Petite révolution aux alentours de Marseille : depuis cette année, les calanques de Pierres Tombées et de Sugiton ne seront accessibles au public que sur réservation. Une décision prise par le parc national des Calanques afin de limiter la fréquentation de ces sites à 400 personnes par jour afin de limiter l’érosion et préserver ces écosystèmes. Une mesure que l’on retrouve de plus en plus. Elle existe par exemple en Thaïlande et au Viet-Nâm pour préserver certaines plages, ou encore sur le Machu Picchu.
Une preuve supplémentaire que le secteur du tourisme n’est pas épargné par les sujets liés au climat et à la préservation de l’environnement. En même temps, l’enjeu est de taille, considérant la très forte croissance qu’a connu l’industrie du tourisme ces dernières années, jusqu’à atteindre près d’1,5 milliard de déplacements internationaux en 2019. Le site du Machu Picchu, au Pérou, est emblématique de cet essor : 77 000 visiteurs en 1991 contre 1,5 millions de touristes en 2019.
Si la pandémie de Covid-19, avec ce qu’elle a entraîné de fermetures de frontières et de mise à l’arrêt des aéroports a quelque peu freiné la tendance, les effets délétères du tourisme de masse sur l’environnement demeurent très présents. Un sujet sur lequel se positionne notamment l’entreprise Murmuration, qui effectue un travail de collecte et traitement de données afin d’étudier la vulnérabilité des sites touristiques et d’accompagner les acteurs du tourisme et les territoires sur de nouvelles pratiques.
Rendre visible les impacts environnementaux des flux touristiques
Après plusieurs années passées à travailler dans le domaine du spatial, Cathy Sahuc et Tarek Habib ont souhaité mettre leur savoir-faire au service d’un tourisme plus responsable. À leurs débuts, les manifestations néfastes du tourisme se multiplient : fermeture de plages en Thaïlande, amoncellement de déchets sur l’Everest… Les deux fondateurs de Murmuration développent alors une plateforme permettant d’évaluer la qualité environnementale d’un milieu et de la corréler aux flux touristiques locaux.
S’appuyant sur les données fournies par le programme Copernicus (le programme européen d’observations spatiales de la Terre), une série d’indicateurs est ainsi rendue accessible aux acteurs institutionnels afin d’observer l’état de dégradation d’une zone : qualité de l’air, émissions de carbone, qualité de l’eau (température, polluants…), érosion côtière, artificialisation des sols, ou encore santé de la végétation sont ainsi mesurées.
Visibles sur un tableau de bord, ces éléments sont ensuite mis en relation avec les comportements touristiques relevés (flux, nombre de nuitées, lieux visités…), pour mieux évaluer le lien entre les activités humaines et la dégradation de l’environnement. Un support de visualisation qui s’inscrit comme une première étape avant la construction et la mise en place de mesures pour sauvegarder les espaces.
Grâce à cette même plateforme, il est ensuite possible d’évaluer l’impact et la pertinence des dispositions prises par les institutions. Pour Cathy Sahuc, il s’agit de donner accès à des outils permettant de comprendre les forces à l’œuvre et de « mieux gérer les flux en prenant compte de la dimension environnementale ».
Changer les critères de choix et modifier les habitudes de voyage
Parce que le secteur touristique concerne aussi les professionnels et les touristes eux-mêmes, Murmuration met à disposition, sur le site internet Flockeo, une mappemonde faisant état des zones touristiques sous pressions. Le but est de sensibiliser le grand public à ces sujets et « d’incorporer un critère différent dans le choix de sa destination » explique Cathy Sahuc. Par ailleurs, il est possible pour les acteurs privés qui le souhaitent (agences de voyage, hébergements etc.) d’être référencés comme étant engagés dans une démarche durable, afin de faciliter la création d’un mouvement global de tourisme responsable.
Enfin, il était crucial pour les fondateurs de Murmuration de proposer des solutions complémentaires à leurs clients. Une plateforme de crowdfunding, Flockeofunding, propose de financer des projets écologiques. L’entreprise contribue ainsi à des projets de réductions des émissions de gaz à effet de serre, et plus particulièrement de rénovation énergétique, pour « s’assurer que l’impact est pérenne » précise Cathy Sahuc.
L’entreprise, qui travaille aussi bien avec le Ministère du tourisme de Malte qu’avec de plus petites collectivités en France, souhaite par-là accompagner la prise de décisions en faveur de la protection environnementale et interroger nos comportements.