Porté par l’urgence de répondre à une population mondiale en constante augmentation, à des sols défaillants, à des changements induits par le réchauffement climatique et de nouvelles habitudes de consommation, le secteur de l’agriculture et de l’alimentation est en pleine révolution depuis maintenant une dizaine d’années. L’agriculture conventionnelle évolue, l’agriculture biologique et l’agroécologie sont en plein essor et, en parallèle, les nouvelles technologies viennent aussi bouleverser notre manière de faire l’alimentation. En témoigne le développement de fermes urbaines verticales, de techniques comme l’hydroponie ou encore de la création de viande de synthèse.

Et cette vision technologique de l’agriculture séduit très fortement les investisseurs. Ainsi, d’après Agfunder, un fonds d’investissement américain spécialisé en agtech et foodtech, les investissements dans ces secteurs ont été multipliés par 8 depuis 2012 pour atteindre, en 2020, la somme rondelette de 31 milliards de dollars. C’est surtout dans le domaine des « farm tech » que les investissements sont en train d’exploser. C’est-à-dire les nouvelles manières de produire notre alimentation.


Insectes et Indoor Farming attirent les capitaux

Toujours d’après Agfunder, les investissements mondiaux auprès d’entreprises agtech et foodtech ont atteint en 2020 la somme de 7,9 milliards de dollars, en augmentation de 41% par rapport à 2019. Avec trois principales tendances à suivre: les biotech, l’indoor farming et l’élevage d’insectes.

En France, nous possédons d’ailleurs un véritable leader mondial sur ce dernier segment avec la société Ÿnsect, qui a levé 300M€ depuis sa création en 2011. Du reste, l’hexagone a également vu une large augmentation de ses investissements en agtech/foodtech sur l’année 2020 avec un montant de 606M€ levés par les startups françaises. Soit une augmentation de 50% par rapport à 2019 selon Digital Food Lab.

Le plus intéressant là-dedans étant que 74% de ces montants ont été réalisés par seulement 3 entreprises (Swile, InnovaFeed et Ÿnsect) dont deux produisent des protéines à base d’insectes. Signe que l’indoor farming et les nouveaux aliments attirent l’appétit des investisseurs.

La culture d’insectes représente d’ailleurs un formidable levier pour la fourniture de protéines à destination de l’alimentation animale mais aussi pour l’alimentation humaine. Il en va de même pour la culture de micro-algues. Ce qui permettrait de libérer des terres arables pour d’autres types de cultures et/ou qui permettrait de réduire nos importations de soja. En parallèle, les investisseurs semblent aussi très intéressés par le développement des biotech qui permettent de développer des alternatives à l’utilisation d’intrants de synthèse.

Ces segments intéressent aujourd’hui les investisseurs qui y voient une manière de faire pivoter notre modèle alimentaire vers des pratiques durables. Des pratiques qui, selon Agfunder, s’expliquent aussi par la pandémie qui « a exposé les failles de l’agriculture conventionnelle, en particulier la vulnérabilité de la supply-chain alimentaire ». En parallèle, le fonds d’investissement note également une augmentation des deals concernant les marketplace agricoles mais pointe surtout l’une des principales tendances à surveiller pour 2021 : le stockage de carbone.

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l'usine à insectes de la start-up Ÿnsect
Ÿnsect, entreprise française qui fait figure de leader mondial sur le créneau des protéines à base d’insectes


Le stockage du carbone par les agriculteurs, la tendance à suivre en 2021 ?

L’agriculture est l’un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde. En France, le secteur agricole représente 19% de nos émissions de GES. À lui seul, l’élevage est la source de 68 % de nos émissions nationales de méthane (CH4) et la culture des sols (via la fertilisation minérale et/ou organique) est responsable de 80 % de nos émissions nationales de protoxyde d’azote (N2O).

Pour autant, l’agriculture représente aussi l’un des principaux leviers que nous possédons pour réduire nos émissions de GES via un mécanisme efficace : le stockage du carbone dans le sol. Les sols contiennent en effet trois fois plus de carbone que l’atmosphère et la biomasse réunis. De 1500 Gt à 2 400 Gt selon le GIEC. Et il est possible de mettre en oeuvre des pratiques agricoles et des technologies qui vont favoriser ce stockage, notamment autour de la culture de légumineuses, le non-labour ou le développement de l’agroforesterie. Des techniques et procédés qui tiennent davantage de l’agriculture traditionnelle que de l’agriculture technologique, et qui pourraient servir alors que l’urgence climatique n’a jamais été aussi présente.

Un point de vigilance dans tout ça ? Nous avons créé après la seconde guerre mondiale un modèle alimentaire global (appelé agriculture conventionnelle ou agriculture intensive) qui montre aujourd’hui ses limites (dégradation des sols, de la biodiversité, manque de résilience face aux enjeux climatiques). Il serait tentant, évidemment, de reproduire ce schéma de « super-modèle » grâce à la technologie et aux investissements massifs dans l’innovation agricole, ce qui s’est passé l’année dernière. Il est pourtant plus que probable que la résilience et la durabilité de notre alimentation proviennent d’une complémentarité travaillée entre différents modèles et différentes agricultures.

Par ailleurs, d’un point de vue purement climatique, la réduction des émissions de GES du secteur agricole tout comme le développement de l’agriculture biologique à grande échelle ne pourra se faire sans un changement drastique dans les comportements : c’est à dire la réduction de la proportion de viande dans notre alimentation ainsi que la lutte contre le gaspillage alimentaire. Deux autres tendances qu’il faudra aussi surveiller de près dans les mois qui viennent.

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