Cela fait plusieurs mois que la sécheresse s’installe doucement sur le territoire français et que les risques de tension sur les ressources en eau augmentent. Le déficit pluviométrique est d’environ 35% sur l’ensemble du territoire, avec cependant des disparités en fonction des régions. À l’heure actuelle, 15 départements sont principalement concernés, dont 10 d’entre eux ont dépassé le seuil d’alerte : le Maine-et-Loire, la Vienne, les Deux-Sèvres, la Charente-Maritime, la Charente, l’Ain, la Drôme, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse.

Dans le Vaucluse, la préfecture indique même un déficit pluviométrique de l’ordre de 70% depuis le début de l’année et la situation ne semble pas prête de changer. D’après Météo France, les prochaines semaines devraient être particulièrement sèches sur l’ensemble du territoire, hormis dans le sud-ouest où des orages sont attendus. Une situation préoccupante qui affecte notamment les agriculteurs à une période de l’année où les plants sont en pleine croissance.

Dans un contexte géopolitique tendu, ce sont notamment les producteurs de blé qui pourraient être affectés par cette situation, d’autant que la sécheresse semble toucher l’Europe dans sa globalité, si l’on se fie aux modèles prédictifs de l’agroclimatologue Serge Zaka (ci-dessous, prévisions de la sécheresse des sols en Europe au 18 mai 2022).


Ce que prévoit le gouvernement

Pour répondre à cette problématique, le Gouvernement a publié en début de mois sa feuille de route pour faire face à la sécheresse qui s’annonce. L’État s’engage notamment à accroître le budget alloué aux différentes agences de l’eau en augmentant leurs plafonds de dépenses de 100 millions d’euros pour 2022.

L’idée étant que les Agences de l’eau puissent avoir les moyens d’agir à différents niveaux.

D’abord, pour accompagner les filières agricoles dans leur stratégie d’adaptation au changement climatique. Le secteur agricole est le premier consommateur de la ressource en eau douce en France, en particulier durant le printemps et l’été afin d’irriguer les champs et d’abreuver les bêtes.

Plusieurs possibilités existent d’ailleurs à ce sujet, dont le développement des pratiques agroécologiques : l’agroforesterie et la plantation de haies bocagères ou encore l’agriculture de conservation des sols sont par exemple des pratiques qui permettent de limiter l’évapotranspiration et de faciliter l’infiltration de l’eau dans les sols. En parallèle, des progrès technologiques permettent aujourd’hui aux agriculteurs d’optimiser l’irrigation dans les parcelles afin de consommer moins d’eau et de la consommer beaucoup mieux.

Les Agences de l’eau auront aussi la tâche de travailler avec les collectivités territoriales à deux niveau : améliorer leur résilience par des solutions fondées sur la nature, par la réutilisation des eaux usées traitées ou par des mesures d’économies d’eau ; mais aussi soutenir les collectivités territoriales dans leurs initiatives, notamment pour la lutte contre les fuites dans les réseaux.

Enfin, cette enveloppe budgétaire supplémentaire doit aussi permettre d’améliorer la résilience des milieux naturels pour garantir la pérennité des usages de l’eau. Dans ce cadre, et toujours en collaboration avec les territoires, c’est notamment la désimperméabilisation des espaces urbains qui est visée.

Le gouvernement devrait également publier, d’ici la fin du mois, une carte de prévision du risque de sécheresse pour cet été afin d’aider l’ensemble des acteurs concernés à mieux anticiper le risque de sécheresse. Enfin, un délégué ministériel sera chargé du suivi des actions et travaux engagés dans ce cadre, il s’agit du préfet Frédéric Veau, nommé le 28 avril 2022.

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sol sécheresse


Le cycle de l’eau douce : une 6ème limite planétaire franchie

À la fin de ce mois d’Avril 2022, ce sont des chercheurs du Potsdam Institute et du Stockholm Resilience Center qui ont publié dans la revue Nature les conclusions d’une étude sur le cycle de l’eau verte, c’est-à-dire l’eau disponible pour les plantes. Ce que cela signifie, c’est que l’ensemble de nos activités perturbe désormais le cycle de l’eau douce de manière suffisamment significative pour que cela ait un impact sur la quantité d’eau disponible pour la végétation.

Cette nouvelle limite planétaire franchie vient alimenter un cercle vicieux : le cycle de l’eau existe en effet grâce à la végétation puisque les précipitations proviennent à 60% de l’évapotranspiration des plantes. Or, avec le réchauffement climatique, l’élévation de la température va accroître ce phénomène (plus il fait chaud, moins le sol conserve l’eau) qui est lui-même accentué par la médiocre qualité des sols (qui ne retiennent plus suffisamment l’eau). En conséquence de quoi les sols se désertifient et la végétation se raréfie, donc il pleut moins, et ainsi de suite.

Dans les années qui viennent, il sera donc important de réfléchir à une meilleure utilisation de l’eau (réduction du gaspillage, réutilisation des eaux usées traitées, réduction des fuites dans les réseaux, désimperméabilisation et végétalisation des villes, etc.) mais aussi repenser en profondeur notre modèle agricole pour améliorer la qualité des sols.

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