En matière d’économie circulaire, l’année 2019 a été celle où le mot consigne fut probablement le plus souvent prononcé. En Allemagne ou au Danemark, la consigne permet effectivement de collecter presque tous les emballages de bouteilles en plastique. C’est l’une des raisons pour laquelle le gouvernement a souhaité mettre en place ce mécanisme en France. Mais, à l’inverse, la Belgique collecte presque 80% de ces emballages sans passer par la consigne, et ce contre-exemple n’est pas souvent mis en avant.
Le fait est qu’il n’y a pas de solution miracle sur la question de la gestion des déchets. Tout dépend, en priorité, d’un engagement citoyen sur la question. Mais aussi de la manière dont la collecte et le traitement des déchets est organisé, voire d’une possible complémentarité entre les deux systèmes. Alors que la loi antigaspillage pour une économie circulaire repousse à 2023 la décision sur ce sujet, retour sur les enjeux et problématiques de ce système… avec en fond, une notion que nous devons rappeler : la priorité est à la fin de l’utilisation du plastique, et non à son recyclage.
La consigne, un débat avant tout politique
Mesure emblématique – car présentée comme populaire par le gouvernement – le projet de réintroduire la consigne pour les bouteilles en verre et en plastique a longtemps été au coeur des débats durant l’année 2019. En raison notamment de l’opposition des maires de France et des professionnels du recyclage vis à vis de cette mesure si elle devait concerner le plastique.
En septembre, le Sénat a d’ailleurs amendé l’article 8bis du projet de loi en faisant porter la consigne exclusivement sur le réemploi (pour les bouteilles en verre) et excluant donc l’idée d’une consigne pour le recyclage des bouteilles en plastique. Un peu plus tard, la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale a même supprimé cette mesure. Mais quelques semaines plus tard, le 25 octobre 2019, Brune Poirson annonce l’idée d’une consigne « mixte » à la fois pour réemploi du verre et pour recyclage du plastique transparent.
Finalement, le 16 décembre, un nouvel amendement repousse la mise en place de la consigne à 2023 en fonction des résultats de la collecte des bouteilles en plastique. Et « si les performances cibles ne sont pas atteintes, le Gouvernement [définira] en 2023 (…) les modalités de mise en œuvre d’un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et réemploi« . Un consensus qui peine à masquer la difficile question de la gestion des déchets sur notre territoire et son efficacité… qui pose question.
La consigne, une réponse à un système inefficace
Il faut d’abord rappeler que la consigne, c’est une somme qu’un vendeur (par exemple une grande surface) ajoute à un bien de consommation et qui sera restituée au consommateur si ce dernier rapporte le bien après usage. Un coût et une responsabilité qui incombent donc aux consommateurs. Ce qui est éloigné du système actuellement en place.
Dans notre imaginaire, la consigne est un phénomène populaire car cela rappelle évidemment la consigne pour les bouteilles en verre telle qu’elle se pratiquait en France jusque dans les années 1960. C’est aussi un mécanisme en place dans différents pays européens, Allemagne ou Hongrie par exemple, qui paraît tout à fait vertueux. On connaît particulièrement la « consigne pour réemploi » qui concerne les bouteilles en verre. Mais le fonctionnement est similaire pour la « consigne pour recyclage » des bouteilles en plastique transparent (PET).
Ce qui pose problème, c’est que ce mécanisme vient se heurter à la manière dont la gestion des déchets est organisée en France. Car aujourd’hui, la collecte et le traitement des déchets d’emballage (réemploi, recyclage, destruction) est assuré par les collectivités locales. Et c’est un éco-organisme, en l’occurence Citéo, qui finance les mairies pour qu’elles gèrent ces opérations. Citéo est elle-même financée par les producteurs de déchets d’emballage. C’est ce qu’on appelle la « Responsabilité Élargie des Producteurs » qui veut que le pollueur paye pour la gestion des déchets qu’il produit.
Le mécanisme de la consigne qui veut que ce soit le vendeur qui gère la collecte des emballages (et non plus les collectivités locales) vient donc bouleverser ce mécanisme financier en place depuis 1992… avec plus ou moins de succès. Aujourd’hui, uniquement 58% des bouteilles en plastique sont collectées sur le territoire.
Sur quels sujets la consigne pose t’elle problème ?
Si, grâce à la consigne, ce sont les distributeurs qui bénéficient de la collecte des déchets, cela fera un grand perdant d’un point de vue financier : les collectivités locales. Les mairies y perdraient en effet une manne financière importante issue de Citéo. Par ailleurs, de nombreuses collectivités ont réalisé des investissements – en partenariat avec les professionnels du recyclage – pour optimiser et améliorer leur process de collecte et de traitement. Des investissements qui auront du mal à être rentable avec la mise en place de la consigne. Voilà pour le premier problème.
Cependant, au-delà de cet aspect économique, la consigne n’est pas exempte de reproches d’un point de vue écologique. Parmi les arguments de ses détracteurs, on retrouve principalement les suivants :
– La consigne est un coût supporté par le consommateur. Dans les pays européens où elle se pratique, 90% des contenants, en moyenne, sont rapportés. Avec un coût d’environ 15 centimes par bouteille payé par le consommateur, cela fait une plus-value de 200M€ pour les industriels.
– La « consigne pour recyclage » est une fausse bonne idée car l’empreinte carbone du recyclage du plastique est loin d’être anodin.
– Enfin, cela rendrait « sympathique » l’utilisation des bouteilles en plastique et pousserait donc les consommateurs à continuer d’en acheter (et donc d’en favoriser la production) au lieu de se tourner vers de véritables alternatives zéro plastique.
Principal opposant à ce système, l’Association des Maires de France (AMF) précise enfin qu’elle soutient complètement la consigne pour réemploi des bouteilles en verre et qu’elle s’oppose uniquement à la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique. L’association s’insurge également contre les pratiques des industriels qui, par exemple, mettent sur le marché des bouteilles en plastiques colorées (noir ou rouge, par exemple) qui ne sont pas reconnues par les machines de tri optique et qui ne sont donc jamais recyclées… Consigne ou pas.
Quelles (autres) solutions pour améliorer la collecte et le recyclage du plastique ?
L’idée d’instaurer la consigne vient donc d’un relatif échec des pratiques actuelles de collecte et traitement des emballages en plastique. Le gouvernement ambitionne – suivant une directive européenne – d’atteindre les 90% de plastique collectés en 2030, soit 32% de plus qu’aujourd’hui.
Les collectivités soutiennent que ces chiffres devraient augmenter dans les prochaines années, et ce grâce aux investissements réalisés en partenariat avec les professionnels du recyclage. D’une part car les consignes de tri s’harmonisent petit à petit sur l’ensemble du territoire. D’autre part grâce à une modernisation des centres de tri. Elles proposent également de mettre en place un système de collecte pour les emballages ménagers consommés hors-foyer, c’est à dire dans les gares, parcs ou centres commerciaux.
Le consensus trouvé lors du passage du projet de loi antigaspillage pour une économie circulaire confie à L’ADEME la mission d’auditer les chiffres de la collecte et du traitement du plastique chaque année. Ces analyses serviront à un point d’étape, en 2023, pour décider de la suite à donner sur cette question et d’apprécier si les mesures prises par les mairies de France sont suffisantes.
Il existe cependant d’autres alternatives pour améliorer la collecte du plastique. C’est ce que propose par exemple la start up Yoyo avec un système incitatif tournée autour de communautés de citoyens. La start-up travaille d’ailleurs avec certaines collectivités, comme Bordeaux et Lyon, qui peuvent l’utiliser en complément de leurs propres actions.
En parallèle, la meilleure solution consiste principalement à revoir nos modes de consommation et à travailler, par exemple, au développement de la vente en vrac. Particulièrement pour les liquides et boissons. C’est ce qu’initie en France la start up Jean Bouteille ou ce que propose encore la jeune marque de cosmétique CoZie.