C’est quoi un réseau de chaleur ?

Un réseau de chaleur est un système qui produit de la chaleur de façon centralisée pour ensuite desservir plusieurs usagers. Il comprend une ou plusieurs unités de production de chaleur, un réseau de distribution primaire dans lequel la chaleur est transportée par un fluide caloporteur (eau chaude, eau surchauffée, vapeur) et un ensemble de sous-stations d’échange situées en pied d’immeuble et qui viennent desservir les bâtiments par un réseau de distribution secondaire.

La chaleur peut être produite par des énergies renouvelables parfois difficilement accessibles par les installations individuelles telles que la géothermie profonde ou par des énergies fossiles mais elle peut aussi être une chaleur de récupération issue d’une activité industrielle. Les réseaux de chaleur répondent très souvent à des initiatives publiques locales, portées par des collectivités ou des organismes qui en sont proches. Contrairement aux réseaux d’électricité et de gaz qui maillent l’ensemble du territoire en France, ils sont uniquement locaux, à l’échelle d’une ville ou d’un quartier.

schéma du principe d'un réseau de chaleur
Schéma du principe d’un réseau de chaleur (Source ADEME Île-de-France)


Pour aller plus loin

Que ce soit pour chauffer des bâtiments, de l’eau chaude sanitaire, des procédés industriels ou des plaques de cuissons, la chaleur représente environ la moitié de l’énergie finale consommée en France chaque année. Le secteur le plus gourmand en chaleur est celui du bâtiment (résidentiel-tertiaire) : il absorbe à lui seul deux tiers de la production nationale.

Une chaleur bien souvent carbonée puisqu’entre 2009 et 2020, la PPI (Programmation Pluriannuelle des Investissements) estimait que dans le secteur résidentiel-tertiaire, 85% de la chaleur était produite à partir d’énergies non renouvelables (énergies fossiles – gaz, pétrole, charbon). Or, pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et renforcer notre indépendance énergétique nationale, on comprend bien que cette situation doit évoluer. Et c’est là tout l’enjeu des réseaux de chaleur car ils présentent un potentiel hyper intéressant pour développer les énergies renouvelables de manière locale et circulaire.

En l’occurrence, ils permettent notamment d’exploiter la biomasse sous toutes ses formes, mais aussi la géothermie profonde, ou encore la chaleur de récupération, par exemple issue des usines d’incinération des déchets. En outre, compte tenu d’une production centralisée, les réseaux de chaleur permettent de mieux contrôler les émissions polluantes, notamment en cas de combustion de biomasse.

Lire aussi : comment développer davantage de chaleur renouvelable en France ?


10 ans pour tripler la production de chaleur renouvelable

Face à ces atouts vertueux, la loi de la Transition Energétique et de la Croissance Verte (LTECV, 2015) propose que d’ici 2030, les réseaux de chaleur doivent livrer 39,5 TWh de chaleur produite à partir d’énergies renouvelables. Une ambition confirmée par la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) en avril 2020. Ainsi selon Aurélie Lehericy, Présidente du SNCU, « les réseaux de chaleur ont dix ans pour tripler les livraisons de chaleur renouvelable ».

Une intensification qui devrait se faire grâce à une densification et une extension des réseaux pour raccorder des clients situés à proximité des réseaux déjà existants. Mais alors que la moitié des villes de plus de 10 000 habitants ne sont pas équipées en réseaux de chaleur, cette intensification devra aussi nécessairement passer par la création de nouvelles infrastructures.

Pour Aurélie Lehericy, les ambitions de développement de la filière se réaliseront « sous certaines conditions : le budget et les conditions d’attribution d’aides du Fonds Chaleur devront suivre les ambitions de la filière ; la chaleur renouvelable devra rester compétitive par rapport aux énergies fossiles ; le cadre législatif et réglementaire devra également rester stable et cohérent ; sans oublier le fait que la réalisation d’une trajectoire carbone se devra d’être socialement juste ».

En 2019, les réseaux de chaleur ont permis d’éviter 6,13 millions de tonnes de CO2 (par rapport à des chaudières individuelles gaz), soit l’équivalent de 2,9 millions de voitures retirées de la circulation chaque année.

Enquête SNCU édition 2020


État des lieux des réseaux de chaleur en France

En 2019, la France recensait 798 réseaux de chaleur qui desservent environ 41 000 bâtiments, dont 55,3% dans le secteur résidentiel. Présents dans les zones urbaines denses ils permettent de fournir 2,37 millions d’équivalents logements et sont alimentés aujourd’hui à 59,4% par des énergies renouvelables et de récupération (biomasse, UVE – Unité de Valorisation Energétique, géothermie, autres énergies vertes) contre seulement 31% en 2009.

La chaleur de récupération est la première source d’énergie renouvelable et de récupération des réseaux de chaleur suivie par celle produite par la biomasse. Alors que la région Auvergne-Rhône-Alpes possède la plus importante production de chaleur produite à partir de biomasse, l’Ile de France concentre quant à elle 87% de la production de chaleur géothermale.

Ainsi, en 10 ans, les réseaux de chaleur ont vu leur émissions de CO2 diminuer de 44% grâce aux énergies renouvelables. Cette évolution s’explique notamment par le soutien du Fonds Chaleur de l’ADEME qui, en 11 ans, a investi près de 900 millions d’euros pour soutenir la création, le verdissement et l’extension de plus de 1000 réseaux de chaleur et de froid.

Ces réseaux de chaleur sont répartis inégalement sur le territoire. La région Auvergne-Rhône-Alpes, l’Ile-de-France et notamment la métropole du Grand Paris ainsi que la région Grand-Est sont les régions que regroupent la majorité des réseaux de chaleur. Des disparités régionales qui peuvent notamment s’expliquer par des différences en termes de densité de population et de présence d’agglomérations importantes.

À l’avenir et notamment dans le cadre de la RE2020, les réseaux de chaleur pourront également jouer un rôle dans les quartiers producteurs d’énergie, avec les bâtiments à énergie positive. En effet, ils permettront la collecte, le stockage et la redistribution de chaleur et de froid entre des bâtiments, qui pourront être à la fois producteurs et consommateurs.

cartographie réseau de chaleur France
Cartographie des réseaux de chaleur français (Source : Via Sèva)


Les avantages d’une production de chaleur centralisée

Alors que les systèmes individuels de production de chaleur renouvelable (géothermie superficielle, chaudière bois, chauffe-eau solaire, pompe à chaleur…) sont une solution intéressante dans le secteur résidentiel pavillonnaire, ces dispositifs deviennent plus difficiles à mettre en œuvre dans le collectif (où réside 43% de la population) ou le tertiaire en zone dense. En effet, ils sont consommateurs de surface au sol ou sur les bâtiments (géothermie, solaire, pompes à chaleur) ou nécessitent de volumineux espaces de stockage du combustible (bois) là où les espaces disponibles sont limités et doivent être préservés.

Le réseau de chaleur est donc une alternative pertinente car il permet de centraliser ces besoins pour mieux les traiter, de mutualiser les coûts d’investissement, et finalement d’accéder à des gisements d’énergies qui ne pourraient pas être exploités par des systèmes individuels, faute de technologies accessibles. Par exemple, un projet de géothermie profonde coûte entre 8 et 10 millions d’euros. Cette méthode n’est donc économiquement viable que si elle est mise en oeuvre auprès de nombreux utilisateurs. On estime qu’il faut au moins 5 000 logements raccordés à une centrale de géothermie profonde pour assurer l’équilibre économique d’une telle opération.

En outre, ces réseaux permettent aussi de transporter du lieu de production au lieu de consommation la chaleur fatale. Cette chaleur correspond à la chaleur résiduelle issue d’un procédé (souvent industriel) et non utilisée par celui-ci. Alors qu’elle ne peut être valorisée dans les installations individuelles, elle peut être acheminée par le biais des réseaux de chaleur de son unité de production aux zones d’habitations ou aux bureaux.

Si la principale source de récupération aujourd’hui utilisée est l’énergie rejetée par l’incinération des déchets, on trouve également quelques exemples de récupération de chaleur industrielle comme le réseau de Dunkerque qui est alimenté à 60% par les rejets de chaleur d’une usine sidérurgique et qui permet de fournir en chaleur 16 000 équivalents-logements.

Enfin, là où l’acheminement et le stockage de la biomasse peuvent parfois s’avérer problématiques, notamment dans les zones denses, il est tout à fait possible de créer des chaufferies bois collectives, en périphérie des villes et de distribuer par un réseau la chaleur produite aux maisons et immeubles. Ce procédé permet aussi de préserver la qualité de l’air grâce à des installations équipées de dispositifs de traitement des fumées plus performants que les systèmes individuels.

usine traitement biomasse
Une usine de traitement de la biomasse pour produire de la chaleur


Des réseaux qui permettent de valoriser les ressources locales

Enfin, l’un des avantages des réseaux de chaleur repose aussi dans leur capacité à valoriser les ressources disponibles localement. Au plan national, cela signifie qu’ils permettent de contribuer à la réduction de la dépendance énergétique par rapport aux pays producteurs d’énergies fossiles. La diversité des bouquets énergétiques en région traduit justement de cette aptitude des réseaux de chaleur à s’adapter aux ressources locales.

À l’échelon territorial, les réseaux de chaleur renouvelable contribuent donc au développement d’une activité économique locale de production d’énergie. Et pour cause, selon l’Ademe, en 2017, les réseaux de chaleur et de froid représentaient en France 12 800 emplois directs et indirects en équivalent temps plein (ETP), dont 78% sont consacrés à des activités non-délocalisables (production et distribution de chaleur).

Ainsi par exemple, les communes de Chevilly-La-Rue, L’Haÿ-les-Roses et Villejuif profitent, depuis plus de trente ans, du plus grand réseau géothermique européen grâce au Dogger, un aquifère géothermique situé entre 1 500 et 2 000 mètres de profondeur et dont la température varie de 57 à 85°C. À Rotterdam, c’est l’industrie portuaire qui se met au service du réseau de chaleur urbain. La chaleur produite par les activités industrielles du port permet de chauffer près de 145 000 habitations, avec une ressource qui vient en partie de l’incinération de déchets, issus de la collectivité mais désormais également de l’importation.

industrie portuaire Rotterdam
Zone industrialo-portuaire du Botlek à Rotterdam


Des réseaux de froid pour remplacer la climatisation ?

Encore peu utilisés, les réseaux de froid disposent également d’atouts par rapport aux systèmes de climatisation individuels : impact environnemental moindre, réduction des émissions de gaz à effet de serre, capacité à exploiter des énergies diversifiées (dont des sources renouvelables et de récupération)… Ces réseaux collectent la chaleur dans les bâtiments desservis pour l’évacuer au niveau d’une centrale de refroidissement. Ainsi, le rafraichissement des centres urbains et la lutte contre les phénomènes d’îlots de chaleur sont des enjeux territoriaux et sanitaires majeurs qui peuvent trouver une réponse dans ces réseaux de froid.

Aujourd’hui, ces réseaux sont moins développés que les réseaux de chaleur, à raison de 1 339 bâtiments raccordés (contre 870 en 2009) mais leur développement est aussi un des enjeux des années à venir. En 2020, la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) a introduit pour la première fois des objectifs spécifiques au froid renouvelable et de récupération issu des réseaux. Pour respecter la trajectoire définie (3TWH d’ici 2028), les raccordements des bâtiments aux réseaux de froid et les lancements de nouveaux réseaux de froid devront s’accélérer.

Selon la Présidente du SNCU « Afin d’atteindre les objectifs de la PPE, il est important de définir au niveau européen ce que l’on entend par froid renouvelable. Cette définition commune permettra d’enclencher le basculement collectif vers les réseaux de froid, une solution technique encore trop discrète. Parallèlement à l’appui européen et au nécessaire cadre réglementaire stable et non discriminant par rapport aux solutions autonomes, le soutien du Fonds Chaleur est primordial. Alors que les réseaux de froid sont présents dans son périmètre depuis 2018, seule la moitié des projets ont en effet reçu une aide de sa part. La filière est prête à accélérer, elle n’attend que les conditions favorables pour cela ! ».

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