« La mer commence ici. Merci de ne rien jeter ». Il y a quelques mois, ces autocollants avaient fleuri à proximité des avaloirs de plusieurs métropoles françaises. La formule peut sembler un peu rapide. Et pourtant, c’est bien la réalité. On estime ainsi que 80% des déchets marins sont générés par les activités terrestres.

Et la principale raison, ce sont les avaloirs d’eau de pluie, pas toujours en mesure de filtrer les déchets qui sont évacués avec les eaux pluviales et rejetés dans les cours d’eau puis les mers et océans. Outre la pollution environnementale bien visible que ces détritus entraînent, ceux-ci représentent également une menace directe pour la biodiversité. Les trois quarts sont en effet des déchets plastiques dont la fragmentation finit par contaminer l’ensemble de la chaîne alimentaire.

Une lutte efficace contre cette forme de pollution doit donc se faire à la source et se traduire par une meilleure gestion des déchets terrestres. Cela passe donc par de l’éducation et de la sensibilisation pour réduire nos volumes de déchets, mais aussi faire en sorte qu’ils soient correctement collectés.

En parallèle, il y a aussi un travail à faire au niveau des réseaux d’eaux pluviales. C’est ce que l’entreprise Vertuoso, basée à Draguignan, s’est engagée à faire dès 2020 en concevant et en fabriquant son propre « piège à déchets ».

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Un système filtrant pour piéger les déchets

Ils sont deux. Romain Garcin est chaudronnier-soudeur et Benjamin Blanchard est ingénieur. Il y a quelques années, ils ont découvert l’ampleur de la pollution plastique dans les océans. Suite à cela, ils se sont aperçus qu’une grande partie de cette pollution était dû à l’absence de filtration des eaux pluviales, qui transportaient les déchets directement jusqu’à la mer. Ce qui n’est pas le cas des eaux usées, qui transportent les eaux ménagères (douche, vaisselle…) et les eaux vannes (wc) dans des stations où il est possible de récupérer les déchets.

Pour y remédier, les deux entrepreneurs conçoivent donc une installation métallique, permettant à la fois de capter et filtrer les déchets. Installée sur les exutoires, celle-ci dispose d’une capacité de contenance de 20m3. La première est posée à Draguignan et intègre un système de surverse pour évider d’engendrer des inondations dans une région déjà durement touchée par le passé.

Pour enlever les déchets piégés, une sorte de camion d’aspiration permet de récupérer facilement les détritus qui sont ensuite valorisés dans divers circuits.

Le piège à déchets Vertuoso


Les déchets captés sont de plusieurs sortes, et en grande partie organiques avec beaucoup de feuilles mortes. Un sujet qui a son importance puisqu’un afflux trop important de feuilles mortes au même moment asphyxie les milieux aquatiques, la décomposition des feuilles augmentant fortement les taux d’azote et de phosphore.

Déchets trouvés dans les réseaux

Les macro-déchets représentent quant à eux 40% de la collecte opérée par le système de Vertuoso. Enfin, une partie des polluants liés à la détérioration des routes, comme le bitume et le gravier est également récupérée dans le piège.

Les déchets obstruent parfois les réseaux. On y trouve de tout : papiers, bouteilles et même caddies de supermarché.

Le piège a été vidé. Etat des lieux de la collecte


Créer un cercle vertueux avec les collectivités locales

Une fois la cage pleine, les déchets sont donc aspirés par le camion et acheminés vers un centre de valorisation. Les fondateurs se félicitent d’ailleurs des performances de cette infrastructure, qui permet de revaloriser jusqu’à 90% des déchets reçus, affirment-ils. À terme, ils aimeraient notamment valoriser leurs collectes en biométhane qui, dans l’idéal, leur permettrait d’alimenter le camion aspirant et ainsi créer un cercle vertueux.

Si le cahier des charges s’est avéré très exigeant au départ pour pouvoir s’adapter à tout cas de figure, les fondateurs de Vertuoso sont désormais prêts à collaborer avec de nombreuses collectivités afin de les aider à gérer ce problème. Ils constatent d’ailleurs que de plus en plus de municipalités s’intéressent à la question de leur propre chef.

Pour aller plus loin, il se sont désormais attelés à la conception d’un système à poser sur les avaloirs, afin de traiter le problème à la source quand les conditions ne le permettent pas à la sortie.

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