Sujet controversé de la loi AGEC en 2020, les discussions autour de la consigne pour les bouteilles en plastique vont reprendre cette année sous l’égide de Bérangère Couillard. La secrétaire d’État chargée de l’Écologie réunit ce lundi 30 janvier près de 70 structures (industriels, distributeurs, ONG, associations d’élus de consommateurs…) afin de lancer une nouvelle concertation autour de la mise en place éventuelle de la consigne. Au cours de cette première réunion de lancement, la secrétaire d’État dévoilera la méthode et le calendrier de cette concertation.

L’idée de mettre en place un système de consigne pour les bouteilles en plastique avait été envisagée par le gouvernement lors du projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) en 2020. En prenant exemple sur ce qui se fait dans certains pays européens – comme au Danemark ou en Allemagne – l’idée de ce système était d’améliorer la collecte des bouteilles en plastique, qui stagne autour des 60% aujourd’hui en France, alors que les objectifs européens de taux de collecte des bouteilles plastique sont de 77 % en 2025 et 90 % en 2029.

Il y a deux ans, la proposition avait finalement été retirée in-extremis lors du vote, face à la vive opposition des collectivités locales mais aussi des ONG. Il avait alors été décidé de reporter la décision à plus tard. Plus tard, c’est donc aujourd’hui, avec des discussions qui doivent amener le ministère de la Transition Écologique à statuer sur ce sujet d’ici au mois de juin.

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Les collectivités majoritairement contre

L’enjeu de la collecte des bouteilles en plastique est important pour de nombreuses parties prenantes et particulièrement pour les collectivités locales, qui tirent des revenus grâce à la collecte et au tri du plastique. C’est notamment ce qui justifie leur opposition au système tel qu’il a été proposé il y a deux ans.

La consigne pour recyclage des bouteilles en plastique aurait en effet pour conséquence de diminuer les flux de plastique dans les bacs jaunes et donc de réduire les revenus des centres de tri pilotés par les communes. Ce serait donc un manque à gagner pour les collectivités et les centres de tri. Mais surtout, ce serait un signal peu clair donné aux ménages, car ces dernières années, les centres de tri ont investi massivement pour améliorer le tri des emballages afin – et c’est une autre avancée de la loi AGEC – de simplifier et d’harmoniser les consignes de tri pour que les ménages puissent désormais déposer leurs emballages plastiques dans la poubelle jaune.

Le retour de la consigne pour les bouteilles en plastique poserait aussi un autre problème lié à la compréhension globale de ce qu’est le recyclage du plastique : une solution très imparfaite vis-à-vis du contexte environnemental. Et si beaucoup gardent en tête la consigne pour réemploi, une solution qui fonctionne très bien pour les bouteilles en verre, par exemple, il faut savoir que la consigne pour recyclage n’est pourtant pas une solution miracle pour lutter contre la pollution plastique. Au contraire, elle pourrait même légitimer la consommation de ces produits.

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Consigne pour réemploi n’est pas consigne pour recyclage

La consigne pour réemploi et pour recyclage fonctionne sur le même principe : le consommateur va payer sa bouteille avec un surcoût de quelques centimes qui lui seront rendus plus tard par le vendeur si la bouteille est bien ramenée après usage. Un sujet qui implique déjà un changement de paradigme pour les ménages : celui de penser à ramener ses bouteilles vides au magasin plutôt que de les jeter à la poubelle jaune, qui est faite pour ça. Alors que l’exécutif a tout fait pour simplifier les consignes de tri, le retour de la consigne pourrait justement complexifier le tri des déchets. Cela amène aussi une réflexion sur le prix : car si la bouteille n’est pas ramenée au magasin (mais qu’elle est mise à la poubelle), le consommateur l’aura donc payée plus cher.

En outre, d’un point de vue environnemental, il ne faut pas confondre la consigne pour réemploi, qui est une bonne idée, avec la consigne pour recyclage. Le réemploi est évidemment une méthode vertueuse qui mérite d’être encouragée car elle permet de ne pas créer de nouveau contenant. Ainsi, on va économiser de l’énergie et de la matière. En revanche, le recyclage ne fonctionne pas comme ça, en particulier pour le plastique. « Le vrai recyclage voudrait qu’on re-transforme une bouteille en une bouteille. Mais cette procédure ne représente qu’à peine 2% des plastiques qu’on utilise aujourd’hui » nous expliquait ainsi récemment Nathalie Gontard, chercheuse à l’INRAE spécialisée sur les matières plastiques et leur recyclage. Dans le cas du plastique, le processus est ainsi plus complexe et la matière recyclée ne sert pas directement à refaire un emballage. Elle n’est généralement qu’ajoutée à de la matière brute issue de l’exploitation des hydrocarbures afin de concevoir un nouveau produit.

La consigne pour recyclage suscite donc une interrogation car, sous couvert d’améliorer la collecte des emballages plastiques, ce processus laisse à penser qu’il s’agit d’une action écologique qui, de fait, va rendre acceptable la consommation de bouteilles en plastique. Un sujet sur lequel tiquent les ONG qui sont contre ce projet et qui fait écho aux propos que nous avions recueillis auprès de Nathalie Gontard : « Le plastique est le seul matériau qui est irréversible, c’est-à-dire qu’une fois qu’on l’a mis sur terre, on ne peut plus s’en débarrasser. Donc le réemploi du plastique, c’est bien, mais c’est illusoire, et le recyclage l’est encore plus. Il faut prendre la solution la plus simple, celle de la réduction ».

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