La Chine n’échappe pas à la règle. Après avoir longtemps fait du développement économique sa priorité absolue, le pays semble vouloir intégrer davantage les considérations environnementales à ses politiques publiques. Et pour cause : le pays fait face à une pollution de l’air record – en grande partie lié à l’exploitation massive du charbon – ; à des sols particulièrement dégradés, une forte désertification et… des catastrophes naturelles sans précédent dont de très fortes inondations comme cela a été le cas durant l’été 2021.
La Banque mondiale estime d’ailleurs que les inondations représentent l’un des aléas climatiques les plus fréquents et les plus dévastateurs, ayant touché près de 2 milliards de personnes entre 1998 et 2018. En Chine, celles-ci frappent particulièrement le pays à la saison estivale. Leur intensité n’a fait que croître sous l’effet du changement climatique, à tel point que 62% des villes chinoises ont été touchées par de tels phénomènes entre 2011 et 2014. La Chine fait d’ailleurs partie des pays les plus affectés du changement climatique et est placée en 32ème position par le Global Climate Risk Index de 2021.
Les immenses métropoles du pays sont particulièrement sujettes à ces phénomènes, et les divers barrages et digues construits pour s’en prémunir ne suffisent plus pour s’en protéger. Un enjeu qui a amené à la création des « villes-éponges ». Initié en 2014 par le régime chinois, il d’un programme qui vise à développer des villes résilientes face au changement climatique. Cette nouvelle façon de concevoir la ville transforme les politiques d’urbanisme afin de permettre à l’eau d’y circuler.
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Réintégrer le cycle de l’eau en milieu urbain
C’est l’artificialisation des sols associé à l’étalement urbain qui a rendu les villes particulièrement vulnérables aux inondations. Un réel problème lors des fortes pluies et des crues des fleuves, qui sont à l’origine des inondations évoquées précédemment. Dans ce contexte, l’initiative des villes-éponges consiste à transformer la trentaine de villes-pilotes sélectionnées par le régime Chinois par la création de vastes espaces perméables.
Pour cela, l’idée est de recourir à des matériaux poreux qui permettent à l’eau de s’infiltrer dans la chaussée, de recréer des espaces verts aussi bien sur les toits qu’au sol, ainsi que des réservoirs permettant d’accueillir les eaux pluviales. Ce type d’aménagement imite le cycle de l’eau et permet à cette dernière de s’infiltrer dans les milieux urbains et d’être drainée via différents canaux jusqu’à de grandes cuves afin d’éviter tout débordement des réseaux urbains.
A Wuhan, par exemple, le parc de Nanganqu, a connu d’importants travaux afin de créer des rigoles, des étangs artificiels et de rendre les revêtements perméables dans le but de pouvoir absorber et stocker l’eau dans des réservoirs souterrains. Des aménagements nécessaires, qui doivent compenser la centaine de lacs perdus lors de l’étalement de la ville. Un enjeu d’autant plus crucial compte tenu que la métropole, régulièrement victime de pluies diluviennes, se trouve à la jonction d’un fleuve majeur, le Yangzi, et de la rivière Han.
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Des contraintes persistantes ?
Ces zones humides en ville sont particulièrement importantes. En effet, si les aménagements des villes-éponges ont d’abord été conçus pour se prémunir des inondations, il s’avère que ceux-ci apportent également une solution pertinente au problème de pénurie d’eau que rencontrent les villes puisque la création de lacs, de marais et de jardins permet à l’eau de s’écouler et d’être filtrée, pour ensuite être utilisée pour approvisionner la ville.
C’est le but des travaux réalisés dans le parc de Kunshan à Suzhou : des zones humides et des lacs ont été construits à l’occasion, qui permettent non seulement d’éviter toute inondation en stockant les eaux de pluies mais aussi de les dépolluer grâce à un système de pompage. De plus, ce type d’infrastructures améliore la qualité de l’air en captant le carbone et permet de créer des îlots de fraîcheur tout en ramenant la biodiversité en ville.
Au lancement du programme, l’objectif était qu’au moins 20% des surfaces de chaque ville doive être perméable et donc être en capacité de recueillir ou réutiliser 70% des eaux à horizon 2020. Une ambition qui monte à 80% la proportion de surfaces urbaines à être en mesure de le faire d’ici 2030.
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Malgré le fort potentiel de ces infrastructures, les villes-éponges peinent à pleinement émerger. Principal frein observé : ces aménagement représentent un coût non-négligeable. Le financement estimé au début du programme s’élevait à 200 milliards de yuan (environ 30 milliards d’euros), dont seulement 20% en provenance du gouvernement central. Or, les gouvernements locaux peinent à rassembler le reste des fonds et les acteurs privés ne sont pas encore suffisamment engagés sur ces questions.
Parmi les principaux leviers de financement envisagés : attirer les promoteurs, dans la mesure où les zones aménagées gagnent grandement en confort de vie et sont donc plus valorisées. Il s’agit là d’un point crucial : pouvoir faire reconnaître les bénéfices associés à ces aménagements par des investisseurs privés et les acteurs économiques. Ce n’est d’ailleurs pas le seul : faute d’encadrement, les villes peinent à coordonner leurs actions pour que celles si soient efficaces et les aménagements envisagés ne tiennent pas toujours compte des spécificités de chaque métropole.
Le modèle de ces « villes-éponges » démontre cependant deux choses très intéressantes. D’abord, l’urgence que repenser nos zones urbaines afin de les rendre davantage perméables. Il s’agit là d’un travail de végétalisation qui trouve aussi son utilité pour lutter contre les fortes chaleurs et qui est de plus en plus essentiel. Il prouve aussi que les mesures d’adaptation au changement climatique coûtent extrêmement cher… d’où l’urgence de les anticiper au maximum et d’accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre.