C’est un avis de l’Anses publié le 16 juillet 2019 qui porte sur une étude des « effets sanitaires des particules de l’air ambiant extérieur selon les composés, les sources et la granulométrie ». C’est à dire l’impact qu’ont les polluants atmosphériques sur la santé.

Basé sur 160 études scientifiques publiées depuis 2013, ces avis de l’Anses propose de cibler en priorité, dans les politiques publiques concernant l’air, trois indicateurs actuellement non réglementés : les particules ultrafines, le carbone suie et le carbone organique. Aujourd’hui, seules les particules fines PM 2,5 et PM 10 sont prises en compte. Ces trois nouveaux indicateurs permettant de mieux identifier la pollution liée notamment aux transports.

Mais dans un second temps, l’Anses souligne également la nécessité d’agir, au niveau national et international, sur les « principales sources maîtrisables d’émission » de polluants que sont le trafic routier ainsi que la combustion de charbon, de produits pétroliers et de biomasse.

Et concernant les transports, l’Anses est sans-appel : les progrès technologiques ne seront pas suffisant pour améliorer la qualité de l’air tant que le trafic routier ne diminuera pas. En d’autres termes, le tout électrique n’est pas la solution miracle.

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embouteillage de véhicules à Paris


Renouveler le parc automobile : essentiel mais pas suffisant

Ainsi, l’Anses a étudié plusieurs scénarios d’évolution du trafic routier d’ici à 2025, en France métropolitaine et en Île-de-France. Et ce sur la base des données de 2014, en faisant varier la part des évolutions technologiques au sein du parc automobile français. C’est à dire l’augmentation du nombre de filtres à particules sur les voitures les plus récentes ou encore la diminution du nombre de voitures diesel et essence.

Sur cette base, elle constate « une évolution favorable de la qualité de l’air, quelles que soient les évolutions technologiques du parc ». Ces diminutions concernent notamment les émissions de carbone suie et dioxyde d’azote. Cependant, ces baisses sont plus limitées pour les particules fines PM 2,5 et PM 10. Plus inquiétant, quelque soit le scénario, les valeurs guides de l’OMS sur une exposition à long terme sont systématiquement dépassées.

Alors, en complément de ces scénarios, l’Anses tente une autre approche. Elle associe dans un second temps l’augmentation des véhicules électriques en zone urbaine avec une réduction du trafic routier. En toute logique, cette approche conduit à des réductions d’émission encore plus marquées. En particulier dans les zones urbaines et densément peuplées. Par exemple, les émissions annuelles de carbone suie et de PM 2,5 par le trafic seraient réduites d’au moins 30 %.

Ce que cherche donc à souligner l’Anses par ce rapport, c’est le fait qu’équiper les Français de voitures récentes et moins polluantes ne suffira pas à résoudre le problème de pollution atmosphérique. Elle démontre qu’à circulation constante, quel que soit le scénario de renouvellement du parc automobile, les valeurs limites de l’OMS pour l’exposition à long-terme aux particules fines sont dépassées. Et qu’il faut ainsi, pour améliorer la qualité de l’air, non seulement renouveler les voitures, mais surtout diminuer le nombre de véhicules en circulation.

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embouteillage périphérique parisien


Développer des alternatives aux véhicules motorisés

L’Anses insiste par conséquent sur « la nécessité de promouvoir des technologies alternatives réduisant drastiquement l’émission de polluants et surtout la réduction du trafic ». Sur ces sujets, l’agence soulève plusieurs pistes d’études à destination des décideurs, qu’il s’agisse des pouvoirs publics où des chefs d’entreprises.


Étudier les limites des propulsions électrique et hydrogène

Pour l’Anses, la solution n’est pas de foncer tête baissée sur l’électrique ou la propulsion à hydrogène pour renouveler le parc automobile coûte que coûte. Si l’agence insiste sur la nécessité de tendre vers de nouveaux types de véhicules moins polluants, elle recommande aussi de mieux étudier ces pistes, qui « peuvent être des solutions efficaces pour réduire la pollution locale et les émissions de gaz à effet de serre mais doivent être évaluées en tenant compte d’implications multiples (disponibilité et sources de l’énergie, matériaux, impacts environnementaux induits.)« . Un sujet d’actualité vis à vis de la dépendance européenne aux batteries lithium-ion venues de Chine. Ainsi qu’aux dommages environnementaux que provoque l’extraction de métaux rares nécessaires à la conception de ces batteries.

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Réduire le trafic routier grâce à d’autres modes de transport

Réduire le trafic routier, c’est en fait inciter à utiliser d’autres types de transport. Parmi les pistes évoquées par l’Anses, on peut citer notamment la nécessité de renforcer des offres de transports en communs. En particulier le transport ferroviaire pour trajets en dehors des zones urbaines.

L’agence évoque par ailleurs le développement de l’intermodalité, c’est à dire l’utilisation de différents moyens de transport lors d’un même trajet. On retrouve des usages innovants en la matière dans le domaine du covoiturage par exemple, avec ce que proposent les entreprises Klaxit et Karos. Ces dernières permettent notamment d’utiliser le covoiturage avec une carte de transport valable pour le bus et le métro, à l’image de ce qui est mis en place depuis peu par la ville de Nantes. L’intermodalité permet de favoriser des alternatives moins polluantes pour les premiers et derniers kilomètres.

La réduction du trafic routier va ensuite de pair avec un développement en zones urbaines des modes actifs de transport que sont la marche à pied et le vélo. Pour cette dernière, il y a notamment un travail important à réaliser au sein des collectivités locales pour développer davantage de pistes cyclables sécurisées. Ce qui est entrain de se faire depuis la fin du confinement et l’essor du vélo un peu partout sur le territoire.


Zones à faibles émissions et autres mesures

L’agence cite aussi des mesures de maîtrise du trafic comme les zones à faibles émissions (qui vont augmenter grâce à la Loi mobilités) ainsi que les péages urbains ou encore la promotion des plateformes et solutions de livraisons urbaines. À titre d’exemple, nous faisions récemment le portrait de la start up K-Ryole qui propose des solutions non-polluantes pour la livraison urbaine.

L’Anses soulève aussi d’autres pistes de réduction des émissions, qui concernent entre autres les émissions hors échappement (abrasement des systèmes de freinage et des pneumatiques).

En conclusion, l’avis de l’Anses évalue que l’ambition du « tout-électrique » à horizon 2025 ou 2040 apparaît « assez peu réaliste ». D’après la Loi Mobilités adoptée au mois de juin, la vente de voitures utilisant des énergies fossiles carbonées sera pourtant interdite d’ici 2040. Mais peut-être que d’ici là, les offres de transports nous permettront de ne pas avoir autant besoin de la voiture qu’aujourd’hui. Et la qualité de l’air n’en sera que meilleure.

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