Le Jules Verne 2 est une navette fluviale inaugurée le 30 août 2019 entre les quais du Petit-Port et du Port-Boyer, à Nantes, sur les bords de l’Erdre. C’est sur cet affluent de la Loire, jadis qualifié de « plus belle rivière de France » par François 1er que cette embarcation silencieuse a transporté ses premiers passagers. Un bond en avant pour la politique de transports durables de la ville de Nantes. Et un hommage, 145 ans après, à son plus célèbre et visionnaire écrivain.

Car c’est en 1874, alors qu’il rédige l’île mystérieuse, que le nantais Jules Verne écrit ces quelques lignes prémonitoires : « Oui, mes amis, je crois que l’eau sera un jour employée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène, qui la constituent, utilisés isolément ou simultanément, fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisables et d’une intensité que la houille ne saurait avoir ».

Réalisé suite à un appel à projets de l’ADEME, la navette nantaise représente le fruit de dix années de travail. Et ouvre la voie à une nouvelle filière au sein d’une région qui oeuvre à réinventer le transport maritime.

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navibus Jules Verne
Le navibus à hydrogène Jules Verne 2 entre les quais du Petit-Port et du Port Boyer, à Nantes


Nantes, un territoire qui réinvente le transport maritime

Le bassin Nantes/Saint-Nazaire est une terre maritime historique. Et si les chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire font encore partie du patrimoine industriel français, les chantiers navals de la ville de Nantes, eux, sont entrain de renaître de leurs cendres en oeuvrant à la transition écologique du transport maritime. Ici, plusieurs projets innovants émergent, à l’instar de Neoline, Airseas ou encore Zéphyr&Borée ; trois entreprises qui souhaitent utiliser la propulsion du vent pour réinventer une navigation durable et non-polluante. Sans parler de Bâtho, une entreprise qui ouvre la voie au recyclage des bateaux.

Le Jules Verne 2 apporte une nouvelle pierre à cet édifice avec un prototype de transport fluvial « zéro-émission ». En 2018, 62 000 personnes ont utilisé cette ligne et la tendance pourrait s’accélérer dans les années à venir. D’où les investissements – 678 000 euros – engagés par la métropole Nantaise, la Région Pays de la Loire et l’ADEME pour la réalisation de cette première navette.

Ce Navibus aux couleurs de la TAN (la régie des transports de la ville de Nantes) fonctionne avec deux piles à combustible hydrogène. Elles alimentent en électricité le moteur nécessaire à la propulsion. L’autonomie du navire est de cinq à six jours. « Le plein se fait en quelques minutes comparé à une charge électrique qui dure plusieurs heures« , explique Henri Mora, président de l’association nantaise Mission Hydrogène, partie prenante du projet. « La consommation journalière s’élève à près de 1,3 kilo d’hydrogène. C’est l’équivalent de cinq litres de gas-oil. Mais là, c’est zéro émission de C02, zéro gaz à effet de serre. »

 

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transport fluvial Nantes
Nantes mise sur le développement du transport fluvial


Développer les transports à l’hydrogène sur toute la région

Si la jonction qu’effectue le Jules Verne 2 est très courte et limitée en terme de passagers, c’est parce que ce Navibus est un démonstrateur. Il doit permettre d’envisager des projets de plus grande envergure à l’avenir. En ligne de mire, il y a surtout la volonté de créer des bateaux 10 fois plus puissants qui pourraient naviguer sur les eaux tumultueuses de la Loire. Mais ce projet vise aussi à accélérer les initiatives durables dans les transports en commun et les flottes d’entreprises de la région Nantaise.

En parallèle de l’inauguration de cette navette, la Semitan a ainsi lancé une station mutualisée de production et de distribution d’hydrogène. Baptisée MuLTHy, elle produit 80 kg d’hydrogène par jour et permet le plein quotidien de 40 véhicules. Elle alimentera le navibus Jules Verne 2 ainsi que des véhicules professionnels (Semitan, La Poste, EDF…). L’objectif est de permettre à plus long terme un accès à l’énergie hydrogène sur le territoire et inciter les entreprises puis les particuliers à s’équiper en véhicules hydrogène. Ce projet MuLTHy est également prévu pour être déployé sur l’ensemble de la Région Pays de la Loire. Une région qui s’engage dans le domaine de la transition énergétique, à l’instar du programme SMILE qu’elle co-préside avec la région Bretagne.

Mais pour que l’hydrogène puisse être pleinement envisagée comme mode de propulsion, il faut aussi pouvoir bénéficer d’une électricité propre et surtout de la capacité à stocker puis réutiliser les énergies renouvelables. Là encore, la métropole nantaise bénéficie d’un savoir-faire intéressant avec le démonstrateur Power-to-gas « Minerve ». Ce prototype permet, à l’aide d’hydrogène, à transformer de l’électricité renouvelable, issue du solaire, de l’éolien ou du photovoltaïque en méthane de synthèse. Facilement stockable ce biogaz peut alors être utilisé comme carburant pour les véhicules à gaz, voire comme combustible dans des chaudières de chaufferie.

Des avancées en matière de transition écologique qui font résonner une fois encore les mots de Jules Verne qui, toujours en 1874 nous disait : « tant que cette terre sera habitée, elle fournira aux besoins de ses habitants, et ils ne manqueront jamais ni de lumière ni de chaleur, pas plus qu’ils ne manqueront des productions des règnes végétal, minéral ou animal. Je crois donc que lorsque les gisements de houille seront épuisés, on chauffera et on se chauffera avec de l’eau. L’eau est le charbon de l’avenir. »

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