Le renouvellement des populations agricoles en France est un enjeu majeur qui devrait avoir des impacts majeurs sur l’orientation que prendra notre alimentation ces prochaines années. En termes de résilience alimentaire et de transition écologique, c’est donc un sujet qui revêt une importance capitale puisque ce sont les futurs exploitants vont permettre ou non la mise en place de pratiques durables et respectueuses de la biodiversité.

Peu de gens le savent, mais 55% des agriculteurs français ont aujourd’hui plus de cinquante ans. C’est la moitié de nos agriculteurs qui partira donc à la retraite d’ici dix ans. « Alors que des départs à la retraite massifs ont commencé et vont s’intensifier dans les dix années à venir, la nécessité d’assurer le renouvellement des générations en agriculture est vitale pour les territoires ruraux et pour la société dans son ensemble, tant sur le plan économique que social et environnemental » alerte ainsi la Safer (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural).

Il faut savoir que la part des agriculteurs dans l’emploi en France est passée de 7,1% en 1982 à 1,5% en 2019. Il y avait ainsi 1,6 millions d’exploitations agricoles en France au début des années 1980 contre 389 500 aujourd’hui. Rien que sur la dernière décennie, ce sont 100.000 exploitations qui ont disparu. Et en parallèle, les agriculteurs qui partent à la retraite peinent à trouver des repreneurs car les fermes d’aujourd’hui, héritage du remembrement agricole opéré après la Seconde Guerre Mondiale, sont souvent inadaptées aux attentes des nouvelles générations.

Ainsi, pour les jeunes exploitants qui souhaitent mettre en oeuvre des projets agroécologiques, qui intègrent de nouveaux paradigmes comme la distribution en circuit court, la transformation à la ferme, des élevages plutôt ovins/caprins que bovins, le besoin en foncier est souvent bien inférieur à la taille des fermes à transmettre et le prix inadapté. Un contexte auquel Maxime Pawlak et François Moret souhaitent apporter une réponse avec la startup Eloi.

Lire aussi : NeoFarm, des fermes péri-urbaines qui mêlent agroécologie et technologie


Développer le concept de « grappes de fermes »

Eloi est une société à mission fondée en 2019 et qui œuvre pour la transmission de fermes en agroécologie à travers le concept innovant des “grappes de fermes agroécologiques”. L’idée derrière ce concept ? Permettre la reprise d’une ferme par plusieurs repreneurs dont les activités sont complémentaires. Chaque exploitant reste individuellement propriétaire de la ferme et bénéficie de parties communes mutualisées. Une transmission collective qui permettrait de faciliter la reprise des fermes et leur conversion aux pratiques agroécologiques.

Concrètement, une “grappe” rassemble ainsi des activités diversifiées : maraîchage, élevage, arboriculture où même grandes cultures. Ces activités sont sélectionnées en fonction du potentiel agronomique et économique de chaque site. L’idée est de permettre de créer des synergies entre chacune de ces activités pour créer une économie circulaire sur la ferme afin de réduire les coûts de fonctionnement. Une « reconfiguration » des fermes qui rend les exploitations adaptées et accessibles financièrement aux candidats à l’installation, notamment pour les « neo-ruraux », et leur permet d’être accompagnés dans le processus complexe d’installation.

Présente dans le Grand Ouest et en Auvergne-Rhône-Alpes, Eloi compte pour le moment 220 fermes en cours de transmission et a qualifié plus de 1 100 candidats à l’installation. Elle souhaite désormais déployer son modèle à grande échelle pour permettre la transmission de 1 000 fermes par an d’ici 5 ans.

une jolie ferme avec un bel arbre


Une levée de fonds en cours pour se déployer en France

Le modèle économique de la startup est basé sur la création d’une plateforme et d’outils permettant de faciliter la rencontre entre des cédants et des repreneurs potentiels. La jeune pousse gère également l’animation d’un réseau de coordinateurs indépendants chargés de gérer opérationnellement les transmissions. Eloi apporte à son réseau de coordinateurs des opportunités de fermes à transmettre et des candidats à l’installation en agroécologie. De leur côté, les coordinateurs gèrent les visites et l’accompagnement des repreneurs jusqu’à la transmission. Ils sont rémunérés à la commission (entre 30% à 50% des honoraires que paye le cédant à Eloi) selon les standards du marché agricole.

Pour fonctionner, Eloi agit en synergie avec un écosystème de partenaires variés comprenant les Chambres d’Agriculture, la SAFER ainsi que les Régions et les collectivités territoriales. Pour se financer, elle a effectué une première levée de fonds de 345 000€ en avril 2022 sur la plateforme LITA.co. Une opération qu’elle renouvelle en 2023 afin d’assurer son déploiement sur la France entière. La startup devrait lever cette fois-ci 2M€, dont 500 000€ via une collecte citoyenne sur LITA.co.

À lire également sur le sujet