C’est quoi l’économie circulaire

L’économie circulaire, c’est un modèle économique dont l’objectif est de produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et les gaspillages de ressources (matières premières, eau, énergie) ainsi que la production des déchets.

C’est un modèle totalement opposé à celui qui domine actuellement, qui est un modèle dit “linéaire”. La transition vers l’économie circulaire permet de créer des modèles de production et de consommation qui sont durables et respectueux de l’environnement.


Pour aller plus loin

Jusqu’à ces dernières années, le modèle économique dominant consiste en un schéma simple : on extrait des ressources pour produire des biens. On utilise ces biens. Puis on les jette. Et on recommence l’extraction de ressources pour produire à nouveau.

Quel est le problème de ce modèle ? Il part du principe que les ressources qui permettent de produire sont inépuisables. Ce qui est faux bien entendu. D’une part, on épuise la planète et d’autre part, à force de consommer, on épuise aussi nos portefeuilles. Et les dérives commerciales – obsolescence programmée en tête – accentuent ces effets. Ainsi, les enjeux de l’économie circulaire sont à la fois environnementaux, économiques et sociaux et supposent de renouveler des pratiques ancrées depuis bien longtemps.

En France, la notion d’économie circulaire a émergé au moment du Grenelle de l’environnement, en 2007. Mais il a fallu attendre 2015, avec la loi de transition écologique, pour qu’elle s’inscrive dans le débat public. Cette loi reconnaît la transition vers une économie circulaire comme un objectif national et comme l’un des piliers du développement durable. Une loi bienvenue étant donné le relatif retard de la France en la matière. Alors que la France vise d’ici 2025 un taux de 100% de collecte des emballages plastique, celui-ci n’est pour le moment qu’à 20% contre 30% pour la moyenne européenne. Le taux de recyclage des déchets municipaux dans l’hexagone est quant à lui de l’ordre de 40% contre 66% en Allemagne par exemple.

Ainsi, afin de combler son retard sur ce sujet et de continuer d’affirmer son volontarisme sur les questions écologiques, l’ancienne secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’écologie Brune Poirson a présenté en 2018 sa feuille de route pour la transition vers l’économie circulaire dans le but de fixer des objectifs ambitieux pour accompagner la transition de l’économie vers un modèle davantage circulaire.

Vaste chantier que celui de transformer nos habitudes. La transition vers une économie circulaire nécessite de progresser dans plusieurs domaines. Car si elle concerne évidemment les particuliers et leurs comportements de consommation, elle repose avant tout sur les entreprises et la manière dont elles gèrent un ensemble de ressources et de déchets pour fabriquer des produits plus ou moins durables. En ce qui concerne les déchets, une gestion appropriée et durable de ceux-ci représente l’étape ultime pour boucler la boucle vertueuse de l’économie circulaire. Ainsi, il est possible de résumer les leviers disponibles de l’économie circulaire grâce au schéma suivant :

schéma économie circulaire
schéma du fonctionnement de l’économie circulaire



L’économie circulaire débute par un approvisionnement durable

Avant toute chose, l’économie circulaire repose sur la façon dont les entreprises produisent et particulièrement la façon dont elles gèrent les ressources nécessaires à leur production. Dans cette optique, il s’agit donc pour les entreprises de favoriser un approvisionnement durable de celles-ci. Cela peut passer en premier lieu par des pratiques de réemploi de matériaux. Par exemple, pourquoi ne pas profiter des chutes de bois que possèdent une collectivité et ses habitants plutôt que d’exploiter les ressources d’une forêt à l’image de ce que propose l’entreprise Pimp Your Waste ?

Afin de faciliter cette réutilisation de matériaux, des synergies peuvent être mises en place entre différentes industries étant donné que les déchets des unes peuvent représenter des ressources qu’il ne sera pas nécessaire d’extraire pour les autres. C’est notamment ce que proposent des entreprises comme Terra Innova ou Hesus en revalorisant les terres de chantier du secteur du BTP, la première auprès des agriculteurs qui souhaitent regénérer leurs champs ou créer des haies bocagères, la seconde vers d’autres chantiers.

Bien entendu, ces pratiques de réutilisation ne sont pas toujours possibles même si l’innovation ne cesse d’apporter des progrès à ce sujet. Ainsi, quand l’extraction de matières premières ne peut être évitée, il s’agit donc de favoriser les pratiques les plus durables qui soient. Et il n’y a sans doute pas plus durable qu’une extraction locale. Premièrement car cela permet d’éviter les émissions de GES dues à l’approvisionnement en matière première à l’autre bout du monde et deuxièmement car cela permet d’avoir la mainmise sur les pratiques d’extraction menées et ainsi de leur faire respecter la réglementation en vigueur du pays. Si l’on prend l’exemple des métaux rares, la Chine détient 85% de ces éléments indispensables à la transition énergétique. Pourtant, l’extraction de ces métaux en Chine a lieu dans des conditions environnementales et humaines désastreuses. Ainsi, dans une ambition de développement durable, les pays ont tant que possible intérêt à relocaliser cette extraction.


Anticiper la seconde vie des produits dans une logique d’éco-conception

Une fois la question de l’approvisionnement en ressources réglée, il est temps de passer à la conception du futur produit. A ce stade, l’économie circulaire vise donc une logique d’éco-conception c’est-à-dire un mode de production de biens et de services respectueux de l’environnement qui permet de prévoir en amont la seconde vie ou le recyclage des biens. Cela suppose donc de privilégier aux ressources non renouvelables, des ressources et procédés qui permettent le réemploi, la réparation, le recyclage ou la valorisation des déchets.

Un exemple d’autant plus pertinent d’éco-conception qu’il concerne un secteur particulièrement touché par des logiques d’obsolescence programmée est celui de l’entreprise Fairphone. En créant le premier smartphone modulaire, facilement réparable et conçu pour durer, cette entreprise perme d’allonger la durée de vie de ses produits et d’anticiper leur seconde vie. De plus, les matériaux utilisés respectent eux-aussi une logique de durabilité. Par exemple, l’extraction de l’étain, du tungstène ou du tantale, matériaux indispensables à la production d’un smartphone sont labellisés Fairtrade et son FairPhone 3+ est composé à 40% de plastique recyclé. 

D’autres entreprises sont aussi connues pour proposer des produits éco-conçu telles que Malongo et sa machine à café entièrement démontable et recyclable à 75% ou encore le mobilier Kataba mais cette logique d’éco-conception concerne aussi d’autres domaines que celui des produits de consommation ou d’équipement. A Oslo par exemple, l’interdiction d’utiliser des carburants fossiles sur les chantiers publics est devenu une condition obligatoire pour candidater aux appels à projets de la ville.


Créer des synergies pour permettre l’avènement d’une écologie industrielle

Ainsi, si les principes de l’économie circulaire s’appliquent bien évidemment à la proposition de valeur des acteurs économiques elle s’applique aussi aux procédés mis en place pour créer cette proposition. Et, appliquée à ces procédés, on peut alors parler d’écologie industrielle. En effet, cette pratique se caractérise en partie par la mise en place de systèmes circulaires entre les différents procédés des industries afin que les déchets des unes deviennent les ressources des autres à l’image de ce que propose donc Terra Innova ou Hesus.

L’émergence de la biométhanisation repose notamment sur la mise en place de ces synergies : les déchets et résidus agricoles et agroalimentaires ainsi que le lisier peuvent être revalorisés sous forme d’énergie grâce à ce processus de méthanisation. Ainsi, là où les entreprises agroalimentaires peuvent trouver un autre débouché que celui du gaspillage à leurs invendus, les exploitants agricoles permettent de produire du gaz renouvelable. Un cercle on ne peut plus vertueux.

Cette écologie industrielle peut être soutenue à l’échelle territoriale par les collectivités afin de créer de réels réseaux de synergies sur un secteur géographique. La commune de Kalundbord au Danemark est un exemple de ville pionnière en termes d’écologie industrielle et territoriale avec à l’origine de ce circuit vertueux l’eau du lac Tisso. Après son utilisation par une entreprise, cette eau est introduite dans la production d’une autre sous forme de matière première ou de source d’énergie en fonction de son état. Par exemple, la centrale électrique de Kalundborg fait bénéficier de sa vapeur à la raffinerie de pétrole qui, en retour, renvoi à la centrale ses eaux usées pour son refroidissement. Une fois devenues tièdes, ces eaux se dirigent ensuite vers une ferme piscicole.

En France, c’est notamment la ville de Dunkerque qui profite d’un véritable dynamisme en matière d’écologie industrielle et territoriale, dynamisme dont elle ne fait pas que profiter les industries de la ville mais aussi les habitations. En effet, depuis 1986, Dunkerque profite du plus important réseau de chaleur de France grâce à la récupération de la chaleur fatale issue des hauts fourneaux d’ArcelorMittal. Un système qui fait des réseaux de chaleur un autre exemple concret d’économie circulaire et qui favorise l’exploitation d’un usage, ici se chauffer, à celle d’un produit, en l’occurrence une chaudière individuelle.

Métha Treil unité de méthanisation
Site de biométhanisation à Machecoul en Pays de la Loire


L’économie de la fonctionnalité pour mutualiser des biens

Acheter un service rendu plus qu’un produit c’est le principe même de l’économie de la fonctionnalité, économie qui répond elle aussi à des enjeux de circularité en ce sens qu’elle permet une mutualisation des objets et s’oppose ainsi à une logique de surconsommation et donc de surproduction.

Un exemple concret assez évident est celui de l’autopartage. Plutôt que de posséder une voiture, il est possible, d’en louer une de manière occasionnelle directement auprès de son propriétaire qui n’en a pas l’utilité. Développé par des entreprises comme Getaround (ex Drivy) ou Ouicar, le concept s’est désormais déployé incitant entreprises et métropoles à s’en emparer pour proposer des voitures en libre-service. L’offre d’autopartage destinée aux entreprises est notamment proposée par des acteurs comme Ubeeqo, Mobility Etch Green ou plus récemment Flexy Moov.

La SCIC Commown a quant à elle étendu le concept d’économie de la fonctionnalité à l’électronique en proposant aux entreprises et aux particuliers un service de location de produits électroniques durables et réparables (dont ceux proposés par la marque Fairphone). A l’inverse du modèle de vente traditionnel où tous les moyens sont bons pour pousser au renouvellement, avec ce service de location, la coopérative a tout intérêt à faire vivre ces appareils le plus longtemps possible.


Responsabiliser ses achats pour consommer responsable

Autant de leviers qui permettent donc aux acteurs économiques de mettre en place des offres durables. Mais bien évidemment, si l’économie circulaire suppose une implication des acteurs économiques elle suppose aussi celle des consommateurs. Car ces derniers, par leurs achats, orientent les pratiques des entreprises. Une consommation responsable est une consommation réfléchie qui vise à se demander si l’objet visé répond à un réel besoin, s’il n’y a pas d’autres alternatives à son achat et si non s’il existe des versions durables de celui-ci.

La première question est d’autant plus importante que l’achat est trop souvent vu comme une fatalité. Pourtant, selon l’Ademe, 80% de nos objets servent moins de trois fois par an. Pourquoi alors s’obstiner à acheter un objet que notre utilisation ne rentabilisera pas, tant d’un point de vue économique qu’écologique ? Pourquoi ne pas mettre en place une consommation collaborative pour répondre à cette problématique ? C’est l’idée même des services proposés par des entreprises telles que la startup Allo Voisins afin de faciliter le prêt de matériel ou d’objets entre particuliers. C’est aussi la philosophie des Fab Labs, ces lieux qui mettent à disposition de leurs utilisateurs un ensemble de machines (petits et gros outillage, machine à coudre, ordinateurs…) qui peuvent parfois être des machines à commande numérique de niveau professionnel telles que des imprimantes 3D.

En outre, si l’achat est indispensable, il s’agit alors de se tourner vers l’achat le plus responsable qui soit. Si les labels environnementaux peuvent être gages de durabilité, attention tout de même à ne pas s’y perdre parmi la jungle proposée. A ce sujet, l’Ademe propose une page internet qui permet de référencer les labels fiables en fonction de ce que le consommateur souhaite acheter.

En parallèle, d’autres applications se développent pour éclairer le consommateur sur la durabilité de ses achats. C’est par exemple le cas de Yuka pour les produits cosmétiques ou l’alimentation qui en plus d’attribuer une note aux produits scannés en fonction de leur impact sur la santé, propose des alternatives plus durables. Côté vêtements, on retrouve aussi selon le même concept l’application Clear Fashion.


Réparer, réemployer, réutiliser pour allonger la durée de vie des objets

Une fois l’objet possédé il s’agit ensuite d’en allonger la durée de vie afin d’amortir l’impact environnemental de sa production et encore une fois de lutter contre la surproduction. Pour cela, certaines entreprises proposent des objets facilement réparables telles que l’entreprise Kippit qui commercialise des produits électroménagers à réparer soi-même. C’est aussi le cas de l’entreprise Backmarket, spécialiste français du reconditionnement d’appareils électroniques ou encore Murfy qui met à disposition des tutoriels gratuits sur son site d’auto-réparation et propose un service d’intervention à domicile à un forfait abordable. S’il s’avère que le produit n’est finalement pas réparable, Murfy propose l’achat d’un appareil reconditionné par ses soins.

Le réemploi est aussi une façon d’allonger la durée de vie de nos objets. De nombreuses structures proposent dans cette visée des articles de seconde main à l’image des friperies ou recycleries. Ce marché de la seconde main se développe aussi de plus en plus sur internet avec l’émergence de plateformes web qui permettent de mettre en relation les particuliers afin qu’ils puissent se vendre entre eux leurs objets dont ils n’ont plus d’usage à l’image de Vinted, Label Emmaüs ou encore Recyclivre.

Enfin, donner une seconde vie à ses objets peut aussi passer par des pratiques de réutilisation. L’une en vogue est notamment l’upcycling qui consiste à récupérer des matériaux ou des produits qui n’ont plus d’utilité pour créer des objets ou produits de qualité supérieure dont l’usage d’origine sera bien souvent détourné. Ainsi, certaines entreprises s’investissent pour récupérer les déchets des autres et leur redonner une seconde vie à l’image de Métamorphose qui créer des accessoires à partir de bâches publicitaires ou La Vie est Belt qui fabrique des ceintures à partir de pneus upcyclés.

Enfin, si l’on pense en premier lieu aux objets, cet allongement de la durée d’usage vaut aussi pour le sol artificialisé. En effet, tout comme la production une fois faite, le sol, une fois artificialisé, doit être optimisé le plus longtemps possible afin d’éviter d’avoir à en artificialiser de nouveau. Ce principe, on le retrouve dans la notion d’urbanisme circulaire qui tend à densifier la ville plutôt qu’à l’étaler en intensifiant les usages, la réhabilitation ou le recyclage de lieux existants. Il s’agit notamment d’anticiper les usages futurs de nos bâtiments pour éviter de produire de nouvelles friches qui posent par la suite de lourdes problématiques en termes de réhabilitation ou de recyclage.

pratique d'upcycling
Pratique d’upcycling


Le recyclage comme dernier maillon de la chaîne

Car le recyclage, s’il est essentiel, intervient en dernier maillon de la chaîne de valorisation des déchets, en tant que pratique coûteuse et parfois complexe. Pour mener à bien cette opération, il est essentiel de mener en amont un tri efficace des déchets. Selon Stéphane Sarrade, Directeur de recherche en chimie verte au CEA, « 90% du succès de la filière de recyclage est porté par la filière d’approvisionnement en déchet ».

Ainsi, de plus en plus d’entreprises innovent afin d’optimiser cette filière d’approvisionnement. Et cette optimisation commence par la collecte. Des startups comme Yoyo ou Unico proposent dans cette optique un système incitatif, sous forme de cadeau, afin d’encourager le plus grand nombre à s’engager dans la réduction des déchets. D’autres comme Cycleen, proposent aussi ce système incitatif sous forme de consigne qui rémunèrent le recycleur en bons d’achat. Un modèle qu’on retrouve également à l’étude au niveau politique sous la forme de la tarification incitative qui intègre le niveau de production de déchets pour facturer l’usager, alors incité financièrement à des comportements vertueux.

D’autres entreprises comme Lemon Tri proposent, à l’image des poubelles connectées, des machines intelligentes qui reconnaissent les emballages, les trient et les compactent et qui peuvent être installées dans les centres commerciaux, les entreprises, les gares ou encore les campus.

En outre, il peut tout de même arriver que la collecte ne soit pas aussi efficace qu’espérée. Mais là aussi des entreprises innovent pour optimiser les flux de déchets collectés. C’est le cas par exemple de Lixo qui conçoit des dispositifs d’analyse des flux gérés par les collecteurs, centres de tri et recycleurs. Ces dispositifs reposent sur une technologie basée sur de l’intelligence artificielle et permettent d’identifier et de caractériser en temps réel tout type de déchets. Les données retransmises peuvent par exemple indiquer le pourcentage de plastique réutilisable, l’identification d’objets dangereux ou la détection d’un produit envoyé au mauvais endroit.

Autant de pratiques qui permettent, si elles sont correctement menées, de recréer des ressources à partir de nos déchets et ainsi de répondre à la condition première de l’économie circulaire qui est l’approvisionnement durable, condition qui permet par la suite l’enclenchement d’un nouveau cycle vertueux.