En France, la superficie des espaces agricoles a décliné de 6,9 % entre 1981 et 2012, passant de 30,2 à 28,2 millions d’hectares, en raison de l’étalement urbain et d’une certaine passion française pour les maisons individuelles avec jardin. Ce sont ainsi 61% des logements construits entre 2000 et 2007 qui étaient des maisons individuelles, contre 50% à la fin des années 1990. En suivant ce rythme, on artificialise chaque année l’équivalent de 105 000 terrains de football. Ce qui n’est évidemment pas soutenable sur le long-terme.
La loi Climat et Résilience fait figurer l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à horizon 2050. Apparu pour la première fois en 2018 dans le Plan Biodiversité, cet objectif implique ainsi de ne pas artificialiser davantage de terres que celles qui sont rendues à la nature. La base de cette politique consiste donc à renaturer des espaces artificialisés laissés à l’abandon et donc de réhabiliter les friches.
Les friches, ce sont des terrains anciennement exploités, notamment par des activités industrielles, commerciales ou agricoles, qui sont abandonnés puis colonisés par la suite par une végétation spontanée. L’Ademe estime à 150 000 hectares, la surface des territoires en friche dans l’hexagone. Un véritable potentiel pour permettre un développement de notre urbanisme sans rogner sur de nouvelles terres agricoles.
Toutefois, cette remise en état des friches est un processus complexe et coûteux pour les collectivités et les aménageurs qui souhaitent les mettre en place. Ces opérations nécessitent le plus souvent des travaux de déconstruction, de désamiantage et de dépollution. Entre 2010 et 2016 l’Ademe, par exemple, a aidé à financer 95 opérations de réhabilitation de friches. En tout, elle a apporté 38,5 millions d’euros d’aides pour 217 millions d’euros de travaux de dépollution.
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Un outil d’aide à la décision pour les collectivités et les aménageurs
L’ADEME a également mené en 2021 une expérimentation baptisée « objectif ZAN » afin d’accompagner les réflexions liées aux projets d’aménagement des territoires. L’outil Bénéfriches a ainsi été développé à cette occasion avec le soutien du bureau d’études Arcadis et d’Efficacity. Bénéfriches s’adresse aux collectivités et aux aménageurs et constitue un outil d’aide à la décision afin de permettre l’évaluation des coûts et des bénéfices socio-économiques et environnementaux liés à la reconversion des friches, comparée à l’inaction ou à l’extension urbaine.
En comparant ces différentes possibilités, Bénéfriches permet ainsi d’aider les acteurs de l’aménagement à faire des choix quant à la reconversion de leurs friches. Les différents scénarios analysés par l’outil sont la reconversion des friches en logements, la renaturation, l’implantation de parcs photovoltaïques, le développement de projets d’agriculture urbaine, la réhabilitation de bâtiments existants, ou encore l’occupation temporaire de la friche dans l’attente de sa reconversion.
Grâce à un tableau Excel permettant d’évaluer les impacts de chaque scénario sur les émissions de gaz à effet de serre, l’étalement urbain, les riverains ou encore la santé et l’emploi, Bénéfriches permet de comparer plusieurs scénarios d’aménagement dans un même endroit, afin d’en tirer des conclusions quant au bilan économique des opérations et aux bénéfices réalisables.
Des expérimentations débutées par les collectivités
Le bilan, réalisé pour une durée de 50 ans, avec un taux d’actualisation de 4,5%, permet d’analyser les effets positifs et négatifs d’un projet sur les acteurs directement et indirectement concernés. Pour le moment, l’outil Bénéfriches a été testé par quelques collectivités, qui ont pu progressivement l’enrichir de leurs expériences.
Des essais ont ainsi été menés à Sevran, à l’occasion d’un projet de reconversion de la friche industrielle Kodak en parc paysager à haute valeur écologique. Bénéfriches a permis d’estimer que cette reconversion engendrerait des bénéfices socio-économiques s’élevant à 23,6 millions d’euros. L’outil a également estimé que 90% de ces bénéfices iraient aux riverains, lesquels verraient leur qualité de vie, la valeur de leur bien immobilier ou encore la qualité de l’air de leur environnement de vie augmenter grâce à ce projet.
L’outil de l’ADEME a également été utilisé dans la ville de Lormont, près de Bordeaux, afin d’évaluer la remise en état d’une ancienne friche industrielle de 12 hectares. L’enjeu était ici de comparer la reconversion de la friche avec un projet équivalent en termes de surfaces et de fonctions, mais moins bien desservi en transports. Le bilan qui en est ressorti a permis d’aboutir à la création d’un écoquartier, qui génère plus de 20 millions d’euros de bénéfices pour les collectivités et les riverains. Ces bénéfices sont comptabilisés en termes d’amélioration du cadre de vie ou encore de coût amoindri des infrastructures.
Grâce à Bénéfriches, l’ADEME espère ainsi favoriser l’adaptation au changement climatique des espaces urbanisés, et démontrer que la réutilisation de friches peut être bien plus profitable pour les acteurs que l’étalement urbain, avec des avantages qui s’illustrent en termes socio-économiques ou environnementaux.
Le gouvernement propose un fonds pour la réhabilitation des friches
Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a déployé un fonds pour financer des opérations de recyclage des friches et la transformation de foncier déjà artificialisé. Baptisé « fonds friches », il est pour le moment doté d’une enveloppe de 300M€. Le 15 février dernier, le premier ministre Jean Castex a d’ailleurs lancé la 3e édition de l’appel à projet fonds friches. La date limite des candidatures est fixée au plus tard au 13 mai 2022 et les lauréats seront sélectionnés au plus tard le 15 juillet 2022.
Les deux premières éditions du fonds friches ont permis de mobiliser près de 650M€ pour financer 1 118 projets qui permettront de recycler environ 2 700 ha de friches, soit 5 700 000 m² de surfaces de logements, 4 100 000 m² de surfaces économiques (bureaux, commerces, industrie…) et plus de 3 900 000 m² d’équipements publics.