C’est quoi le retrait-gonflement des argiles ?

Le retrait-gonflement d’argile est un phénomène naturel qui engendre chaque année des dégâts considérables aux bâtiments sur le territoire français : fissures, décollements de dallages, ruptures de la structure, etc. Ce phénomène touche les sols argileux dont le volume change en fonction des conditions météorologiques : en période de sécheresse, l’argile a ainsi tendance à se rétracter et, à l’inverse, à gonfler en cas de fortes pluies.

Ces variations sur le sol ont des conséquences directes sur les fondations des bâtiments et cela représente un risque généralement indemnisé au titre des catastrophes naturelles. Le retrait-gonflement des argiles (RGA) est ainsi le premier risque de catastrophe naturelle en matière de coût des dommages (40% des coûts entre 1982 et 2020). D’après la Cour des comptes, le coût moyen d’un sinistre RGA est estimé à 16 300 €.


Un phénomène qui touche l’ensemble du territoire français

Le phénomène de retrait-gonflement des argiles touche l’ensemble du territoire national. Historiquement, certaines régions sont néanmoins plus touchées que d’autres. C’est en particulier le cas de l’Île-de-France ainsi que des régions Occitanie, Paca et Nouvelle-Aquitaine. Le dernier zonage national montre que l’exposition forte ou moyenne au RGA concerne désormais 48 % des sols métropolitains.

Le phénomène touche particulièrement les maisons individuelles. Sur les 19,2 millions de maisons individuelles en France métropolitaine, on estime que 10,4 millions – soit 54 % du total – sont en zone d’exposition moyenne ou forte aux retraits-gonflements des argiles. Enfin, 75% des communes ont plus de 50% de leurs maisons exposées à ce risque. Ce risque concerne également certaines infrastructures comme les routes, qui sont aussi impactées par la sécheresse à travers des dommages caractérisés le plus souvent par des fissures et des déformations très significatives.

Par ailleurs, le phénomène de RGA est en forte croissance ces dernières années en raison du réchauffement climatique et de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des périodes de sécheresse : seuls 70 départements étaient concernés par ce phénomène sur la période 2009-2012, contre 92 départements suite à l’été 2019.

Carte du risque de RGA en France métropolitaine, réalisée par le BRGM en 2019
Carte du risque de RGA en France métropolitaine, réalisée par le BRGM en 2019


Un risque climatique qui coûte très cher

Assurer les risques climatiques sera l’un des grands enjeux des années à venir. La nouvelle projection de la Fédération Française de l’Assurance estime que la charge moyenne annuelle des dégâts liés aux sécheresses est de 13,8 milliards d’euros sur la période 1989-2019 et qu’elle devrait monter à hauteur de 43 milliards d’euros à horizon 2050.

De son côté, les récentes études sur le réchauffement climatique démontrent que la France – et l’Europe en général- se réchauffent plus rapidement que prévu. D’après les estimations du GIEC, les périodes de sécheresses mais aussi les fortes pluies devraient ainsi croître en fréquence et en intensité dans les années à venir, ce qui entraînera une aggravation du risque de retrait-gonflement des argiles… et la question de leur indemnisation se pose déjà.

Un rapport de la Cour des comptes datant de février 2022 alerte ainsi sur l’aggravation du risque de RGA dans un contexte de changement climatique, précisant que,« compte tenu du poids financier déjà important du RGA dans le régime Cat Nat, la perspective d’une intensification des épisodes de RGA jointe à l’aggravation de la fréquence et de l’intensité d’autres catastrophes naturelles fait craindre pour la pérennité du régime, à situation inchangée ».

À noter que sur les neuf dernières années, 50 % en moyenne des demandes communales de reconnaissance Cat Nat au titre du RGA n’ont pas abouti. D’ailleurs, ce risque ne sera peut-être pas indemnisé indéfiniment. Dans de nombreux pays, comme la Belgique, l’Espagne, les États-Unis, l’Italie ou encore le Royaume-Uni, ce risque est exclu des régimes de catastrophes naturelles. La Cour des comptes se demande d’ailleurs si ce risque devrait être indemnisé à l’avenir, estimant qu’il s’agit d’un « phénomène universel sur le territoire métropolitain, qui se déploie dans le temps long, dont la survenance peut être anticipée, et pour lequel les mesures de prévention peuvent être considérées comme efficaces ».


Quelles solutions pour y faire face ?

Le retrait-gonflement des argiles est un risque identifié depuis les années 1950 et intégré depuis 1989 dans le régime des catastrophes naturelles – dit « Cat Nat ». La loi ELAN (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), du 23 novembre 2018 incite à une meilleure prise en compte de ce risque et oblige à des efforts de prévention qui, cependant, pourraient être renforcés à l’avenir.

Dans son rapport, la Cour des comptes préconise différentes solutions pour améliorer la gestion du risque de RGA. Elle souhaite notamment « systématiser une information à destination des particuliers dans les mairies situées en zone d’exposition au RGA », en associant les assureurs. De son côté, le Cerema préconise de mieux former les professionnels de l’urbanisme et de la construction à ces sujets.

Entre autres leviers, la Cour des comptes propose également de renforcer les dispositifs de la loi ELAN protégeant les acheteurs en donnant l’obligation de les prévenir en amont via l’état des risques et pollutions (ERP) qui serait remis lors de la première visite. Enfin, elle propose de subordonner la délivrance d’un permis de construire une maison sur sol argileux à la remise d’une attestation par un expert ou un architecte garantissant des dispositions constructives adaptées au RGA.

Pour les bâtiments déjà construits, il existe des méthodes pour essayer de réduire le risque de RGA. Le Cerema a notamment expérimenté récemment à l’échelle d’une maison-test sinistrée, une solution innovante nommée MACH.

Cette méthode vise à maintenir un état hydrique équilibré au niveau du sol de fondation pendant les périodes de sécheresse en réhydratant le sol de fondation durant la sécheresse par les eaux de pluie récupérées et stockées pendant la période humide. « Les résultats observés durant les 4 années de sécheresses intenses de 2017 à 2020 sont satisfaisants tant en termes de stabilisation d’ouverture des fissures existantes que l’absence d’apparition de nouvelles fissures sur les façades confortées » précise le Cerema, qui estime que cette solution est « à la fois écologique, efficace, peu coûteuse, et donc accessible à tous les sinistrés ».