La Convention citoyenne pour le climat avait proposé, en 2020, 150 mesures pour agir en faveur du climat. L’une d’entre elles visait notamment à ramener la limitation de vitesse sur autoroute de 130 km/h à 110 km/h. Une mesure évidemment écartée très vite par le gouvernement d’Emmanuel Macron lors de l’élaboration de la loi Climat et Résilience, qui redoutait peut-être que cela engendre un effet « gilets jaunes ».

Pourtant, la mesure était intéressante au-delà du climat, puisqu’elle permet aussi aux automobilistes d’économiser de l’argent. D’ailleurs, début 2022, dans un contexte géopolitique de guerre en Ukraine et de tension sur le carburant, cette mesure à été remise en avant par l’AIE (Agence Internationale de l’Énergie) dans une publication qui montre comment réduire notre consommation de pétrole.

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Une mesure qui favorise le pouvoir d’achat ?

Réduire la vitesse sur la route pour permettre des économies de carburant en période de crise n’est pas un fait inédit, puisque les limitations de vitesse telles qu’on les connaît (90km/h, 110km/h et 130km/h) ont été instaurées en 1973, suite au premier choc pétrolier. La mesure a donc prouvé son efficacité en matière de consommation de carburant.

D’après des travaux réalisés par le Cerema, réduire la vitesse sur autoroute de 130 km/h à 110 km/h permet une réduction de la consommation de carburant de 16% par kilomètre parcouru. Au-delà de moins polluer, la mesure permet donc aux automobilistes, à trajet égal, de payer moins d’essence.

La réduction de la vitesse permet donc de favoriser le pouvoir d’achat tout en réduisant la consommation de carburant. Par ailleurs, cette réduction ne changerait pas énormément le quotidien des automobilistes étant donné que, malgré une limitation à 130km/h, la vitesse moyenne pratiquée sur l’autoroute en France aujourd’hui est de 118 km/h.

Autoroute


Davantage de sobriété et un report modal vers le train ?

D’après le chercheur en mobilités Aurélien Bigo, qui a consacré une thèse au sujet des transports et de la transition énergétique, cette mesure favoriserait aussi le report modal vers les transports en commun et le train, soulignant que plus nous pouvons aller vite et plus nous souhaitons aller loin et que « si on ralentit les mobilités, cela fournit une incitation à limiter les distances parcourues ». À vitesse égale, le confort du train ou de l’autocar pourrait donc l’emporter sur des trajets en voiture.

Ramener la vitesse à 110 km/h aurait également, toujours d’après les travaux d’Aurélien Bigo, pour effet d’inciter à une plus grande sobriété dans la conception des véhicules. « La vitesse demande des puissances plus importantes des moteurs, entraînant le poids de ces moteurs à la hausse. Aussi les vitesses plus élevées nécessitent des protections et des équipements de sécurité plus importants » précise le chercheur sur le site Bon Pote.

Ce qui explique en grande partie l’essor considérable des monospaces puis des SUV sur ces 20 dernières années. Réduire la vitesse permettrait, indirectement, de réduire à la fois volumes et poids des voitures, et donc de limiter leur consommation énergétique.

Des analyses montrent également que la réduction de la vitesse sera bénéfique en cas de transition de notre parc automobile vers le tout-électrique puisqu’un passage de 130km/h à 110 km/h baisserait la consommation d’énergie, en moyenne, de 24% pour les voitures électriques. Cette baisse permettrait aux voitures électriques de voir leur autonomie augmenter, avec un plus grand nombre de kilomètres parcourus sans recharge, des arrêts moindres et donc une durée de trajet pas forcément plus élevée. 

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Voitures sur l'autoroute


Des mesures similaires déjà appliquées en Europe

À l’étranger, de nombreux pays européens ont déjà fait le choix de baisser leurs limitations de vitesse. C’est le cas par exemple de la Belgique, de l’Espagne ou encore du Portugal, qui ont porté leurs limitations à 120 km/h, ou encore du Royaume Uni, avec une vitesse maximale s’élevant désormais à 110 km/h. Les Pays-Bas proposent également une réduction de la vitesse de 130km/h à 100 km/h entre 6h du matin et 19h. Le sujet n’a donc rien de loufoque ni d’impossible et mettre en place cette mesure en France permettrait, en outre, de pousser à une harmonisation des législations au niveau européen.

Elle devrait être d’autant plus acceptable que les trajets longue-distance sont finalement assez exceptionnels : ils ne concernerait que 1,6% des trajets effectués en voiture par les français. La part la plus importante de nos trajets étant les trajets domicile-travail qui sont effectués quotidiennement, sur de plus courtes distances.

À ce sujet, l’INSEE précise par exemple que, pour des distances inférieures à 5 kilomètres, la voiture représente encore 60 % des déplacements domicile-travail, ce qui représente aussi un axe de travail très important pour décarboner les transports en incitant davantage à l’usage des mobilités douces (un trajet de 5km, c’est environ 15 minutes de vélo), aux transports en commun ou encore au covoiturage.

D’ailleurs, dans les métropoles françaises, la tendance est actuellement à la réduction de la vitesse de 50km/h à 30km/h en agglomération. Un sujet qui n’est pas aussi décrié que l’abaissement de la vitesse sur l’autoroute.

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