La végétalisation des villes est une tendance forte depuis quelques années et répond à plusieurs impératifs, dont celui de renforcer la résilience des villes face aux aléas climatiques : fortes chaleurs et inondations. C’est aussi un moyen d’améliorer la qualité de l’air, d’y faire revenir de la biodiversité, mais aussi de la rendre simplement plus agréable à vivre .



Les Horizons : Hugo Meunier, on parle beaucoup de végétalisation des villes ces derniers temps. Concrètement, comment est-ce que cela se traduit ?

Hugo Meunier : Déjà, il faut avoir conscience que chaque territoire va avoir ses spécificités. Par exemple, nous travaillons à Marseille depuis quelques années pour participer à la revégétalisation de la ville. Là-bas, c’est un sujet super important car il a été un peu oublié ces dernières années. Il y a donc un fort besoin de ramener de la nature en ville : créer des parcs, des îlots de fraîcheur, ramener de la biodiversité ; mais aussi participer à créer du mieux-vivre grâce à la végétalisation des rues et des quartiers.

Nous sommes aussi présents à Bordeaux, où le territoire implique une autre approche qui concerne davantage les grandes places de la ville. Ce sont des surfaces très minérales qui produisent des îlots de chaleur et sur lesquelles on peut intervenir en amenant par exemple des bacs de végétation en surface, où même agir avec l’eau. Un enjeu pour les villes, c’est aussi de penser à l’eau. On parle souvent de végétalisation, mais on peut également recréer des îlots de fraîcheur en réhabilitant certains cours d’eau.

Ce qui est important, c’est de s’appuyer sur des spécificités et une filière locale, par exemple de faire appel à des pépiniéristes de la région où des régions proches. C’est un point important, notamment dans le choix des essences, pour choisir celles qui sont le plus résilientes au climat local.

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Au sein d’un territoire, existe t’il des zones où des endroits où il est prioritaire de ramener de la végétation ?

En général, il faut regarder les zones qui ont un déficit en espaces verts parce qu’il n’y a pas de parcs ou peu de végétation : les places, les cours d’écoles. Il y a quelques années, l’APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme) avait réalisé un diagnostic des surfaces disponibles pour végétaliser Paris : des cours de copropriétés, des toits, des rues avec des espaces disponibles, etc. Sinon, pour celles qui en ont les moyens, les collectivités vont s’appuyer sur le travail que font les bureaux d’études ou les agences spécialisées pour les aider à définir ces zones.

Chez Merci Raymond, un de nos premiers niveaux d’intervention auprès des collectivités, c’est l’étape de la préfiguration des projets ou des quartiers, dans lesquels on peut déjà penser certains espaces. D’une manière générale, on s’aperçoit que le travail de paysagiste, d’agriculteur urbain ou d’urbaniste jardinier s’intègre de plus en plus en amont, dès la phase de conception, avec les urbanistes et les architectes, pour réfléchir aux directives paysagères d’un site. Le paysagiste devient de plus en plus un concepteur urbaniste.

Le paysagiste devient de plus en plus un concepteur urbaniste


Au-delà de la création de parcs, de jardins ou de simplement planter des arbres, quelles tendances observez-vous en matière de végétalisation ?

Une tendance intéressante concerne les grandes surfaces vertes dans les villes : les grands jardins ou les parcs, par exemple. Ce sont des espaces très coûteux en paysage et en entretien auxquels nous pouvons donner une nouvelle orientation grâce à l’agriculture urbaine en y installant un maraîcher ou une petite exploitation agricole. C’est un exemple qu’on a chez Merci Raymond à Châtenay-Malabry sur un terrain qui fait 1 hectare.

Un autre exemple de ce qu’on propose récemment, c’est le concept de fermes urbaines mobiles, qui sont en fait des espaces potagers qu’on peut déplacer en fonction de l’avancée de travaux. Comme il se passe généralement plusieurs années entre le moment où une construction sort de terre par rapport au moment où le permis de construire à été délivré, cela permet déjà d’occuper l’espace où les sols.


Quels sont les principaux enjeux autour de la végétalisation des villes ?

Il y a de gros enjeux sur les moyens alloués à la création, la gestion ou l’entretien des espaces verts, car c’est une activité onéreuse pour une collectivité. Une tendance de fond, c’est que les collectivités poussent de plus en plus à la création de jardins partagés pour motiver les habitants à exploiter certaines parcelles. Une autre tendance, à l’image de ce qui a été proposé dans le PLU bioclimatique de la ville de Paris, c’est la contribution des acteurs de l’immobilier à la création de ces espaces verts.

Le végétal, pendant longtemps, n’a été considéré que comme quelque chose d’esthétique. Aujourd’hui l’espace vert est davantage vu comme un lieu de vie qui bénéficie à toute la collectivité. Et on va demander à ce que les acteurs du fonciers participent.

Il y a aussi un gros enjeu de formation dans les services techniques paysagers pour revaloriser le métier de jardinier d’entretien ou jardinier concepteur autour de pratiques qui ont évolué. Le paysage comestible, par exemple, c’est-à-dire le fait d’intégrer des espaces potagers en milieu urbain dans l’espace public, c’est quelque chose de très récent. Idem pour les pratiques écologiques : la gestion de l’eau et de l’arrosage, le fait d’utiliser des essences locales et résilientes au climat local. Il faut un accompagnement là-dessus.

Je pense que le métier de paysagiste sera un métier très valorisé à l’avenir

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Est-ce qu’on manque de personnel aujourd’hui dans les métiers du paysage ?

Si je prends l’exemple du métier de paysagiste, il y a plus de demandes que de paysagistes sur le marché à l’heure actuelle. Chez Merci Raymond, on est en pénurie de talents, à la fois sur la conception des espaces, mais aussi après sur l’installation et l’entretien. Mais je pense que cela va bientôt changer, et c’est quelque chose qu’on avait en tête quand on a créé l’entreprise. On faisait souvent le parallèle avec le métier de cuisinier, qui est un métier manuel très valorisé. Et je pense que paysagiste sera un métier très valorisé à l’avenir.

La végétalisation des espaces urbains nécessite énormément de compétences différentes. Ce n’est pas uniquement le fait d’avoir une très bonne connaissance des végétaux, mais aussi une compréhension de plusieurs enjeux sociaux, économiques ou politiques.


Quels sont les projets pour Merci Raymond cette année ?

Nous avons plusieurs gros enjeux cette année. Nous allons ouvrir un bureau à Marseille où l’on souhaite recruter 4 personnes d’ici la fin de l’année et nous avons aussi ce projet de ferme urbaine à Châtenay-Malabry qui est important. Nous allons également inaugurer de nouveaux locaux à Paris dans le 11ème arrondissement où l’on va ouvrir une sorte de pépinière pour valoriser des entreprises engagées. On a très hâte de le faire découvrir.

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