La France connaît, en ce moment, une suite historique de températures plus chaudes que la normale (en comparaison de la moyenne calculée entre 1981 et 2010). Ainsi, Selon Météo France, le mois de mars 2020 est le 10e mois consécutif (depuis juin 2019) qui présente une température au-dessus des normales saisonnières, avec une anomalie estimée sur ces 10 mois, à +1,72°C.

L’année 2018 avait déjà été marquée par un record de 9 mois consécutifs (d’avril à décembre) au dessus des normales saisonnières, à +1,73°C. Ces récurrences – qui viennent battre des records datant de 2015 et 2017 – marquent une étape dans ce qui sera amené à, justement, devenir normal dans les prochaines années. Et pour anticiper ces hausses de températures, les épisodes de fortes chaleurs et les sécheresses à venir, le monde agricole cherche à se protéger et se réinventer.

C’est notamment l’objet du programme Sun’Agri qui tourne autour d’une pratique nouvelle : l’agrivoltaïsme. C’est à dire un savant mélange entre la production d’énergies renouvelables et la protection des cultures agricoles. Un programme qui compte de nombreux partenaires, comme l’INRAE et l’ADEME. Mais aussi la société ITK, spécialiste de l’aide à la décision pour le monde agricole.

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des panneaux solaires dans un champ


Un programme de recherche unique au monde

Sun’Agri est programme de recherche développé par la société Sun’R et INRAE afin de pousser le sujet de l’agrivoltaïsme en France. Leur solution prend la forme de persiennes photovoltaïques qu’on peut installer au-dessus des plantations, à une hauteur suffisante pour permettre le passage des engins agricoles, et qui doivent protéger les cultures tout en produisant de l’électricité. Les panneaux solaires installés sur ces persiennes, pilotés en temps réel grâce à des algorithmes, vont ainsi bouger en fonction du besoin en ombre ou soleil des cultures.

En position d’ombrage maximum, les plantes sont ainsi protégées d’un excès de soleil et ne souffrent pas de stress hydrique. Ils s’effacent pour apporter un ensoleillement maximum aux plantes si besoin. Enfin, lors des gelées printanières, les panneaux positionnés à l’horizontale permettent de préserver la température au sol (de +1°C à 3°C). Ces persiennes ont également un rôle pour protéger les cultures vulnérables aux épisodes de grêle, par exemple. Evidemment, pendant ce temps et tant que l’ensoleillement le permet, les panneaux solaires photovoltaïques produisent de l’électricité.

Depuis une dizaine d’années, le programme Sun’Agri sert à accompagner les exploitants viticoles et arboricoles, mais aussi les maraîchers, dans la protection de leurs cultures face aux aléas climatiques. Un programmé piloté en plusieurs étapes. D’abord grâce à deux phases d’expérimentation qui ont eu lieu entre 2009 et 2017 et qui ont permis de calibrer la technologie.

Depuis 2017, le programme est entré dans phase de démonstration à grande échelle avec un déploiement sur le territoire qui regroupe une cinquantaine de chercheurs (agronomes, énergéticiens, économistes), une trentaine de partenaires et entre 10 et 15 démonstrateurs répartis sur le territoire. Depuis 2016, la startup ITK, spécialiste de l’agriculture de précision grâce à ses outils d’aide à la décision apporte son expertise pour co-construire le système de pilotage des panneaux photovoltaïques.

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La donnée, pièce maîtresse d’une agriculture raisonnée ?

La brique développée par ITK permet aux systèmes agrivoltaïques d’assurer les bénéfices maximums de l’ombrage sur le rendement et la qualité des cultures. Afin de renforcer cette coopération et de l’inscrire dans la durée, Sun’Agri et ITK ont signé le 07 avril 2020 un partenariat de coopération industrielle et commerciale qui s’étale sur une durée de 15 ans.

L’objectif de cette coopération à long-terme sera de déployer commercialement l’agrivoltaïsme dynamique en France et dans le monde. Mais avant cela, les deux structures souhaitent surtout coopérer sur la conception de modèles prédictifs pour évaluer les rendements et la qualité des cultures en fonction du climat, du sol, du mode d’implantation ; ainsi que pour ajuster les pratiques agricoles (irrigations, fertilisations, traitements, pesticides) et ainsi réduire l’impact environnemental de l’agriculture.

Le travail de R&D des deux entreprises, en partenariat avec l’INRAE, permettra ainsi de prendre en compte les effets spécifiques au micro-climat des cultures sous ombrage photovoltaïque (ombrage intermittent, découplage entre le climat de la parcelle et celui de son environnement), mais pas que. « Au-delà du domaine spécifique de l’agrivoltaïsme dynamique, [ce partenariat] nous permettra d’améliorer encore la précision de nos outils d’aide à la décision en culture classique, voire en agroforesterie. » ajoute Aline Bsaibes, Directrice Générale d’ITK.


Vers une complémentarité entre le monde agricole et celui des EnR

Les premiers tests effectués lors de la phase 2 du programme portaient principalement sur des cultures de laitue et de vigne. La phase 3 amorcée il y a deux ans permet d’aller plus loin en étendant le modèle à l’arboriculture, au maraîchage sous serre, à la viticulture et aux grandes cultures. L’idée de cette étape sera notamment de voir s’il est possible d’étendre l’agrivoltaïsme à tout type d’agriculture ainsi que d’en mesurer les bénéfices.

Ces exploitations pilotes sont essentiellement situées dans le bassin méditerranéen, l’une des régions françaises les plus exposées aux fortes chaleurs ; mais aussi l’une des plus propices au développement de l’énergie photovoltaïque. Une valeur ajoutée qui permet en particulier de développer cette source d’électricité bas-carbone sans recourir à une artificialisation des terres arables.

Par ailleurs, l’un des objectifs du programme Sun’Agri, d’ici à 2022, sera également de chercher à diminuer le coût de l’électricité produite et d’améliorer la valeur de cette association avec le monde agricole, par exemple grâce au développement de produits complémentaires (panneaux bifaciaux, serre agrivoltaïque dynamique, filets anti-grêle, etc.)

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