L’Union Européenne, en bénéficiant de la hausse des températures, pourrait voir sa surface agricole devenir plus propice aux cultures de soja. Un bénéfice qui lui permettrait, en augmentant la part de soja dans nos cultures, d’être moins dépendante des importations. C’est ce qui ressort de travaux menés par des scientifiques de l’INRAE et d’AgroParisTech publiés récemment.

Car si la surface de culture du soja a quadruplé en Europe depuis 12 ans, elle ne représentait, en 2016, que 1,7% des surfaces cultivées. En parallèle, l’UE importe donc 90% de son soja des États-Unis et du Brésil. Une vraie problématique en matière de souveraineté alimentaire mais aussi un souci environnemental majeur, notamment vis-à-vis de la déforestation. Le fait de relocaliser une partie du soja que nous consommons constitue une option à regarder de près pour les décideurs.

Et à ce sujet, en s’appuyant sur les données agronomiques actuelles, et en prenant compte des différents scénarios climatiques à venir, les scientifiques français estiment qu’il serait possible pour l’Europe de satisfaire ses besoins en soja de manière locale, à condition de multiplier la part de surfaces de soja cultivées dans l’UE.

Dans le détail, si 4% à 11% des terres cultivées en Europe étaient consacrées à la production de soja, le vieux continent pourrait atteindre une autosuffisance de 50% à 100%. Il faudrait donc augmenter les surfaces de soja de 2 à 3 pour répondre à 50% de nos besoins et par 5 à 6 pour une autosuffisance complète.

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champ soja


Des bénéfices pour réduire l’usage d’engrais azotés ?

Par ailleurs, les travaux des scientifiques affirment que l’augmentation de la surface cultivée de soja ne s’accompagnerait pas uniquement de bénéfices économiques mais pourrait également avoir des retombées environnementales positives. En effet, comme de nombreuses légumineuses, le soja possède la capacité de fixer l’azote dans le sol, ce qui permet de réduire l’usage d’engrais azotés pour fertiliser les sols.

En agriculture de conservation des sols, le fait d’utiliser des légumineuses comme le soja en cultures intermédiaires présente ainsi de nombreux avantages : réduire l’érosion des sols, limiter le recours aux herbicides et aux engrais azotés ou encore servir de puits de carbone naturel. Développer davantage ces cultures – tout comme les cultures de pois ou de lentilles – représente l’un des piliers de la transition de notre modèle agroalimentaire.

En Europe, le soja sert surtout comme apport de protéines pour l’alimentation des animaux d’élevage, et ce dans des proportions telles qu’en 2019, l’ONG WWF estimait qu’un européen consommait en moyenne 61kg de soja de manière indirecte par ce biais. Les importations de soja participent donc directement à l’empreinte carbone de la viande (En 2018, nous avons fait venir près de 2,8 millions de tonnes de soja des USA et du Brésil). Dans ce cadre, si la réduction de notre consommation de viande est essentielle pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (en particulier les émissions de méthane), la relocalisation sur le sol européen de la production de soja s’avère aussi très importante.

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Au Brésil, la culture du soja est synonyme de déforestation

De manière très visible, la culture de soja a notamment marqué le continent Américain ces dernières années, et particulièrement au Brésil via la déforestation. Afin de pouvoir répondre à une demande en constante augmentation, le pays s’est ainsi doté de près de 40 millions d’hectares de champs, dont une très grande partie a été rognée sur la forêt, les prairies et autres espaces naturels. Malgré un moratoire établi en 2006 et visant à limiter la déforestation par l’interdiction de vendre du soja provenant de terres gagnées sur la forêt, la tendance a connu un certain regain avec l’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir.

Véritable poumon de la planète, la disparition de la forêt tropicale a des impacts particulièrement délétères, à la fois à l’échelle globale et à l’échelle locale. De manière générale, il faut se rappeler que l’Amazonie est un puits de carbone majeur sur la planète. Sa destruction l’empêche progressivement de jouer son rôle et de réguler la diffusion de gaz à effets de serre dans l’atmosphère. Par ailleurs, sa disparition entraîne celle des écosystèmes qu’elle abrite et pourrait rapidement conduire à un véritable effondrement de la biodiversité.

En outre, si la forêt tropicale abrite de vastes écosystèmes, l’Amazonie est aussi un lieu de vie pour les populations autochtones qui y demeurent. Ces dernières font face à une pression de plus en plus importante sur leurs terres, qui sont accaparées par les agriculteurs. Dans ce contexte, où se mêlent enjeux climatiques, protection de la biodiversité et respect des droits humains, une alternative européenne au soja serait donc la bienvenue.

Il y a, sinon, la possibilité de remplacer le soja pour les animaux d’élevage par des alternatives qui seraient moins nocives pour la planète. C’est tout l’enjeu de la production de protéines à base d’insectes qui est l’une des grande tendances de ces dernières années. Un enjeu qui est particulièrement creusé en France par des entreprises comme Ÿnsect et InnovaFeed, qui se positionnent comme de potentiels leaders en Europe sur ce créneau. Enfin, la place de la viande dans notre alimentation doit également être repensée. D’autant que consommer moins de produits carnés permettrait aussi de « libérer » des terres agricoles pour faire pousser des légumineuses. Des chercheurs ont récemment estimés que l’équivalent de 3 milliards d’hectares de terres agricoles pourraient être concernés.

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