Aujourd’hui en France, les flottes des personnes morales – comprendre les parcs automobiles des entreprises et collectivités – génèrent plus de la moitié des immatriculations de véhicules particuliers neufs. En effet, le nombre d’immatriculations des voitures neuves des ménages diminue chaque année depuis 2009. La dynamique est inverse pour les personnes morales, voyant ainsi leur proportion atteindre 51% en 2017. Les entreprises et collectivités sont ainsi devenues en quelques années les premiers pourvoyeurs de véhicules neufs en France.
Et la gestion de tels parcs automobiles peut s’avérer être un gouffre financier pour les entreprises. Car ces flottes sont bien trop souvent mal calibrées par rapport aux besoins réels de l’entreprise, et ne sont surtout pas optimisées au regard des nouvelles technologies et des usages émergents de nos sociétés.
Selon une étude menée par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire sur les flottes de véhicules des personnes morales, la réduction des coûts du parc est bien l’enjeu numéro un pour les entreprises. Quel que soit le secteur d’activité ou la taille de la structure étudiée, il en ressort que l’enjeu principal concernant la mobilité d’entreprise est le critère économique. Evidemment, au delà de l’aspect financier, ces parcs automobiles représentent aujourd’hui également un non sens environnemental car composés essentiellement de véhicules thermiques individuels.
Une technologie mature qui réduit les coûts
Pour réduire leurs coûts et limiter leur émissions de polluants, les entreprises et collectivités se tournent vers la mise en place de nouveaux usages en interne. Ces principes comme l’autopartage sont issus de la nouvelle économie de la fonctionnalité et semblent être des réponses adaptées. D’un côté ces solutions arrivent aujourd’hui à une maturité certaine d’un point de vue technologique avec des interfaces travaillées et des process simplifiés, et de l’autre les salariés sont de plus en plus acculturés aux nouvelles technologies et donc prêts à franchir le pas.
L’idée de l’autopartage pour les professionnels est pour une entité de proposer exclusivement à ses collaborateurs et employés une flotte de véhicules en partage. Ce service venant remplacer tout ou partie des véhicules de fonction de l’entreprise. Pour ce faire les entreprises et collectivités font appel à des opérateurs tiers qui peuvent fournir les véhicules (le parc pouvant être multimodal et donc constitué de scooters, trottinettes, vélos etc), mais aussi et surtout l’intelligence via la technologie. Cela comprend l’équipement à bord des véhicules (badges, capteurs) et la partie logicielle (sites de réservations, applications de suivi) qui permettent aux usagers d’accéder simplement au service et pour les gestionnaires de flotte, de gérer plus facilement leur parc en évaluant les usages, et donc de l’optimiser.
Ces opérateurs apportent aujourd’hui une réponse adaptée et un service sur mesure dans le but de faciliter la mobilité des salariés selon les besoins de l’entreprise : nombre de salariés, demande en multimodal, type de structure, emplacement urbain… Avec à la clé pour les entreprises une baisse mécanique des coûts grâce à l’optimisation permanente de la flotte. Le marché de ces fournisseurs de mobilité pour entreprises et collectivités est composé à la fois d’acteurs qui se sont lancés il y a une dizaine d’années comme Ubeeqo ou Mobility Tech Green, et qui ont déjà séduit des grands groupes comme L’Oréal ou Orange et même lancé leur activité à l’international, et de petits nouveaux comme Flexy Moov, projet d’intrapreuneuriat du Groupe Bouygues.
Lire aussi : Le vélo, un atout économique autant qu’écologique ?
A noter que l’autopartage et la promotion des mobilités douces et durables font partie intégrante du Plan de Mobilité des Entreprises, ensemble de mesures visant à promouvoir les modes de transport alternatifs à la voiture individuelle en entreprise. Ce Plan est une obligation depuis 2018 pour les entreprises de plus de 100 salariés. Si l’autopartage s’est rapidement développé auprès du grand public depuis plusieurs années, le segment des pros suit également la tendance. La France est aujourd’huiʼhui un des marchés les plus actifs de l’autopartage professionnel en Europe, où ce sont plus de 4000 entreprises qui devraient revendiquer un service d’autopartage cette année.
Pour une entreprise, accéder à un service d’autopartage permet de voir la mobilité autrement. D’un point de vue des usages tout d’abord : “Avec le partage de différents types de véhicules la mobilité n’est plus subie, on adapte le véhicule aux trajets, et non l’inverse” explique Aude Launay, CEO de Flexy Moov. Mais aussi d’un point de vue financier. Le coût de gestion d’une flotte d’un parc automobile se calcule traditionnellement via le coût total de possession ou TCO véhicule (pour total cost of ownership). Le TCO comprend le prix du véhicule, l’entretien, les charges etc. A présent, le concept de TCM (pour total cost of mobility) vient concurrencer le TCO. Le TCM, qui se place du point de vue du collaborateur plutôt que de celui du véhicule, prend ainsi en compte tous les modes de déplacement, train, bus, taxi, autopartage, vélo… En optimisant son TCM, le gestionnaire pourra alors réduire les coût liés à son parc. “La réduction du budget flotte de l’entreprise ou de la collectivité est de l’ordre de 25 à 30% avec intégration de l’autopartage” d’après Alexandre Fournier, Directeur Marketing chez Mobility Tech Green.
La mobilité, réelle demande des salariés
On assiste à un changement de paradigme avec à présent une demande forte émanant des employés pour des services d’autopartage ou de flotte multimodale. “Deux tiers des salariés affirment que leur employeur ne fait pas assez pour l’écomobilité. Or seulement un tiers des dirigeants pensent qu’il s’agit d’une demande de leur salariés. On assiste à un mismatch besoins/services sur la mobilité au sein des entreprises” poursuit Aude Launay.
Jusqu’à récemment l’autopartage était mis en place dans l’entreprise du fait du dirigeant ou de la direction en place. Par conviction ou par intérêt RSE. Une approche verticale donc, dans laquelle le service d’autopartage est la plupart du temps proposé aux employés mais sans la formation, l’accompagnement et les outils de communication qui vont avec. C’est un des freins majeurs car le service est alors subi plutôt que souhaité. L’implication des salariés pour la réussite d’un service d’autopartage est primordial. Ces derniers doivent être intégrés au process pour devenir des ambassadeurs du service en interne, et garantir ainsi le succès de la démarche. L’autre écueil à la mise en place d’un service d’autopartage est de vouloir en faire un argument de greenwashing avec, par exemple, un mauvais calibrage de l’offre par rapport aux besoins.
Cependant, la tendance actuelle est davantage dite bottom up. Une demande qui part donc des salariés vers la direction. “Le changement de paradigme de la mobilité est une réelle demande des salariés” constate Aude Launay. Et Alexandre Fournier de compléter, “il n’existe pas pas une vraie typologie de demandeurs, les anciennes générations sont aussi porteuses que les nouvelles de ces sujets”. Une appétence pour les nouvelles technologie semble toutefois être le dénominateur commun aux salariés demandeurs. L’acculturation des salariés au numérique et ses usages est donc primordial pour un déploiement efficace et pérenne de la mobilité servicielle incluant l’autopartage. La simplicité d’usage du service arrive en tête des attentes des employés pour ce type de services. La bonne communication ainsi que la formation et l’accompagnement sont également des critères essentiels. La variable environnementale, bien que présente dans les réponses, reste encore secondaire.
Coté environnement justement, l’avantage principal de l’autopartage est de réduire l’utilisation de la voiture, et de participer à la démotorisation de l’espace public. Ainsi les pollutions atmosphérique, gaz à effet de serre et sonore sont réduites, et l’empreinte carbone de l’entreprise limitée. Par ailleurs, les parcs automobiles ont depuis peu commencé à électrifier leur flotte. Malgré cela, les voitures roulant au diesel restent très majoritaires. Repenser sa mobilité en optimisant sa flotte peut être le point de départ pour les entreprises et collectivités d’également basculer vers des véhicules électriques ou des nouveaux carburants moins polluants. Mission qui peut justement faire partie du champ d’action des opérateurs de mobilité. Quoiqu’il en soit, si les entreprises veulent respecter les normes antipollution européennes qui se profilent pour 2025 et 2030, les gestionnaires de flottes n’auront d’autres choix que de renouveler leur parc thermique dans les prochaines années.
Il existe un autre avantage à l’autopartage en entreprise. Avantage qui serait peut être le facteur clé de succès de l’adoption de ces nouveaux usages au sein des entreprises et collectivités : le forfait pro/perso. Ce forfait offre aux salariés la possibilité dʼutiliser les véhicules de lʼentreprise à titre privé en journée, le soir ou le week end.
Le pro / perso, levier de développement de l’autopartage professionnel
La mobilité est complexe et n’est pas que professionnelle. L’autopartage en entreprise s’adapte donc. Ce forfait pro/perso permet d’étendre le service dʼautopartage professionnel à des déplacements privés des salariés, le soir et le week-end par exemple. L’entreprise met donc sa flotte de véhicules à disposition des employés, créant ainsi un véritable hub d’écomobilité dédié aux salariés. Généralement mis en place par l’entreprise moyennant une participation du salarié de l’ordre d’une dizaine d’euros par jour, ce forfait ajoute une dimension supplémentaire au service d’autopartage et en fait un atout innovant et pratique. Coté gestionnaires, les voitures de la flotte coûtant de l’argent car sous utilisées, sont ainsi bien mieux rentabilisées.
Le forfait pro/perso pour l’autopartage permet d’amortir à plus ou moins long terme l’installation complète d’une flotte multimodale en autopartage au sein d’une entreprise.
De cette manière, l’autopartage en entreprise améliore et booste la marque employeur, en renvoyant une image de l’entreprise renouvelée et dans la bonne tendance. “On note l’apparition de packages mobilité qui remplacent les simples véhicules de fonction. Au lieu du gros SUV habituellement proposé, on propose un plus petit véhicule associé a un crédit mobilité autopartage multimodal, billet de trains etc.” explique Alexandre Fournier. Et selon les besoins du salarié, le véhicule de fonction peut tout simplement être remplacé par le crédit mobilité. Cette nouvelle offre de mobilité participe à la fois à la rétention des talents et rend les package proposés encore plus attractifs. “C’est un nouveau service offert par l’employeur, un peu comme une salle de gym” détaille Aude Launay.
Enfin, le concept de l’autopartage confère à l’entreprise un nouveau rôle inclusif. En effet le service d’autopartage est ouvert et accessible à tous, tout le temps. Il n’est pas uniquement réservé à une catégorie de personnes ce qui est notamment le principe de la voiture individuelle de fonction. Ainsi proposé de la même manière à tous les employés, l’autopartage participe à une politique RH plus inclusive. “L’idée est de s’appuyer sur les entreprises pour casser les automatismes. Certaines ont encore du mal à comprendre la valeur ajouté de cette pratique, car ça change leur modèle. Il faut de la souplesse mentale pour comprendre les bénéfices d’un tel changement”. L’entité entreprise ou collectivité, en diffusant ainsi des bonnes pratiques en matière de mobilité, parle également aux citoyens qui la compose. Elle devient alors vecteur du changement de mobilité des salariés.
Et ça n’est pas par hasard qu’on constate chez Mobility Tech Green « beaucoup de nouvelles demandes pendant le confinement sur mise en place de l’autopartage, notamment des PME et ETI ».