Greenmetrics est une startup française qui a développé une solution pour mesurer et piloter les impacts environnementaux du numérique en milieu professionnel. Fondée par Nicholas Mouret, elle vient d’annoncer une levée de fonds de 1,8M€ réalisée auprès des fondateurs de Datawords et PCS Wireless.

Nicholas Mouret n’en est pas à sa première expérience en matière d’entrepreneuriat dans le domaine de l’environnement. Auparavant, il a créé une entreprise spécialisée dans la collecte et le traitement des déchets en entreprise. « C’est dans ce cadre là que je me souviens avoir pour la première fois abordé le sujet de la pollution numérique avec certains de mes clients » précise l’entrepreneur. « Quand je travaillais dans le recyclage, ça nous arrivait de débarrasser des entreprises d’ordinateurs et d’écrans qui étaient tous fonctionnels. Mais l’entreprise changeait tous les deux ou trois ans son parc informatique, pour des raisons de politique interne. En 2020 j’ai revendu ma société à Paprec, et j’ai commencé à réfléchir à une solution qui permettrait de mesurer et de réduire la pollution numérique ».

Concrètement, Greenmetrics propose donc une solution SaaS qui est un outil de mesure et de pilotage automatisé des impacts environnementaux du numérique. « Nous mesurons les usages de l’entreprise, ce qui représente environ 25% de sa pollution numérique, les 75% restants étant liés au cycle de vie des équipements » explique le fondateur. Car en effet, l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre d’un équipement numérique provient de sa fabrication, d’où l’importance de prioriser la réparabilité et le reconditionnement au réachat systématique d’appareils neufs.

Ces mesures, l’entreprise les restitue ensuite à ses clients sous la forme d’un dashboard qui permet de visualiser facilement ses impacts en matière de CO2eq ou en matière de consommation d’électricité. Sur la base de ces informations, Greenmetrics peut ensuite faire des recommandations qui vont guider les entreprises et les aider à réduire leurs impacts négatifs ou améliorer leurs impacts positifs. « Ce que nous faisons, c’est de recommander des actions à nos clients. Par exemple, nous allons leur proposer de passer sur du matériel reconditionné, ou sur du matériel en location. Mais nous ne citons pas de prestataires pour cela. Charge à l’entreprise de trouver elle-même les bons relais » explique Nicholas Mouret.

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Vers un « Google Analytics » de l’empreinte carbone ?

L’entreprise se positionne ainsi comme un acteur français du GreenIT sur lequel il faudra compter. D’autant qu’elle traite des bonnes questions – réemploi, réparabilité, leasing – qui sont aujourd’hui les principaux leviers à développer pour permettre aux entreprises d’adopter de bonnes pratiques en matière de numérique responsable.

Le modèle économique de Greenmectrics repose sur un abonnement à sa solution SaaS qui varie en fonction du nombre de collaborateurs de l’entreprise. Forte de plusieurs dizaines de clients pilotes, elle vise une centaine de clients d’ici le premier trimestre 2022. Pour cela, elle cible en priorité les entreprises du numérique. « Elles sont les premières concernées puisque cela va représenter environ 60% de leur bilan carbone » ajoute l’entrepreneur avant d’esquisser sa vision à plus long-terme. « Nous intégrerons probablement d’autres verticales que la pollution numérique, par exemple la mobilité et l’énergie des bâtiments, afin de devenir une sorte de Google Analytics de l’empreinte carbone des entreprises »

Pour le moment, l’entreprise, qui compte une dizaine de salariés, vient de lever 1,8M€ afin de staffer ses équipes techniques et de développer d’autres fonctionnalités permettant de mesurer et piloter les impacts environnementaux de l’activité d’un site Internet. La startup collabore également avec l’Afnor pour la mise en place d’une norme sur le numérique responsable, qui doit aboutir à une norme internationale ISO dans les prochains mois.

75% des émissions de GES du secteur numérique en France sont liées aux équipements, et 80% de cet impact carbone est lié à leur fabrication.


Les solutions pour un numérique responsable existent

Le Numérique responsable est une tendance qui résonne de plus en plus en entreprise. Début janvier 2021, le sénat a adopté la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, actuellement en 1ère lecture à l’Assemblée Nationale. Une loi qui promet, par exemple, de rendre le délit d’obsolescence programmée plus facile à démontrer et d’y intégrer l’obsolescence des logiciels. Une loi qui devrait également corriger quelques défauts : étendre la durée de garantie légale des équipements numériques à cinq ans, contre deux ans aujourd’hui ; interdire les forfaits mobiles avec un accès illimité en données ; interdire le lancement automatique des vidéos sur un site web ou encore conditionner le diplôme des ingénieurs en informatique à l’obtention d’une attestation de compétences acquises en éco-conception logicielle.

L’éco-conception des services numériques et notamment des sites Internet est en effet un sujet intéressant à traiter. Les experts estiment ainsi que le poids des pages web a été multiplié par six entre 2008 et 2015, alors que 70% des fonctionnalités qu’elles comportent ne sont jamais ou très rarement utilisées. Cependant, des avancées majeures restent encore à fournir sur la partie matérielle. Frédéric Bordage, expert du Green IT, nous rappelait récemment certaines voies possibles, par exemple concernant les box Internet. « Dans une tour de la Défense, on peut proposer une seule box Internet pour 200 salariés, ça marche très bien depuis 20 ans. Pourquoi alors, dans un immeuble, avoir besoin d’une box par appartement ? »

Mutualisation, réemploi, leasing, réparation : des notions encore trop peu utilisées en entreprise ou au sein des collectivités ? Au-delà de ce que propose désormais Greenmetrics, un large panel de solutions sont pourtant proposées aujourd’hui. Récemment, des acteurs comme Commown et Fairphone se sont par exemple réunis autour du collectif Fairtec, dont l’ambition est de favoriser l’adoption de ces pratiques. La France regorge également d’acteurs pour le reconditionnement des appareils numériques : Back Market, Zack, Recommerce ou encore CertiDeal. Bref, les solutions émergent. Aux entreprises et collectivités, désormais, de s’en emparer.

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