L’agriculture représente environ 20% des émissions de gaz à effet de serre à travers le monde (19% en France). C’est en particulier l’élevage qui est responsable de ces émissions. De tous nos aliments, ce sont ainsi le boeuf, l’agneau et le mouton qui sont les plus polluants. Pour lutter contre le réchauffement climatique, réduire notre consommation de viande s’avère donc l’un des leviers les plus efficaces et les plus faciles à mettre en oeuvre.

Au-delà de réduire les émissions de méthane, réduire notre consommation de viande permettrait aussi de libérer des terres agricoles pour d’autres usages et de réduire notre consommation d’eau. Dans l’actualité récente, la création des méga-bassines dans les Deux-Sèvres répond, par exemple, aux besoins en eau des producteurs de maïs, plante consommée à plus de 60% par les animaux d’élevage. Moins d’occupation de terre, moins de consommation d’eau et moins d’émissions de gaz à effet de serre : ne plus manger de viande pourrait donc s’affirmer comme une super-solution pour le climat.

Des signaux positifs pour la viande « végétale »

Par rapport à cela, il existe une grande appétence du marché et des investisseurs pour deux segments : la viande végétale et la viande artificielle. D’après le cabinet de conseil américain AT Kearney, ce serait environ 60% de la viande que nous consommerons en 2040 qui sera artificielle ou végétale. Côté viande végétale, cela fait déjà plusieurs années que les investisseurs soutiennent de jeunes structures prometteuses, sur un marché estimé par la banque Barclays à 10% du marché mondial de la viande d’ici 2030, soit 140 milliards de dollars.

Parmi ces entreprises, impossible de ne pas citer Impossible foods, par exemple. Leader sur ce marché, la startup a fait beaucoup parler d’elle en levant 500 millions de dollars au mois de mars 2020, en pleine pandémie de Covid-19, avant de refaire un tour de table de 200 millions de dollars quelques mois plus tard en Août 2020. « Notre mission est de remplacer complètement l’utilisation des animaux comme technologie alimentaire d’ici 2035 » expliquait Patrick Brown, son CEO en 2020 pour souligner l’ambition de sa startup. Au total, Impossible foods a levé plus de 1,5 milliards de dollars depuis sa création et a lancé de multiples partenariats, notamment avec avec Burger King ou Domino’s Pizza pour commercialiser ses produits.

Impossible foods bataille sur ce marché au côté d’une autre startup emblématique : l’américain Beyond Meat. Après des débuts réussis en 2013, très en amont sur ce sujet, l’entreprise avait défrayé la chronique en 2019 en levant 241 millions de dollars lors de son introduction en bourse où son action a gagné jusqu’à 192 %. Mais depuis, la belle histoire s’efface et laisse place à une entreprise en perte de vitesse. Son cours boursier ne cesse de s’effondrer. Depuis juillet 2021, la société a vu sa capitalisation baisser de plus de 90 % et l’entreprise a annoncé, début octobre, la suppression d’environ 200 emplois, soit 19% de ses effectifs.

Il existe pourtant des dizaines de marques qui investissent ce marché des alternatives végétales à la viande afin d’opérer une transition en douceur pour les consommateurs. En France, c’est la startup HappyVore qui fait figure de leader sur le marché. Après une année 2021 qui lui a permis notamment de s’installer en grande distribution dans des enseignes comme Carrefour et Auchan, la marque distribuée dans plus de 2 000 points de vente à l’heure actuelle devrait inaugurer en début d’année prochaine un site de production de plus de 10 000 tonnes de capacité afin de passer à l’échelle et s’imposer comme un acteur de référence sur ce créneau.

Si le marché est encore petit, il commence à se structurer, mais surtout à rentrer dans les habitudes des consommateurs. Au total, 16% des Français disent avoir déjà acheté des simili-viandes au moins une fois dans l’année, selon l’institut Kantar et plus de sept foyers français sur dix disent « connaître les offres végétales de substitution« . En 2021, les ventes de substituts végétaux ont progressé de 18% par rapport à 2020. Autre signal positif sur ce marché, les industriels (Herta, Nestlé) mais aussi les marques des distributeurs commencent à commercialiser ces produits.

fondateurs de la startup HappyVore
Les fondateurs de la startup française HappyVore


Un peu plus de scepticisme pour la viande cellulaire ?

Ce 17 novembre 2022, pour la toute première fois, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a donné le feu vert à une viande cultivée dans le cadre du processus d’examen préalable à la commercialisation de l’agence. C’est la startup américaine Upside foods qui a réussi à passer avec succès l’examen rigoureux de la FDA. Dans les mois qui viennent, l’entreprise créée en 2015 pourrait donc devenir la première à commercialiser une viande entièrement conçue en laboratoire aux États-Unis.

Ce ne serait pas une première mondiale, puisque l’entreprise Eat Just commercialise déjà son poulet in vitro à Singapour. Mais ce grand pas en avant effectué par Upside foods agite les marchés et porte un certain espoir sur le développement de ces viandes de laboratoire. « Il s’agit d’une nouvelle historique, qui est un excellent signal pour le développement de l’agriculture cellulaire, dans un contexte où la consommation de viande augmente et où nous avons absolument besoin d’un modèle alimentaire plus durable qui réponde de manière pragmatique aux défis environnementaux. «  explique Nicolas Bureau, cofondateur de l’association Agriculture Cellulaire France. 

Concrètement, la viande cellulaire est produite en laboratoire à partir d’un petit échantillon de chair prélevé sur un animal et que l’on fait croître artificiellement dans une sorte de cuve de fermentation similaire à celles utilisées pour la fabrication de la bière. Les scientifiques peuvent y reproduire le processus qui se déroule à l’intérieur d’un animal en ajoutant à l’échantillon les nutriments essentiels à sa croissance (eau, protéines, glucides, graisses, vitamines et minéraux).

On dénombre aujourd’hui une trentaine d’entreprises qui travaillent sur de la viande cultivée en laboratoire à travers le monde. En 2021, les deux leaders du secteur, Mosa meat et Aleph Farms ont levé successivement 85M$ et 105M$ pour industrialiser leurs productions. En France, on peut citer le cas de la startup Gourmey qui produit du foie gras cultivé en laboratoire. Fondée en 2019 par Nicolas Morin-Forest, Victor Sayous et Antoine Davydoff, la startup a levé 10M€ en juillet 2021 et vient de boucler une seconde levée de fonds de 48M€ annoncée ce mercredi 05 octobre.

Cependant, avant qu’un produit à base de viande cultivée puisse être vendu en Europe, il doit être approuvé par les autorités réglementaires dans le cadre d’un processus régi par le règlement sur les nouveaux aliments et aucune procédure, à date, n’a encore aboutie. En outre, il existe encore des doutes et incertitudes sur le réel intérêt environnemental du sujet, mais surtout sur son acceptation par les consommateurs.

viande végétale impossible foods
Impossible foods, un leader mondial des substituts végétaux à la viande


Une viande réellement bonne pour l’environnement ?

La plupart des études s’accordent sur le fait que la viande in vitro permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre, en particulier les émissions de méthane. En revanche, cela consomme évidemment beaucoup plus d’énergie que l’élevage, essentiellement pour la fabrication des milieux de culture et pour le chauffage des incubateurs. Le réel bénéfice environnemental de la viande cellulaire dépend donc de la source de production d’électricité qui y est associée. Par ailleurs, il existe encore peu d’études scientifiques sur le sujet afin d’éclairer les autorités sur les véritables bénéfices nutritifs de ces produits. « Outre d’importantes limites techniques, il existe en effet de nombreuses incertitudes sur les avantages nutritionnels et environnementaux de la viande in vitro. Certains auteurs font même valoir que les substituts végétaux sont beaucoup mieux maîtrisés et plus prometteurs » expliquait l’année dernière à l’INRAE le chercheur français Jean-François Hocquette, physiologiste et spécialiste des produits animaux.

Alors, faut-il croire à la viande artificielle dans un futur proche ? Pour le moment, ce marché est encore embryonnaire et malgré beaucoup de R&D, la commercialisation des produits n’est pas vraiment lancée. La question se pose également de connaître l’acceptabilité sociale de ces « fausses viandes ». Beaucoup d’études d’opinions estiment que les consommateurs sont globalement prêts à tester ce genre de produits. Cependant, une étude plus récente conduite en Allemagne a souligné l’écart entre le souhait « d’essayer le produit » et celui de le consommer régulièrement.

Une enquête de 2019 démontre cependant que les intentions d’achat de viande in vitro sont plus marquées en Chine (59%) et en Inde (56%) qu’aux USA (30%) ou en Europe. En France, l’acceptation du produit est aujourd’hui proche des 20%. Il reste donc globalement du chemin avant que ces produits ne deviennent les stars de nos rayons.

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