La Rochelle, préfecture de la Charente-Maritime, ville moyenne de 75 000 habitants, est engagée dans un vaste plan de transition écologique pour devenir l’un des premiers « Territoires Zéro Carbone » de France. Et pour ce faire, la ville peut s’appuyer sur une forte tradition en matière d’écologie remontant au début des années 1970 et à l’activisme de son Maire et Député de l’époque, Michel Crépeau. Un homme politique qui fut notamment pionnier en matière de mobilités durables, axe sur lequel la métropole continue de miser aujourd’hui.
La mobilité représente environ un tiers des émissions de CO2 du territoire de La Rochelle. Avec son projet de « territoire zéro carbone » à l’horizon 2040, la métropole Charentaise souhaite réduire ce chiffre de 77% pour le transport de passagers et de 68% pour le transport de marchandises. Avec le projet Elcedis, elle est par exemple devenue la première ville française à disposer d’une plate-forme de livraison de marchandises en centre-ville en véhicules utilitaires électriques.
Et pour aller plus loin, c’est notamment l’intermodalité et la pratique du vélo qui seront les leviers utilisés pour opérer cette bascule. Deux leviers qui s’inscrivent dans un cadre historique pour cette ville qui fut la première au monde à proposer un service de vélos en libre-service, 30 ans avant Paris, 20 ans avant Copenhague, et 50 ans avant que le terme « free-floating » soit mis à la mode par les opérateurs de trottinettes électriques. Une base solide pour revendiquer dans le futur une place de choix parmi les villes durables françaises et européennes ?
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Un territoire en avance sur son temps pour les mobilités douces
Michel Crépeau a été maire de La Rochelle pendant 28 années, de sa première élection en mars 1971 jusqu’à son décès le 30 mars 1999. Élu de gauche, il multiplie les décisions écologistes lors de son premier mandat, avec presque 50 ans d’avance sur son époque. Il bloque notamment les projets de construction sur la côte afin de préserver le littoral et travaille à étendre les espaces verts. Il lance aussi un service de recyclage des déchets. En 1975, il inaugure l’une des premières zones piétonnes de France, marquant la début d’un rééquilibrage de l’espace public au profit des piétons et des cyclistes vis à vis de l’automobile.
Côté vélo, justement, celui qui deviendra par la suite ministre de l’environnement sous François Mitterand inaugure en 1976 un dispositif de mise à disposition gratuite de vélo pour les habitants de sa ville. Une première mondiale. Pas loin de 300 vélos jaunes sont ainsi proposés aux Rochelais en libre-service afin de réduire l’usage de la voiture individuelle dans le centre-ville. Ce vélib’ avant-gardiste connaît un succès immédiat pour l’agglomération, qui se ressent toujours aujourd’hui.
La part modale du vélo dans l’agglomération de La Rochelle n’est pourtant « que » de 8% là où la moyenne nationale se situe aux alentours de 3%. Dans le palmarès des villes cyclables de la FUB (Fédération des Usagers de la Bicyclette), La Rochelle se situe néanmoins sur la première place du podium pour les villes de 50 000 à 100 000 habitants. Elle s’appuie sur un réseau de 230km de pistes cyclables (qu’elle compte doubler d’ici 2030), de 600 vélos en libre-service et 100 stations pour développer la pratique. On aurait pu imaginer des chiffres plus importants pour une ville en avance sur son temps, mais au vu de sa superficie et du nombre d’habitants, ça n’est pas si mal.
Et puis, le vélo ne fait pas tout, et l’équipe municipale emmenée actuellement par Jean-François Fountaine appuie sur l’accélérateur en ce qui concerne l’intermodalité et le développement des mobilités propres, comme l’électrique et l’hydrogène. Une continuité de son avant-gardisme puisqu’en 1995, la ville proposait déjà un service de location de véhicules électriques. Ce qui n’était pas commun à l’époque. En 1997, La Rochelle fut aussi la première ville française à proposer une Journée sans voitures.
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Une politique de mobilité centrée sur l’intermodalité
Ainsi, les vélos jaunes de Michel Crépeau popularisés dans les années 1970 sont désormais devenus des « Yélo ». L’esprit reste le même, un peu plus moderne sans doute, notamment avec un parc d’une centaine de vélos à assistance électrique. Mais au-delà du vélo, l’agglomération mise donc sur le développement de l’intermodalité pour réduire le nombre de véhicule qui entrent dans la ville, environ 9 000 par jour actuellement, avec tout un programme Yélo autour de l’autopartage, du bus, du train et des navettes maritimes.
Un peu comme à Nantes, où il est désormais possible d’effectuer un trajet en covoiturage grâce à son abonnement aux transports en commun, l’agglomération de La Rochelle propose des tarifications intéressantes pour permettre de passer d’un mode de transport à l’autre. En particulier le train et le bus chargés de ramener les Rochelaises et Rochelais aux portes de la ville. Et sans oublier l’autopartage, qui fut aussi un créneau sur lequel la ville a été, encore une fois, précurseur dès 1985 avec un service appelé Autoplus, qui permettait la location de voitures pour des trajets de courte distance.
10 ans plus tard, en 1995, la ville inaugurera également un service de location de scooters et voitures électriques, bien longtemps avant que l’électrique ne soit présenté comme l’alternative idéale aux motorisations essence et diesel. Entre 2014 et 2015, La Rochelle a aussi testé, dans le cadre du projet européen CityMobil, des navettes électriques et autonomes en ville.
Désormais, ce sont les nouveaux modes de propulsion qui intéressent la municipalité. Début 2021, la régie des transports de la ville a ainsi mis en service 14 nouveaux bus, dont 4 sont 100% électriques, 4 hybrides et les 6 autres utilisent le bioGNV issu de la méthanisation des déchets. La municipalité, sait cependant qu’il lui reste encore du travail pour développer encore les mobilités douces, en particulier sur les véhicules électriques et les bornes de recharge nécessaires à leur développement.
Autre innovation : la navette à hydrogène en milieu marin
L’intermodalité concerne aussi, et c’est également une innovation, la partie maritime de la ville. En bon pionnier des mobilités durables, la collectivité a ainsi lancé en 2017 le service Yélo H2, la première expérimentation nationale d’un bus de mer propulsé à l’hydrogène en milieu marin, ce qu’on retrouve aussi à Nantes avec la navette Jules Verne, dans un format fluvial. La rade de La Rochelle coupant la ville en deux, l’utilisation du transport maritime pour éviter des trajets en voitures individuelles est une option intéressante prise par la ville.
En matière de propulsion écologique, la ville de La Rochelle fut la dernière ville française, en 1929, à abandonner le système de tramways à air comprimé développé par Louis Mekarski. Un système certes moins efficace que l’électrique, mais qui avait le mérite d’être silencieux et non-polluant. Déjà, à l’époque, la ville était donc engagée et soucieuse de ses transports. Une vision qui s’est fortement accélérée dans les années 1970 et 1980 et qui semble perdurer encore aujourd’hui.
Une tradition suffisante à faire de La Rochelle le Copenhague français ? Sur le développement du vélo, plusieurs métropoles françaises emmenées par Strasbourg, Grenoble et Nantes semblent se battre pour le rôle de capitale cyclable française. Paris et Bordeaux misent beaucoup sur le vélo également ainsi que sur les micro-mobilités de manière plus large.
Mais dans cette catégorie des villes de moins de 100 000 habitants, celles qui ont probablement le plus fort potentiel pour devenir des villes durables et résiliantes tout en gardant un large confort de vie, la métropole Rochelaise possède indéniablement de superbes atouts. Elle pourrait être un modèle, demain, pour le développement des mobilités durables. Il lui reste cependant une étape à franchir, et pas des moindres : celle de savoir « grandir », ou plutôt « s’étendre » sans pour autant renier cette spécificité : pousser au report modal vers les transports en commun, développer une offre de bornes de recharges suffisantes pour inciter à la transition vers les véhicules électriques et, demain, les véhicules hydrogène ; améliorer l’offre de pistes cyclables non plus dans son coeur de ville mais aux portes de celles-ci. Les challenges ne manquent pas.