L’agriculture biologique peut-être considérée comme un des leviers de l’agroécologie pour assurer la transition de notre modèle agroalimentaire vers des pratiques durables. Aujourd’hui, cette agriculture qui se passe d’intrants de synthèse représente environ 8,5% de la surface agricole utile du pays. Une part qui a été multipliée par 2 entre 2014 et 2019 mais qui peine à décoller davantage depuis.

Malgré un plan de développement de l’agriculture bio doté d’une enveloppe d’1,1 milliard d’euros en 2018, l’objectif du gouvernement de doubler à nouveau la surface de terres cultivées en bio d’ici 2022 ne sera d’ailleurs pas atteint. Il y a un mois, le ministre de l’Agriculture – Julien Denormandie – estimait à 12,5% au mieux la part du bio dans la SAU française en 2022.

Mais si les conditions économiques le permettaient, serait-il vraiment possible de satisfaire la demande alimentaire mondiale par l’expansion de l’agriculture biologique ? Sur ce point, le rôle de l’azote est essentiel.

Pourquoi l’azote est essentielle au développement de l’agriculture biologique ?

Selon une étude publiée dans la revue Nature en 2020, les exploitations converties au bio observent en moyenne des chutes de rendement de l’ordre de 20% et nécessitent donc, pour conserver leur niveau de production, de devoir utiliser davantage de terres. Or, la terre est de plus en plus rare au fur et à mesure que la population mondiale augmente.

De plus, l’agriculture biologique se passant d’intrants de synthèse, il est nécessaire pour imaginer son déploiement à grande échelle d’être attentif à la qualité des sols, et notamment à leur teneur en azote.

L’azote est un élément indispensable à la croissance des plantes. Il entre notamment dans la composition de la chlorophylle qui permet la réalisation de la photosynthèse. Pour vulgariser, dans un cycle conventionnel, les plantes absorbent l’azote contenu dans le sol pour croître ; sol qui est ensuite réalimenté par des engrais azotés.

En agriculture biologique, les engrais azotés sont interdits et conserver des sols riches en azote est donc une problématique à résoudre. Il existe aujourd’hui quelques alternatives : remplacer ces apports d’engrais par une bonne gestion du sol, des effluents d’élevage où par la mise en place de cultures intermédiaires comme les légumineuses, qui ont la capacité de récupérer l’azote contenu dans l’air et de la fixer dans le sol.

Une transformation des systèmes d’élevage, un rééquilibrage de l’alimentation humaine et une baisse importante du gaspillage alimentaire seraient nécessaires pour augmenter la part de l’agriculture bio

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3 conditions pour atteindre 60% de cultures bio dans le monde

Mais, est-ce que ces solutions alternatives sont suffisantes pour permettre d’atteindre 100% d’agriculture bio dans le monde ? D’après les recherches menées par l’INRAE et Bordeaux SciencesAgro, il faudrait pour cela que nous remplissions 3 critères.

Dans leur étude, les chercheurs de l’INRAE et Bordeaux Sciences Agro ont simulé les répercussions d’une augmentation de l’agriculture biologique par palier (de 20% à 100%) afin d’étudier l’impact que cela aurait sur la sécurité alimentaire mondiale.

Leurs résultats, publiés le 13 mai dans Nature Food, montrent que le déploiement mondial de l’agriculture biologique peut être limité par la disponibilité en azote et nécessiterait une transformation des systèmes d’élevage, un rééquilibrage de l’alimentation humaine et une baisse importante du gaspillage alimentaire.

L’élevage est l’une des clés du développement de l’agriculture biologique puisqu’elle permet aux agriculteurs d’enrichir leurs champs grâce à l’apport de fumier.

Cependant, l’élevage entre aussi en concurrence avec l’alimentation humaine. En particulier les élevages porcins et aviaires car ces animaux sont nourris avec des céréales. En France, près de 40% de la surface agricole est dédiée à l’alimentation animale. En 2019/2020, cela a représenté 9,7 millions de tonnes de céréales. À l’échelle mondiale, la FAO estime que 33% des terres cultivables sont utilisées pour produire l’alimentation des animaux d’élevage.

Pour les scientifiques, l’une des clés du développement de l’agriculture biologique à grande échelle tient donc à une réduction des élevages porcins et aviaires ainsi qu’une relocalisation des élevages de ruminants au plus près des cultures, notamment dans les prairies, pour reconnecter productions végétales et animales et optimiser le recyclage de l’azote.

Cette réduction de l’élevage aviaire et porcin, ainsi que la relocalisation des élevages constitue la première brique permettant d’accroître la part de cultures en agriculture biologique dans le monde.

En France, près de 40% de la surface agricole est dédiée à l’alimentation animale. En 2019/2020, cela a représenté 9,7 millions de tonnes de céréales


Mais pour aller plus loin, les scientifiques estiment qu’il faudrait également travailler sur deux autres sujets. Le premier concerne le gaspillage alimentaire qu’il faudrait pouvoir diviser par deux. En outre, leurs simulations montrent qu’un rééquilibrage de notre alimentation est également nécessaire. En moyenne, la consommation alimentaire mondiale est estimée à 2890 kcal par personne et par jour.

Pour les auteurs de l’étude, il faudra abaisser cette moyenne à 2200 kcal, ce qui est nécessaire d’un point de vue nutritif. Cela passerait donc par une baisse de notre consommation en Europe et en Amérique du Nord (estimée aujourd’hui à 3000 kcal par jour et par personne) ainsi que d’une hausse dans les pays en voie de développement.

Ainsi, pour les auteurs de l’étude, en respectant ces 3 critères, il serait possible d’augmenter la part de l’agriculture biologique mondiale jusqu’à 60%.

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