C’est quoi l’économie de la fonctionnalité ?

Le principe de l’économie de la fonctionnalité est le suivant : plutôt que d’acheter un produit, il s’agit d’acheter le service rendu par le produit. Plus concrètement, l’économie de la fonctionnalité – et donc de la coopération – est un nouveau modèle économique en rupture avec le principe de la croissance par la consommation. Les entreprises développent un service et leurs clients payent l’usage et/ou le service rendu. C’est notamment ce qui a permis l’essor du free-floating ou encore le développement de l’autopartage.

Ce modèle se concentre ainsi non plus sur un produit mais sur son utilisation. Il s’agit d’un concept né dans les années 1980, qu’on appelle également “Service Economy“, “Product Service System” ou “économie des effets utiles“. Ce concept s’inscrit dans une démarche liée au développement de l’économie circulaire.


Pour aller plus loin

Depuis le milieu du 19ème siècle et les deux phases d’industrialisation reposant sur des énergies carbonées non renouvelables (charbon puis pétrole), notre modèle productif repose sur le cycle de la croissance économique par la consommation. Ce que le constructeur automobile américain Henry Ford résumait ainsi : « je produis, toujours plus vite et à moindre coût, toujours plus d’automobiles que mes employés achètent grâce aux bons salaires que je leur verse« . Un cycle supposé vertueux et qui devait fonctionner à l’infini. En réalité une approche volumique de la production au détriment des ressources et face à des marchés saturés.

Cette vision de la croissance repose sur une logique linéaire qui trouve aujourd’hui ses limites : extractions de ressources qui se font de plus en plus rares, fabrication à la chaîne en délocalisant – de nos jours – les emplois, vente et remplacement par un produit neuf tandis que le produit devenu obsolète ou inutile vient « enrichir » la montagne de nos déchets industriels. Et comme la publicité et et les crédits à la consommation ne suffisent plus à faire tourner la « machine à produire de la croissance« , c’est l’obsolescence programmée qui active le remplacement des produits puisque leur autodestruction est prévue par le fabricant. 

Ce qui nous amène aujourd’hui à devoir opérer un changement de paradigme dans nos modes de production et de consommation, ce qui se traduit par le concept de Transition Écologique actuellement à l’oeuvre. L’idée étant désormais de faire preuve de davantage de sobriété dans nos modes de consommation. C’est à dire ne consommer que ce dont nous avons besoin et quand nous en avons besoin.


Quelques exemples pour illustrer l’économie de la fonctionnalité

L’économie de la fonctionnalité répond à cette nouvelle logique du mieux produire et mieux consommer. Ce n’est plus le volume produit qui compte mais la valeur – par son utilisation – de ce qui est produit. Un principe d’économie circulaire qui établit un contrat de services : le fournisseur propose à son client une solution globale qui inclut la mise à disposition du produit conçu pour durer et évoluer en fonction des besoins de l’entreprise cliente. Mais aussi un ensemble de services associés qui rendent l’offre attractive.


L’exemple de Clarlight

Ainsi le Ministère de la Transition écologique et solidaire a récompensé en 2015 l’entreprise Clarlight spécialisée dans la conception et la fourniture de lumière. Plutôt que de s’équiper en luminaires, de les entretenir et d’en payer la consommation, des entreprises recourent aux services de Clarlight. Cette société utilise la lumière intelligente connectée à l’Internet pour diffuser la juste quantité de lumière utile à l’instant T. Clarlight fournit des équipements beaucoup plus durables, en assure le remplacement et le traitement en fin de vie. Ainsi se trouve optimisée la consommation d’énergie et la quantité de déchets recyclés est mieux maîtrisée. Pour ses clients, le poste lumière se mesure en coûts fixes. Autant d’économies partagées.


L’exemple de Michelin

En 2016, la firme Michelin a été primée pour son système de location des pneumatiques aux flottes de transports routiers. Michelin Solutions assure l’équipement et la maintenance de pneumatiques beaucoup plus durables puisqu’ils peuvent être rechapés (une nouvelle bande de gomme collée) et recreusés (de nouvelles sculptures assurant un nouveau cycle d’utilisation). Michelin économise des ressources puisque ses produits sont beaucoup plus pérennes dans le temps. Les véhicules ainsi équipés consomment moins. La location des pneus au Km permet aux entreprises de se libérer de l’achat/remplacement systématiques. 


Rompre avec la notion de propriété

Les entreprises qui fournissent des effets utiles ont intérêt à posséder et entretenir des produits performants et durables afin de délivrer le plus grand nombre d’unités de service à leurs clients. Ainsi l’économie de fonctionnalité abaisse la pression environnementale en utilisant moins de matières premières. D’autre part cette économie de services par effets utiles génère des emplois non délocalisables puisque liés à une économie coopérative aux multiples ramifications.

Ainsi la Municipalité de Grasse (Alpes-Maritimes) a passé un contrat d’acheminement d’éclairage public avec une entreprise locale. Cette coopération prévue pour vingt ans a permis à cette commune d’économiser 41% sur le poste éclairage public. Tandis que l’entreprise retenue a fourni des luminaires de grande qualité. Mettant ainsi un terme à une obsolescence programmée qui la faisait « vivre » en partie sur les deniers publics. Cette économie favorise également la coopération entre petites et moyennes entreprises qui peuvent recourir à des solutions partagées, d’autant plus que cela peut s’accompagner d’échanges de savoir-faire (formations, maintenance, par exemple).

Ce bouleversement ne marque pas la fin de l’économie de production mais une nouvelle gestion plus raisonnée et plus raisonnable pour la planète. Pour les citoyens consommateurs, cela implique cependant une rupture : ne plus être propriétaire. C’est à dire passer d’une logique d’achat, de consommation et de remplacement à une logique de location, d’utilisation temporaire et de restitution. Les succès de Netflix et de Spotify dans le divertissement en sont le plus bel exemple.

Cependant, en matière de transition écologique, le cas de l’autopartage, et du free-floating de vélos et autres EDPM illustrent aussi ce phénomène d’économie “immatérielle”.

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