 200 dans l’Hexagone aujourd’hui. Longtemps, face au modèle dominant des métropoles, ces villes ont souffert d’un manque d’attractivité, de dépréciation économique et démographique. En France, il était alors mieux vu de vivre dans des grandes villes.

Et puis récemment, la pandémie liée au Covid-19 a semblé redonner ses lettres de noblesse à ces villes à taille humaine, moins denses et moins polluées que les métropoles. Un sondage réalisé par l’Ifop durant la crise sanitaire montrait ainsi que 87% des français considéraient alors qu’habiter dans une ville de taille moyenne était préférable au fait d’habiter dans une grande métropole.

Un véritable consensus pour remettre sur le devant de la scène ces communes jadis délaissées ? Avec la généralisation du télétravail et la prise de conscience des enjeux écologiques, ces aires urbaines avaient l’air d’être les grandes gagnantes. Une autre étude IFOP, parue en juin 2021, expliquait que 30% des actifs « résidant dans de grandes agglomérations envisageraient de déménager de leur logement actuel » et, pour 48% d’entre eux, à destination d’une ville moyenne.

Pourtant, d’après un rapport de France Stratégie paru en janvier 2022 et intitulé « La revanche des villes moyennes, vraiment ? », la dynamique en faveur de ces territoires est assez éloignée des idées reçues. Le rapport souligne ainsi que leur « dépréciation » historique n’est pas aussi flagrante que ce que l’on pensait, et que le grand exode post-confinement n’a pas encore eu lieu.

Quartier résidentiel


Des villes pas si délaissées qu’on ne le pense

Ce rapport de France Stratégies vient d’abord souligner l’importance capitale que revêtent ces villes dans le paysage économique et social français. Elles accueillent aujourd’hui 35 % de la population française et 30 % de l’emploi salarié, dont 37% des emplois industriels. Bon nombre d’entre-elles sont d’ailleurs des préfectures et sous-préfectures et disposent d’un bon niveau d’équipement en matière de services. Un point important pour prendre conscience que ces communes ne sont pas non plus des no man’s land.

Toutefois, toutes les villes moyennes ne sont pas logées à la même enseigne, et on observe évidemment des divergences entre les trajectoires de ces territoires spécifiquement en termes d’évolution de l’emploi, de démographie et d’immobilier. En 2017, le Gouvernement a d’ailleurs lancé le plan Action Coeur de Ville, doté de 5 milliards d’euros, pour accompagner spécifiquement les communes de 10 000 à 100 000 habitants souffrant de difficultés, afin « de redynamiser les centres-villes en agissant à la fois sur l’habitat, le commerce, les services, l’activité culturelle et le patrimoine ainsi que la sur transition écologique ».

Globalement, plusieurs indicateurs démontrent cependant l’attractivité de ces communes pour les françai.se. « 42 % des villes du panel, soit 85  villes sur les 202, ont des trajectoires plus dynamiques que la trajectoire nationale sur la dernière décennie concernant la démographie, l’emploi et les prix de l’immobilier » confiait ainsi récemment Claire Rais Assa, Cheffe de projet chez France Stratégies, sur le blog spécialisé Dixit.net.

Ces indicateurs s’expriment notamment à travers le niveau d’emploi, qui dans les villes moyennes a dépassé en 2021 celui de 2019. Le taux de croissance de l’emploi s’élève en effet à 2,3% dans ces territoires, soit légèrement plus que dans les métropoles, qui elles ont connu un taux de croissance de 1,9%. Il ressort également des analyses qu’un tiers des villes moyennes a connu une augmentation des prix de l’immobilier plus rapide que la moyenne nationale. Un autre critère démontrant leur attractivité.

carte des villes moyennes france


Une amplification des tendances existantes ?

Il ressort ainsi de l’enquête de France Stratégies que les villes moyennes qui connaissaient des trajectoires dynamiques dans la dernière décennie ont été moins affectées par la crise sanitaire que celles avec des trajectoires plus en retrait. Par exemple, les villes d’Amnéville-Rombas, de Chaumont ou encore Sarreguemines étaient concernées par de nombreuses pertes d’emplois ces 10 dernières années et font partie de celles qui ont le plus souffert entre 2019 et 2021. « La crise du Covid n’a pas fait émerger un monde d’après, elle a plutôt amplifié toute une série de tendances déjà à l’œuvre » explique ainsi Jérôme Fourquet, directeur du département « Opinion » de l’Ifop. 

La crise sanitaire a ainsi globalement amplifié une dynamique de fond en faveur des villes moyennes, qui connaissent pour la plupart une trajectoire positive depuis la dernière décennie. Des travaux ultérieurs permettront évidemment de déterminer dans quelle mesure ces communes ont pu bénéficier de l’effet Covid et de la généralisation du télétravail. Néanmoins, une tendance ressort du rapport de France Stratégies : contrairement aux métropoles, ce sont avant tout les couronnes de ces villes moyennes qui ont bénéficié de cette attractivité, et non pas les pôles urbains, évalués comme moins dynamiques. 

La faute à un modèle très séduisant sur le papier : celui de la maison avec jardin, qui séduit énormément les français-es et qui, depuis les années 1970, est au coeur de notre modèle de développement urbain. Un modèle qui, cependant, n’est plus compatible avec les préoccupations environnementales. D’abord, parce que la lutte contre l’artificialisation des sols nous impose de densifier les villes au lieu de les étaler. Ensuite, parce que cet étalement favorise aussi l’usage de la voiture individuelle tel qu’on le connaît aujourd’hui (les bouchons en périphérie des villes et les émissions de gaz à effet de serre qui y sont associées).

L’enjeu, pour les villes moyennes, semble donc de maintenir leur attractivité et leur image d’Eldorado en réussissant à concilier leur développement économique avec une justesse sociale et environnementale nécessaire au monde de demain. Et pour cela, il y a peut-être une question de taille critique à trouver pour que les villes moyennes restent toujours moyennes, et pour autant, qu’elles continuent de faire rayonner leurs territoires.

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