Le gouvernement vient de publier une liste de 126 communes considérées comme les plus menacées par l’érosion sur les côtes françaises. Prévue par la loi Climat et Résilience, cette liste recense notamment les villes de Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Arcachon ou encore de Pornichet, qui devront s’adapter à l’érosion du littoral.
Dans ces villes, les maires seront chargés d’établir diagnostics, sous forme de cartes, du risque de recul du littoral à 30 ans et à 100 ans, afin de planifier un aménagement du territoire en fonction du degré de menace qui les concerne. Concrètement, la montée des eaux concerne beaucoup plus de communes que cette seule liste établie par le gouvernement. Selon une étude du Cerema, plus de 380 000 hectares de sites d’intérêt écologique et plus de 265 000 bâtiments sont concernés.
Mais comment faire pour lutter contre la montée des eaux ? Parmi les différents leviers d’adaptation, on retrouve deux grandes familles de solutions : les solutions fondées sur la nature et le laisser-faire ou les solutions « artificielles » qui comprennent notamment la technique de rechargement de plage ou de la création de digues. Une solution généralement privilégiée par les collectivités qui, pourtant, séduit de moins en moins les experts.
« Vous ne pouvez pas construire des digues de plus en plus haut indéfiniment, alors nous avons décidé de créer un canal supplémentaire, pour que l’eau, en cas de fortes pluies, s’étale et ait toute la place.” précisait ainsi Hubert Bruls, le maire de Nimègue, en 2018 lorsque sa ville a été élue Capitale verte de l’Europe, notamment pour avoir réussi à travailler « non pas contre l’eau, mais avec l’eau ».
Selon une étude du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) et de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), environ 20% du linéaire côtier serait actuellement couvert par ces ouvrages artificiels (digues, épis, enrochement). On en compte ainsi environ 16 000 en France métropolitaine et ultramarine. En métropole, ces ouvrages représenteraient une longueur de 1 600 kilomètres de côtes.
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Des solutions qui comportent toutefois de multiples inconvénients
Toutefois, ce recours aux digues et ouvrages artificiels présente plusieurs inconvénients, notamment car cela ne constitue pas une solution véritablement pérenne contre l’érosion. En effet, si la construction de digues, d’épis ou d’enrochement permet de ralentir localement les phénomènes d’érosion, cela accentue en revanche le problème sur des zones situées en amont ou en aval. En fait, les digues ne font que déplacer le problème. « Le trait de côte est naturellement mobile : il ne peut pas et ne doit pas être fixé partout » précisent d’ailleurs les services de l’État dans la Stratégie Nationale de Gestion Intégrée du Trait de Côte.
C’est pour cette raison que les projets de construction d’infrastructures de maintien du trait de côte ont peu à peu été abandonnées ces dernières années. En outre, ces ouvrages de protection posent des difficultés en ce qui concerne la responsabilité de leur entretien, puisque de nombreux ouvrages construits avant le 20ème siècle n’entraient pas dans le champ de compétences des collectivités avant une modification de la loi entrée en vigueur le 01er janvier 2018.
Le problème du financement des ouvrages de maintien du trait de côte est également un enjeu important, dans la mesure où certaines collectivités ont fait le choix de ne plus financer ces ouvrages. Leur construction et leur entretien représentent en effet des coûts élevés : une digue réalisée en enrochement revient à 1,8 million d’euros par kilomètre, tandis que les constructions en épis reviennent à 2 500€ le mètre. Quant à l’entretien, il faut rajouter en moyenne entre 3% et 5% du coût de construction.
Enfin, ces protections artificielles représentent parfois un danger pour l’environnement et les écosystèmes dans la mesure où mettre en place digues, épis ou enrochement entraîne une modification de l’état des masses d’eau, ou encore une rupture de la continuité écologique. « Plus que l’érosion côtière, c’est la lutte contre l’érosion côtière qui constitue une menace pour la biodiversité et les fonctionnalités des écosystèmes » précise ainsi une étude du GIP Littoral Aquitain parue en 2012.
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Le rechargement des plages : une autre fausse bonne idée ?
D’autres solutions artificielles visent également à maintenir le trait de côte, notamment les techniques de rechargement de plage, qui consistent à alimenter une plage en déficit sédimentaire par d’autres sédiments, répartis et étalés sur les plages par des engins. Une forte tendance, d’autant que selon l’ADEME, entre 75% et 90% des plages du monde sont ainsi en recul à cause de l’exploitation du sable.
En revanche, cette solution présente, elle aussi, des inconvénients dans la mesure où le déplacement des sédiments par camions est une source d’émission de gaz à effet de serre évitable et, surtout, que cela perturbe les écosystèmes d’origine. Le coût de l’opération est également important : la commune de Lacanau a par exemple estimé ses besoins en rechargement de sable à hauteur de 6,2 millions d’euros d’ici 2040, pour protéger seulement 1,2 kilomètres de plage. Or, cette opération n’est pas une solution pérenne, puisque la réalimentation de la plage en sable doit se faire de manière régulière.
Face aux inconvénients considérables des solutions artificielles utilisées pour faire face aux menaces de submersion et d’érosion, de plus en plus d’alternatives fondées sur la nature se développent et représentent l’avenir de la gestion du trait de côte.
Parmi elles, la végétalisation des dunes et des falaises ou encore le recours aux herbiers permettent notamment de protéger les écosystèmes. Autre solution expérimentée par le Conservatoire du Littoral, la technique laisser-faire et de la dépolderisation afin de laisser l’eau retourner à sa place naturelle. Une sorte de « repli stratégique » face au trait de côte qui est plus difficile à faire accepter aux populations mais qui représente néanmoins la solution la plus efficace pour la biodiversité.