En France, le mois de mai 2022 a été le mois de mai le plus chaud jamais enregistré, avec une température moyenne de 17,8 degrés, soit +2,7°C d’anomalie et une augmentation de +0,9°C vis-à-vis du précédent record de mai 2011. Dans la foulée, la grande majorité des organismes météorologiques prévoient un été dans la continuité de ces conditions anormales de chaleur et de sécheresse.

Un tel scénario serait pénalisant pour les agriculteurs, augmenterait le risque de feux de forêts mais également le risque de fortes chaleurs dans les villes, et donc la création d’îlots de chaleur, qui correspondent à un phénomène d’élévation des températures en milieu urbain par rapport aux zones rurales voisines.

Ces espaces peuvent se situer à proximité d’une surface goudronnée qui absorbe la chaleur, comme un parking de supermarché par exemple. La nuit, les matériaux de construction et le revêtement des sols renvoient dans l’air la chaleur emmagasinée toute la journée, et empêchent la ville de se rafraîchir malgré des températures nocturnes généralement plus clémentes. 

Ces phénomènes augmentent la température en ville, parfois jusqu’à 10 degrés de plus qu’en zone rurale, et sont considérés comme nocifs pour la biodiversité, pour le bien-être des citadins ainsi que pour la qualité de l’air.

Parking


Les îlots urbains, un problème plurifactoriel 

Les îlots de chaleur sont souvent une conséquence de la densification urbaine, de l’imperméabilisation des sols ou encore de l’architecture. Mais la diminution des espaces verts en ville y est aussi pour beaucoup. D’autant qu’en France, l’espace urbain progresse de 19% tous les 10 ans.

Les villes doivent donc trouver des solutions pour y remédier, d’autant plus que le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques (UNDRR) estime que leur occurrence a déjà doublé au cours des deux dernières décennies.Plusieurs solutions existent pour lutter contre les îlots de chaleur et tenter d’endiguer la pollution de l’air qui en résulte. Parmi ces solutions, les mesures visant à ramener la biodiversité dans la ville et à la revégétaliser sont celles qui ont le plus fait leurs preuves jusqu’à maintenant.

La création de parcs, de jardins, de toits végétalisés, ou encore l’implantation d’arbres dans les rues représente ainsi la solution la plus efficace, dans la mesure où les espaces verts jouent un rôle de climatiseur naturel, en apportant de l’ombre et en rafraîchissant l’atmosphère par l’évaporation de l’eau que les végétaux puisent dans le sol.

À condition, évidemment, de ne pas végétaliser n’importe comment et avec n’importe quels végétaux.

Végétation dans la ville


Des processus de végétalisation qui doivent être accompagnés 

Selon un rapport de l’ADEME sur la nature en ville, l’implantation de nouveaux espaces verts doit ainsi prendre en compte la présence de l’eau, et les végétaux doivent être choisis de manière à favoriser le phénomène d’évapotranspiration du sol et l’humidification de l’air. C’est pourquoi le Cerema a lancé l’outil « Sésame » (Services EcoSystémiques rendus par les Arbres, Modulés selon l’Essence), qui répertorie 85 espèces d’arbres et d’arbustes, leurs contraintes respectives, ainsi que leur capacité à s’adapter localement au changement climatique.

Outre ces pratiques, d’autres aménagements et expérimentations pour tenter de réduire la chaleur émise par les îlots ont pu être mis en place dans certaines collectivités. C’est le cas par exemple de Toulouse, où des pavés rafraîchissants ont été installés sur une place peu ombragée. Ces pavés permettent l’évapotranspiration de l’eau pluviale stockée dans une cuve. Lors des épisodes de fortes chaleurs, l’évapotranspiration permise par les pavés améliore le confort thermique de 3 à 5 degrés. 

Ce processus rappelle celui mis au point par l’entreprise Urban Canopée, qui développe des canopées végétales avec des structures faites en fibres de verre, dans un pot connecté contenant un substrat spécifique et une réserve d’eau. Des capteurs permettent une irrigation automatisée, et le dispositif entraîne une réduction des îlots de chaleur grâce à l’évacuation de l’eau de pluie par évapotranspiration. Un système intéressant pour des zones urbaines où il n’est pas possible de creuser pour planter des arbres.

D’autres startups ont aussi développé des outils de lutte contre les îlots de chaleur, comme Vertuo avec son « bocage urbain« . Avec cet outil, l’entreprise vise à favoriser l’infiltration des eaux dans le sol pour limiter le ruissellement pluvial. Ce bocage urbain prend la forme d’un cube enterré, qui recueille les eaux de pluies provenant des trottoirs et des gouttières d’immeubles dans un bassin de rétention.

Par la suite, les eaux contenues dans le bassin viennent irriguer la végétation contenue dans le bac, permettant d’assurer la capacité d’évapotranspiration des plantes, même en période de fortes chaleur, et in fine de réduire l’impact des îlots de chaleur. 

Projet de Urban Canopée
Le projet de l’entreprise Urban Canopee pour réduire la chaleur en ville

La modélisation, un outil pour accompagner les politiques d’aménagement 

Pour aider les collectivités à faire face aux enjeux de chaleur urbaine, l’entreprise E6 Consulting a créé le « Score ICU », qui classe les zones qui seront les plus chaudes en période de canicule. Pour ce faire, l’outil prend en considération des facteurs tels que la circulation des vents, l’exposition, la couleur des façades et des toits, ou encore la proximité de l’eau et de la végétation. L’outil permet aux collectivités de situer les problématiques de chaleur urbaine afin de pouvoir réduire leurs impacts.

Cet outil permet ainsi d’évaluer les projets d’aménagement, pour déterminer si ces derniers sont en mesure d’améliorer ou dégrader le phénomène d’îlot de chaleur. Un autre outil intéressant pour accompagner les villes dans cette logique, c’est un outil développé par la startup Kermap qui permet de quantifier et modéliser les arbres dans chaque ville de France afin de visualiser facilement les zones arborées et celles qui, justement, manquent cruellement d’arbres.

Le recours à la modélisation est également une solution envisagée pour aider les collectivités dans cette tâche. C’est que propose le projet PÆNDORA (pour Planification, Adaptation, Énergie : Données Territoriales et Accompagnement), qui a pour ambition de faciliter la prise de décisions publiques et de cibler les îlots urbains, afin d’orienter les projets d’aménagement vers le confort thermique et la végétalisation. 


Remettre l’eau au coeur des villes

Une autre solution pour lutter contre ces îlots de chaleur consiste aussi à remettre de l’eau au coeur des villes, notamment via la réouverture de certains cours d’eau canalisés, à l’image des projets de réouverture de la Bièvre en région Parisienne ou de l’Yzeron à Lyon. D’autres solutions qui permettent de rafraîchir les villes grâce à l’eau existent également et font leur preuve (mise en place de fontaines et miroirs d’eau).

Une autre solution intéressante pour lutter contre ce phénomène concerne plutôt l’habitat, et en particulier les toitures : elle consiste à peindre les toits avec une peinture réfléchissante, généralement blanche, pour faire baisser la température des bâtiments. C’est ce que propose par exemple la startup nantaise Enercool. Ce processus permet non seulement de réduire la température à l’intérieur des bâtiments en cas de fortes chaleurs, mais également d’éviter le recours à la climatisation. Cette technique du cool roofing a l’avantage de pouvoir être adaptée aux besoins des collectivités, des entreprises, ainsi que des particuliers.

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