Le glyphosate est un désherbant. C’est-à-dire un produit destiné à éliminer les mauvaises herbes (ou adventices), qui est fréquemment utilisé en agriculture, mais aussi très utilisé par les particuliers et par certaines entreprises pour l’entretien des routes ou des voies ferrées (la SNCF, par exemple, en fut le plus gros consommateur en France).
Il fait partie de ce qu’on appelle les intrants de synthèse (un composé obtenu à partir de réactions chimiques) utilisés en agriculture pour protéger les cultures. Le glyphosate a été mis sur le marché pour la première fois en 1974, sous l’appellation Roundup, par la société Monsanto (qui en a détenu l’exclusivité jusqu’en 2000). Aujourd’hui, Monsanto a été racheté par le groupe Bayer, qui en est le principal fournisseur.
La caractéristique principale du glyphosate est d’être un herbicide foliaire : pulvérisé sur les feuilles des plantes, il est absorbé par celles-ci. Ses molécules migrent ensuite vers la racine de la mauvaise herbe afin de “l’asphyxier” et détruire le plant. Le problème du glyphosate, c’est qu’il est non-sélectif : il agit sans distinction sur toutes les plantes. Et cela pose des problèmes pour la biodiversité, la qualité des sols et la santé humaine.
Le Roundup a longtemps été la seule marque à proposer le glyphosate comme herbicide. Son efficacité redoutable en a fait l’herbicide le plus vendu au monde. En 2015, à titre d’exemple, le roundup était utilisé en France par 200 000 agriculteurs et 3 millions de particuliers. Le brevet du glyphosate est aujourd’hui dans le domaine public. Le produit est ainsi commercialisé par plus de 90 entreprises à travers le monde. Il s’en écoule chaque année environ 720 000 tonnes.
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Pourquoi on en parle ?
Parce que le glyphosate est au coeur d’un gigantesque débat. L’Union Européenne a failli interdire sa commercialisation fin 2017, sans succès face aux pressions exercées par plusieurs pays, dont l’Allemagne. Au sein de l’UE, la vente de cet herbicide est donc permise au moins jusqu’à la fin de l’année 2022. Un nouveau vote des pays de l’UE viendra renouveler ou non cette autorisation. Si les industriels y sont favorables, ça n’est pas le cas des ONG qui militent depuis longue date pour son interdiction.
Le glyphosate est en effet classé depuis 2015 comme probable cancérogène pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), une agence de l’OMS. Cependant, plusieurs rapports produits par des agences de sécurité sanitaire sont venus contredire ce point. L’agence de sécurité alimentaire européenne (Efsa) estime par exemple qu’il n’y a pas de liens entre le glyphosate et l’apparition de cancers chez les humains. Depuis, d’autres rapports d’experts affirment le contraire.
À noter qu’une enquête du journal Le Monde a révélé que le rapport de l’Efsa reprenait textuellement des passages entiers de documents rédigés par des experts… de Monsanto. Difficile de savoir qui a raison sur ce sujet. Reste qu’en Argentine, par exemple, où sont déversées chaque année 300 000 tonnes de glyphosate, le nombre de cancers a été multiplié par trois en dix ans. Et il est en hausse principalement dans les régions qui utilisent le plus cet herbicide.
Mais comme le précisait Nicolas Hulot quand il était ministre de la Transition Écologique : “ Il y a un faisceau de présomptions qui justifie d’appliquer le principe de précaution ”. En mai 2019, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume martelait la même chose : “À partir du moment où c’est probablement cancérogène, le gouvernement et moi-même sommes là pour défendre et protéger la sécurité et la santé de nos concitoyens”. Après avoir promis de l’interdire lorsqu’il était en campagne pour l’élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron a cependant rétropédalé sur ce sujet. Aujourd’hui, il s’en tient au vote de l’Union Européenne.
Chez les agriculteurs français, l’usage du glyphosate est également sujet à controverse, d’autant que de nombreuses exploitations en sont dépendantes. D’ailleurs, une étude publiée en mai 2020 par l’université de Louvain, en Belgique, précise que la France est aujourd’hui le premier utilisateur européen de glyphosate, en consommant 19 % du glyphosate pulvérisé dans l’UE, devant la Pologne (14 %), l’Allemagne (10 %) et l’Italie (8 %).
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Interdire le glyphosate : des impacts forts sur l’agriculture et la biodiversité
En ce qui concerne la biodiversité, l’usage du glyphosate pose différents problèmes. En tant qu’herbicide non-sélectif, il “tue” la totalité des mauvaises herbes des parcelles traitées, privant ainsi de nourriture les insectes et la micro-faune du sol. Donc moins d’insectes. Ce qui a comme conséquence de priver également certains oiseaux de leur nourriture. Donc moins d’oiseaux.
Ne plus utiliser cet herbicide permettrait sans doute d’atténuer le déclin de la biodiversité. Un geste bienvenu alors que d’autres pesticides sont pointés du doigt pour leurs effets néfastes sur les animaux (notamment les pesticides à base de néonicotinoïdes qui tuent les abeilles).
Pour les agriculteurs, pourtant, se passer totalement de glyphosate semble aujourd’hui compliqué. En effet, le glyphosate est plus efficace que les autres produits mais aussi plus rentable que les autres produits. L’interdire du jour au lendemain mettrait donc en difficulté un secteur déjà au coeur d’une immense crise économique. La transition ne peut donc se faire qu’en douceur.
Le principal syndicat des agriculteurs, la FNSEA, propose de réduire l’utilisation du glyphosate de 25% d’ici 2020 et 50% d’ici 2025. Par ailleurs, utilisé à bon escient, c’est à dire de manière très localisée, il reste globalement utile. Le développement de l’agriculture de précision pourrait donc être une possibilité pour réduire ses effets néfastes sur l’environnement. Mais il existe aussi des alternatives plus naturelles pour s’en passer.
Quelles alternatives au Glyphosate ?
Il existe cependant des alternatives intéressantes pour se passer de cet intrant de synthèse. L’idéal, ce serait évidemment de convertir nos surfaces agricoles au bio, ce qui évite d’utiliser ce type de produits. Néanmoins, la conversion au bio prend du temps, et pose également une question de coûts et de rendements pour des agriculteurs qui, souvent, sont déjà précaires. Ensuite, selon de nombreux chercheurs français, il apparaît comme difficile de passer 100% de l’agriculture mondiale au bio.
Derrière, une autre alternative aux intrants de synthèse, c’est le développement du biocontrôle et de la biostimulation. Ces produits sont intéressants car ils agissent exactement comme des intrants de synthèse pour protéger ou stimuler les plantes, mais ils le font grâce à des interactions naturelles entre différents organismes (bactéries, phéromones, etc.). Le biocontrôle et la biostimulation sont encore des marchés naissants, mais leur potentiel est en pleine croissance. En France, on possède quelques pépites intéressantes sur ce sujet, notamment les startups Axioma ou Mycophyto par exemple.
Enfin, la dernière alternative au glyphosate, c’est le développement de l’agriculture de précision. Ici, l’idée est d’utiliser la technologie, notamment les objets connectés et le traitement de données en temps réel, pour permettre aux agriculteurs de n’utiliser des intrants de synthèse qu’en petites quantités. De fait, on réduit largement les risques pour la biodiversité et les sols tout en continuant d’avoir de bons rendements agricoles. La France possède aussi de nombreuses startups engagées sur ce sujet et leur nombre croît chaque année.