En 2040, 60% de la viande que nous mangerons sera artificielle ou végétale. C’est la conclusion d’une étude réalisée par le cabinet de conseil américain AT Kearney sur le futur de notre alimentation. De manière concrète, les auteurs de cette étude estiment que notre futur sera en partie composé de 3 types de viandes. D’abord, des alternatives végétales comme il s’en développe beaucoup récemment, à l’image de ce que fait en France la startup Happyvore, par exemple. Ensuite, des alternatives à base de protéines d’insectes, sujet sur lequel planchent de nombreuses startups françaises et, enfin, des viandes de synthèse fabriquées en laboratoire.

Sur ce dernier point, une entreprise française est en train de sortir du lot, au moins médiatiquement, avec un produit inédit. Baptisée Gourmey, elle travaille à mettre au point du foie gras de synthèse en cultivant en laboratoire des cellules de canard. Fondée en 2019 par Nicolas Morin-Forest, Victor Sayous et Antoine Davydoff, la startup a levé 10M€ en juillet 2021 et vient de boucler une seconde levée de fonds de 48M€ annoncée ce mercredi 05 octobre.

Réalisée auprès de Earlybird Venture Capital, Heartcore Capital, Point Nine Capital, Air Street Capital, Partech et d’autres investisseurs, elle devrait permettre à la jeune structure de recruter 120 personnes et de développer en France un centre de R&D ainsi qu’un centre de production. Des ambitions fortes sur un secteur naissant qui compte encore peu d’acteurs et très peu de débouchés commerciaux.

D’ailleurs, pour le moment, seul Singapour accepte la commercialisation de ces produits. Pourtant, les levées de fonds se succèdent pour les startups concernées par cette activité : en 2021, les deux leaders du secteur, Mosa meat et Aleph Farms ont levé successivement 85M$ et 105M$ pour industrialiser leurs productions.

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Un impact nutritionnel et environnemental controversé

En 2020, l’INRAE a ainsi dénombré environ 12 000 articles de presse sur la viande de synthèse pour seulement 300 études scientifiques. Ainsi, la communauté internationale semble encore dubitative sur le sujet. Si les limites techniques peuvent être dépassées grâce à des investissements en R&D, il existe encore de nombreuses incertitudes sur les avantages nutritionnels et environnementaux de la viande in vitro et certains auteurs estiment que les substituts végétaux sont mieux maîtrisés et plus prometteurs.

La question environnementale est pourtant au coeur de la promesse des startups comme Gourmey. « L’alimentation est le levier d’action individuelle le plus puissant sur lequel nous pouvons agir pour ralentir le changement climatique », explique ainsi Nicolas Morin-Forest, co-fondateur de la startup. Pour Jean-François Hocquette, physiologiste et spécialiste des produits animaux à l’INRAE, cet argument est d’ailleurs indissociable des avantages de la viande in-vitro, « qui permet de libérer des terres cultivables et de diminuer le nombre d’animaux d’élevage abattus ». Cependant, le chercheur français précise que « sur le plan environnemental, il est difficile d’évaluer l’impact global de ce procédé, encore expérimental, non standardisé, et pratiqué à petite échelle ».

Pour évaluer l’impact environnemental de ces procédés, des études ont été réalisées portant sur les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie. Elles mettent en avant deux points intéressants. Le premier, c’est que la culture de viande in vitro consomme plus d’énergie que l’élevage, notamment pour la fabrication des milieux de culture et pour le chauffage des incubateurs. En revanche, elle permet d’éviter les émissions de méthane liée à l’élevage des ruminants, ce qui évite des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, l’intérêt réel de la viande de synthèse pour l’environnement sera la conséquence de la décarbonation de nos sources de production d’électricité.

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Mais là encore, une question se pose : étant donné que tous les secteurs d’activité vont être décarbonés par le biais de l’électricité, en particulier le secteur des transports et les activités industrielles, faudra t’il mieux, demain, flécher notre électricité vers de la production de viande en laboratoire plutôt que de miser sur une consommation de viande réduite et des alternatives végétales ?

Une étude menée en 2015 par des chercheurs français, dont des chercheurs de l’INRAE auprès de scientifiques et d’étudiants de plusieurs pays du monde a démontré que seules 10 % des personnes interrogées se déclaraient prêtes à consommer régulièrement de la viande artificielle, préférant en grande majorité réduire leur consommation de viande.

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