Selon un récent rapport d’information du Sénat, l’artificialisation des sols en France s’élève à environ 28 400 hectares chaque année. Une conséquence, notamment, de l’étalement urbain et de l’appétit français pour la maison individuelle, qui représente 55% du parc de logements. Une passion importée des États-Unis après la guerre et qui, à partir des années 1970, va transformer notre rapport à la ville avec l’apparition des lotissements et des pavillons de banlieue.

Mais aujourd’hui, cette croissance externe des villes est remise en question pour différentes raisons : la croissance démographique qui impose de produire davantage de nourriture, la souveraineté alimentaire qui implique de relocaliser certaines productions, mais aussi la protection de l’environnement. La loi climat et résilience impose d’ailleurs depuis l’année dernière une politique de « Zéro Artificialisation Nette » en 2050 avec un premier objectif d’ici 2030, celui de réduire de de 50% de l’artificialisation nouvelle.

Une loi qui pourrait donc sonner le glas de la maison individuelle – qu’Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au logement, jugeait récemment comme un « non-sens écologique, économique et social » – au profit de l’habitat collectif.

banlieue pavillon


Le logement collectif, un habitat plus durable?

L’habitat collectif connaît donc un regain d’intérêt en ce moment et fait partie intégrante des solutions qui vont permettre de décarboner le secteur du logement dans les années à venir. Par la réduction de l’artificialisation des sols, parce que cela permet d’économiser des ressources naturelles, mais aussi parce que ces logements, en moyenne, sont plus performants d’un point de vue énergétique. D’après le rapport « Habiter dans une société bas carbone » du Shift Project, « la consommation en énergie primaire des maisons est de 161 kWhEP/m²/an en moyenne contre 148 kWhEP/m²/an dans le collectif ». En termes d’étiquette énergie, on passe ainsi d’un logement D à un logement C.

Le logement collectif se décline sous plusieurs formes: coliving, habitat participatif ou encore habitat partagé. Ce dernier se démarque des deux autres car, malgré le partage d’espaces communs, il préserve la vision individuelle du logement avec la mise à disposition d’un studio personnel pour chaque locataire du logement.

Aujourd’hui, les initiatives en ce sens se multiplient et de nombreux promoteurs – tels que BNP Paribas Immobilier ou encore Nexity – se lancent dans ce type de projet. Membre du réseau d’entraide national de l’Habitat Partagé et Accompagné (HAPA), l’association Habitats des possibles s’inspire de son côté de ces initiatives qu’elle cherche à adapter et à démocratiser dans les zones rurales.

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Remettre le lien social au coeur des défis écologiques

Née d’un constat avant tout familial, l’association Habitats des possibles propose donc des habitats partagés réalisés « avec des retraités ruraux et pour des retraités ruraux » précise Florence Delisle-Errard, l’une des co-fondatrices de la structure. Une vision participative qui permet l’élaboration d’un « bâti qui soit à la fois de grande qualité écologique, ergonomique et architecturale tout en mixant les espaces partagés et privatifs ».

Ainsi, entre Lestiac-sur-Garonne, Saint-Selve, en passant par Castillon-la-Bataille, trois projets d’habitats partagés sont actuellement en cours afin de répondre à des besoins sociaux et environnementaux. En se regroupant dans une maison un peu plus dense que leur habitat initial, les futurs locataires opèrent ainsi « un effet de re-concentration qui libère des maisons, potentiellement pour des familles », précisent l’entrepreneure, « et ils emménagent dans un nouvel habitat rénové de façon écologique« .

En plus de mutualiser certains espaces et équipements, de faciliter le maintien à domicile des personnes âgées et de développer l’entraide et la convivialité, ce projet d’habitat partagé permet aussi de créer une dynamique locale en faisant appel uniquement à des artisans locaux.Initialement fondée par 8 citoyens – soucieux de l’avenir des retraités contraints de choisir entre domicile individuel et institution – les Habitats des possibles comptent aujourd’hui une quinzaine de bénévoles actifs. « Des personnes qui viennent du BTP ou de l’habitat social et des personnes qui viennent de l’économie sociale et solidaire » ajoute l’entrepreneure.


Des projets qui correspondent aux besoins des territoires ruraux

La maison partagée de l’Artolie, à Lestiac-sur-Garonne, devrait ouvrir d’ici 3 mois et dispose d’une surface de 445m² lui permettant d’accueillir entre 8 et 10 locataires. Entre ses studios indépendants mixés à des espaces partagés, la future maison propose ainsi un habile mix entre une colocation et un habitat regroupé.

Le second projet de l’entreprise est issu d’un partenariat avec la commune de Castillon-la-Bataille pour monter un projet d’habitat partagé et accompagné pour personnes retraitées qui est actuellement en phase de montage. Le troisième devrait prendre forme au sein d’un projet d’aménagement du bourg de la mairie de Saint-Selve. Cette dernière projette, entre autres, la création d’un nouvel habitat partagé et accompagné placé dans un rayon de 200m des commerces et services nécessaires.

Plus globalement, l’association a pour ambition de proposer des maisons de 5 à 10 personnes selon un modèle classique de location ou sous-location. En amont, elle travaille directement avec les communes car ce sont bien ces dernières « qui prennent en charge l’accompagnement des retraités de leur territoire et qui vont, la plupart du temps, porter l’opération » précise Florence Delisle-Errard. Pour la suite, l’association lauréate 2020 de l’appel à projet Economie Sociale & Solidaire du Lot et Garonne espère ouvrir d’autres maisons, sachant qu’il faut compter en moyenne entre 3 et 5 ans pour un projet de ce type.

Avec cette activité, l’association porte en tout cas un autre regard sur la manière dont nous pouvons imaginer l’habitat de demain. À l’heure où le scandale des établissements Orpea a levé le voile sur la difficulté du système actuel à prendre en charge dignement les personnes âgées, ce type d’habitat propose une vision positive du logement de demain. Un système qui pourrait aussi, à terme, séduire les plus jeunes.

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