En France, le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre est celui des transports, responsable de 31% des émissions totales. Les recherches vers des alternatives moins polluantes aux énergies fossiles se sont donc progressivement développées ces dernières années, d’autant qu’à l’urgence climatique s’ajoute la hausse constante et durable des prix de l’essence et du diesel, aggravée par la situation géopolitique et la crise ukrainienne. 

Si les véhicules électriques batterie semblent aujourd’hui la voie privilégiée par les décideurs, d’autres alternatives sont également scrutées de près, comme le recours à l’hydrogène ou au biométhane. C’est aussi le cas des biocarburants – ou agrocarburants – qui sont souvent cités dans le débat public.

Issus de de plantes habituellement cultivées à des fins alimentaires telles que la canne à sucre, la betterave, le colza ou encore le soja, les biocarburants sont utilisés dans le but de réduire notre dépendance au pétrole, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre ainsi que pour renforcer l’indépendance énergétique de la France.

La consommation de ces derniers a particulièrement augmenté ces 15 dernières années, jusqu’à s’élever à 2,9 milliards de litres de biodiesel et 1,1 milliard de litres de bioéthanol en 2020, selon une note du Réseau Action Climat. Ces chiffres sont toutefois à mettre en perspective avec la consommation totale d’essence et de gazole, qui s’élève actuellement à 47 milliards de litres. 

Mais, bien que les biocarburants bénéficient actuellement d’aides fiscales et de mandats d’incorporation, leurs bienfaits pour l’environnement peuvent toutefois être remis en doute. C’est ce que révèle notamment la note du Réseau Action Climat, intitulée « Fausses solutions : les biocarburants », qui souligne notamment que le recours à des terres agricoles pour fabriquer du carburant n’est pas compatible avec notre souveraineté alimentaire.

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Champ de colza


Les biocarburants en concurrence directe avec notre alimentation

Tout d’abord, il faut savoir que les biocarburants ne viennent pas réellement remplacer l’essence et le diesel, mais sont incorporés avec de l’essence ou du gazole moteur dans des mélanges dont les taux peuvent varier selon les pays et la réglementation. Ainsi, la directive européenne RED II fixe par exemple un objectif d’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports de 14% d’ici 2030, avec un plafond fixé à 7% pour les agrocarburants. Ils rejettent donc du CO2 et, sur leur cycle de vie entier – ils sont parfois plus polluants que l’essence ou le diesel.

Ensuite, cette production de biocarburants vient s’ajouter à notre production alimentaire, ce qui entraîne un besoin accru en surfaces agricoles, déjà largement rognées par l’étalement urbain. C’est d’ailleurs ce qui a entrainé la mise en oeuvre d’une politique de Zéro Artificialisation Nette en France.

Or, selon la note du Réseau Action Climat, près de 90% des biocarburants incorporés sont directement issus de cultures alimentaires qui représentent une surface d’environ 800 000 hectares en France. Augmenter la part des biocarburants dans notre politique énergétique reviendrait donc à mettre la production de carburant en concurrence directe avec la production alimentaire, à moins d’aller chercher de nouvelles terres agricoles : c’est-à-dire déforester ou dégrader des prairies naturelles.

En outre, la production de biocarburants peut-elle exister dans un modèle agricole durable qui ne serait pas basé sur le recours intensif à des intrants de synthèse ? La question se pose car les cultures utilisées pour les biodiesels ou bioéthanols sont le colza, la pomme de terre ou encore les betteraves : des cultures parmi celles qui reçoivent le plus de traitements phytosanitaires, et notamment la betterave qui est, par exemple, la seule à avoir obtenu une dérogation à l’interdiction de l’utilisation des néonicotinoïdes.

 

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Champs de betterave


Les biocarburants n’ont de bio que le nom

Une étude intitulée « Globiom: the basis for biofuel policy post-2020 » montre d’ailleurs qu’en prenant en compte le cycle de vie entier des biocarburants, à commencer par leur production, on constate que tous les biodiesels ont un bilan carbone souvent plus néfaste que les carburants fossiles et qu’aucun bioéthanol ne répond aux seuils de durabilité imposés par la directive européenne RED II, qui fixait un seuil d’au moins 50% de réduction par rapport aux carburants fossiles. 

Pour ces raisons, les biocarburants n’ont réellement de bio que le nom et il y a fort à parier que cette solution ne fera pas partie de l’avenir des mobilités, même si l’idée de départ était séduisante. De fait, pour une décarbonation efficace du secteur des transports, il n’existe aujourd’hui que deux leviers à activer rapidement.

Le premier consiste à développer plus massivement l’usage des mobilités douces (vélo et edpm), des transports en commun et du covoiturage, sur tous les trajets du quotidien où cela est possible. D’après l’INSEE, par exemple, la voiture représente encore 60 % des déplacements domicile-travail qui font moins de 5 kilomètres de distance (soit 15 minutes en vélo).

Le second levier consiste à se pencher sur les autres manières de décarboner le parc automobile. À petite échelle, et de manière locale, le bioGNV représente une possibilité, notamment pour les machines agricoles. L’hydrogène, quand la technologie sera mûre et réellement bas-carbone, pourrait aussi changer la donne. En attendant, c’est bien accélérer l’électrification du parc automobile qui semble aujourd’hui la priorité, à condition de réfléchir dès maintenant aux problématiques de retrofit, de reconditionnement et de recyclage des batteries car, de ce que nous savons, des matières comme le lithium ne sont pas infinies dans un monde fini.

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