L’urbanisme des années Giscard a eu pour effet de développer l’habitat pavillonnaire en France. Un modèle intéressant pour l’accès à la propriété qui a permis la création de zones résidentielles en périphérie des villes. Un modèle encore dominant aujourd’hui et dont on a encore du mal à sortir, alors même qu’il n’est plus adapté aux enjeux actuels en matière de transition écologique. Et particulièrement vis à vis de l’étalement urbain et l’artificialisation de terres cultivables.

Les villes, qu’elles soient grandes ou petites, ont donc l’impératif de repenser leurs plans d’urbanisme sous le prisme de la densification. Ce qui est possible via de multiples possibilités : la réhabilitation des friches, par exemple, le recours à des constructions modulaires ou encore le développement de zones d’urbanisme transitoire.

Une autre réponse se trouve dans une pratique nouvelle qui se développe en France depuis une dizaine d’années : le BIMBY, pour « Build In My Backyard« . Une pratique qui favorise la construction de nouveaux logements dans des jardins privés que leurs propriétaires trouvent trop grands.


200 000 terrains à bâtir chaque année sans étalement urbain

La densification des quartiers pavillonnaires qui entourent nos coeurs de villes représente sans doute une opportunité pour résoudre la problématique de l’accès au logement sans passer par l’artificialisation de nouveaux sols. En effet, par la présence de jardins, ces quartiers permettent l’émergence d’une densification douce.

Aujourd’hui, près d’une centaine de collectivités se sont déjà lancées dans cette démarche. La première opération de l’entreprise Ville Vivantes, fondée par David Miet, acteur principal du BIMBY depuis 2009, a notamment eu lieu à Périgueux en 2016. L’idée était alors de construire 100 nouveaux logements dans les jardins des habitants de la ville. Au total, ce sont 250 porteurs de projets qui ont participé à l’opération et, au bout de 30 mois, 101 projets ont été concrétisés. Une opération reconduite avec un nouvel objectif de 150 logements supplémentaires à construire dans des jardins d’ici 3 ans.

Entre 2014 et 2018, se sont environ 80 territoires, de toute taille, qui ont testé ce modèle. « La France dispose d’un parc de 19 millions de maisons individuelles. Si chaque année un propriétaire sur 100 décidait de diviser son terrain pour le valoriser comme terrain à bâtir, ce sont quelques 200 000 terrains qui pourraient voir le jour sans engendrer aucun étalement urbain » ajoute d’ailleurs David Miet à ce sujet.

Sur les 4 000 entretiens individuels réalisés par Villes Vivantes depuis 2013, 60% des ménages interrogés envisagent un projet de construction d’un nouveau logement sur leur parcelle à court ou moyen terme.


Un outil pour permettre aux collectivités de répondre à la crise du logement

Et ce n’est pas un hasard si ce sont justement les communes qui connaissent un contexte de marché immobilier tendu qui sont les plus à même d’accompagner des projets de construction dans les jardins. En l’occurrence, Périgny, la Communauté d’Agglomération de La Rochelle, Anglet, Bouloc, Annemasse ou encore Guérande sont autant de communes qui ont fait le choix d’inscrire dans leurs règlements d’urbanisme des objectifs BIMBY ambitieux afin d’apporter une réponse à un accès au bâti complexe.

Par exemple, si nous prenons le cas précis de Guérande : cette commune connaît depuis plusieurs années une croissance continue de sa population mais une baisse de la taille des ménages. Un diagnostic a fait apparaître que 36% des parcelles de la commune pourraient être divisibles. Ce qui a donné lieu, entre 2013 et 2014, à 76 divisions parcellaires amenant à la construction de logements sur des terrains issus d’un jardin découpé.

En outre, les collectivités pourraient avoir un rôle d’autant plus important dans ces projets que le scénario qui consiste à diviser des jardins privés ne représente finalement que la moitié des cas de BIMBY. D’autres opportunités existent sur le même principe, comme la reconfiguration de locaux ou de zones d’activités privées ou publiques. « Si le principe est le même en apparence, il y a encore de nombreux défis à relever pour ce type de projet. La recherche et développement est loin d’être finie ! » précise à ce sujet David Miet.

Une solution qui pourrait donc permettre aux collectivités d’apporter une réponse à la crise du logement en mobilisant un nouveau gisement de foncier afin d’apporter une solution accessible aux ménages qui cherchent à se loger à prix corrects sans trop s’éloigner des centres urbains. Mais, la spécificité de ces projets repose bel et bien dans le fait que ce gisement est détenu par les propriétaires ce qui suppose d’élaborer un rapport de collaboration avec ces derniers afin de mener à bien une opération BIMBY.

schéma étalement urbain
Source : wikibimby


Un gisement foncier important détenu par les propriétaires

Mener à bien des projets de construction dans les jardins suppose effectivement de faire de l’urbanisme de façon horizontale. Car si le gisement foncier de la densification douce est important, il n’en reste pas moins qu’il se situe dans les jardins des propriétés privées. Plus qu’une concertation avec les habitants, il s’agit donc d’établir une réelle collaboration avec eux car ils représentent finalement « la matière première de l’opération« .

Il s’agit donc de faire se rencontrer habitants et architectes afin de mettre en lumière les besoins de ces premiers et permettre aux seconds de les conseiller pour densifier leur parcelle et faire d’un projet BIMBY la réponse à leur besoin. Des entretiens qui permettent de révéler tout le potentiel de ces opérations. Sur les 4 000 entretiens individuels BIMBY réalisés par Villes Vivantes depuis 2013, 60% des ménages envisagent un projet de construction d’un nouveau logement sur leur parcelle à court ou moyen terme.

Une situation fréquente à laquelle un projet BIMBY est tout à fait adapté est par exemple celle d’un ménage vieillissant. Bien souvent, après le départ des enfants, ces ménages se retrouvent avec une maison et un jardin trop grand pour leur mode de vie. En plus d’avoir un espace sous-utilisé, ce surplus peut devenir une charge pour les ménages vieillissant notamment en ce qui concerne l’entretien. En outre, ces habitations peuvent ne plus être adaptées lorsque des problèmes de mobilité liés à l’âge surviennent (chambre à l’étage, habitations sur garage semi enterré…).

Ainsi, avec une division parcellaire, il est possible pour ces ménages de s’installer à deux pas de leur ancienne habitation, dans un logement qui pourra être adapté à leur mode de vie et ce sans perdre de capital par l’achat d’un terrain.

Enfin, si l’accord des propriétaires est nécessaire pour opérer une division parcellaire, cette nécessaire collaboration s’étend tout au long du projet BIMBY. Car transformer ce qui est déjà habité plutôt que construire sur un terrain vierge suppose de prendre en considération des variables telles que les relations de voisinage, les accès empruntés quotidiennement, le vis-à-vis etc, variables sur lesquelles les propriétaires auront bien évidemment leur mot à dire.

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