L’agriculture de conservation est une technique agroécologique qui fait partie des différentes solutions prônées par la FAO (l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation) pour tendre vers une agriculture durable.

C’est en 2001, à l’occasion du First World Congress on Conservation Agriculture à Madrid, que la FAO a décidé de conceptualiser et de définir cette technique qui permet, selon les pays, de lutter contre l’érosion des sols, la sécheresse, voire de permettre un gain économique pour les exploitants.

Trois grands principes viennent définir cette pratique :

  • Couvrir le sol au maximum avec des matières organiques (résidus des cultures précédentes ou plantes de couverture implantées en intercultures ou en couverts vivants permanents),
  • Ne pas travailler le sol (avec une tolérance sur la perturbation de la ligne de semis),
  • Diversifier les cultures en recourant à l’alternance entre différentes familles de plantes ou en association de cultures.

À l’époque, près de 3 millions d’américains ont d’ailleurs quitté l’Oklahoma et l’Arkansas pour trouver de meilleures terres à cultiver


Une technique née pour lutter contre l’érosion des sols

Pour préserver la fertilité des terres agricoles, des agriculteurs américains, brésiliens, australiens, africains ou encore européens ont développé différentes techniques de conservation des sols au fil des ans. Mais la pratique trouve son origine dans le mid-west Américain, dans les années 1930, afin de lutter contre l’érosion des sols.

En effet, à l’époque, des épisodes successifs de pluies et de sécheresses, combinés à des vents violents, ont facilité l’éclosion d’un phénomène appelé le Dust Bowl. D’immenses nuages de poussières qui creusaient les sols et détruisaient les cultures. À l’époque, près de 3 millions d’américains ont d’ailleurs quitté l’Oklahoma et l’Arkansas pour trouver de meilleures terres à cultiver.

Ce phénomène a aussi conduit les exploitants à modifier leurs techniques et à réaliser des semis directs sur un sol couvert par des résidus des cultures antérieures. Soutenue par l’Etat américain dans les années 60, la technologie a aussi bénéficié du développement de l’utilisation des herbicides dans les années 90. Aujourd’hui, le semis direct à travers les couverts et sans labour, qui concerne principalement la culture du maïs et du soja, se fait sur sur 37% des terres cultivées aux USA et a beaucoup contribué à en réduire l’érosion.

Plus au sud, le Brésil a également développé l’agriculture de conservation avec un souci premier de résister à l’érosion hydrique. Les problèmes de sécheresse étaient également à l’origine du développement de cette technique en Australie ainsi qu’au Kazakhstan. Alors qu’en Afrique, la progression est beaucoup plus lente, avec une application partielle du tripode, sur une quinzaine de pays seulement, et concerne essentiellement des petites surfaces agricoles. Elle pourrait cependant accompagner le développement de l’agriculture sur le continent.

18 % des sols de la France métropolitaine présentent un risque moyen à fort d’érosion

agriculture de conservation des sols


En Europe, et notamment en France, l’érosion menace aussi

L’érosion a été identifiée par l’Union Européenne en 2006 comme l’une des huit menaces pesant sur les sols (Stratégie thématique pour la protection des sols en Europe – COM 231). En France, un décret d’application de 2005 prévoit d’ailleurs que les préfets réalisent un zonage des risques d’érosion, entre autres mesures de lutte contre l’érosion des sols.

La France subit les conséquences du remembrement qui, dans les années 1960, a supprimé nombre de talus, haies, et fossés. Une pratique qui a permis d’agrandir les parcelles pour développer des monocultures à haut rendement, mais qui prouve aujourd’hui ses nombreuses limites (érosion des sols, perte de biodiversité). Certaines cultures de printemps qui ont augmenté en surface, comme le tournesol, le maïs et la betterave, contribuent également à dénuder la terre en hiver et à l’exposer aux orages printaniers.

En 2011, l’INRAE a publié le bilan d’une étude réalisée de manière exhaustive sur le territoire national : près de 18 % des sols de la France métropolitaine présentent un risque moyen à fort d’érosion, essentiellement hydrique. Une situation plus préoccupante que la moyenne européenne où 12 % des sols (115 millions d’hectares) sont soumis à l’érosion hydrique et 42 millions d’hectares subissent une érosion éolienne.

L’agriculture de conservation fait donc partie des solutions pour lutter contre ce phénomène. Mais la technique a aussi d’autres avantages intéressants.

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Vers un modèle d’agriculture durable

Avec l’ACS, la production est plus efficace grâce aux avantages sociaux et économiques qu’elle présente. C’est en effet une technique agricole qui requière un temps de travail et un besoin de main d’œuvre réduits, une moindre mécanisation qui baisse les coûts (carburant, entretien des machines, etc.) et une production qui augmente avec une réduction de l’usage d’intrants.

Des avantages agronomiques avérés également, avec la productivité du sol qui est renforcée par l’augmentation du taux de matières organiques d’abord sur la couche superficielle, puis dans les couches plus profondes, et des résultats hydriques et un enracinement des plantes qui sont améliorés.

Des avantages environnementaux enfin, car cette technique de protection du sol rend l’agriculture plus durable. La réduction de l’érosion du sol impacte favorablement les coûts d’entretien de grandes infrastructures comme les routes et les barrages hydroélectriques notamment. Une agriculture également moins polluante que la conventionnelle, qui améliore la qualité de l’air et de l’eau, et protège la biodiversité. Enfin, cette technique de conservation augmente la surface de séquestration du carbone, ce qui contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique.

Au-delà de la protection des sols contre l’érosion, les agriculteurs qui pratiquent la conservation se retrouvent dans les valeurs de protection de la nature portées par les agriculteurs biologiques.


Crédit photos : ©INRAE/Nicolas BERTRAND et J. BOURLIAUD

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