En 2050, nous devrions être près de 10 milliards d’êtres humains à travers le globe, selon les estimations de l’ONU. Cette pression démographique est source de nombreux enjeux sociaux et environnementaux, notamment vis-à-vis du secteur agroalimentaire. Il faudra, dans le futur, produire davantage tout en ayant moins d’eau potable et moins de terres agricoles disponibles. Il s’avère donc impératif de remodeler nos systèmes dès maintenant pour pouvoir répondre durablement à ces défis.

L’un des enjeux de l’agriculture de demain, c’est notamment de répondre à notre consommation de protéines dans un contexte où il faut aussi réduire la consommation de viande. Nous rappelons ainsi que les animaux consomment aujourd’hui environ 20% des protéines mondiales et pourraient bien rapidement entrer en concurrence avec l’alimentation humaine. En Europe, en 2017, 71% des terres agricoles étaient destinées à nourrir du bétail. Un chiffre qui est d’environ 40% en France.

Dès lors, un nécessaire rééquilibrage de notre alimentation s’avère nécessaire : consommer moins de viande et davantage de protéines végétales. Mais parmi les autres leviers, la question se pose également de recourir à des techniques qui consomment moins d’eau et de surface, et qui peuvent aussi permettre de dégager du foncier agricole. C’est notamment le cas des protéines à base d’insectes. La France possède le leader mondiale en la matière avec Ÿnsect, une startup qui est en train d’industrialiser ce mode de production et qui participe à démocratiser le recours aux protéines à base d’insectes pour l’alimentation humaine et animale.

L’élevage d’insectes, un triple avantage

En effet, les insectes, en plus d’être riches en acides aminés, possèdent de nombreux avantages qui font de l’entomoculture une pratique d’avenir : c’est une source de protéines qui émet 10 à 100 fois moins de gaz à effet de serre que les animaux d’élevage en fonction des modes de cultures ; qui requiert également moins d’eau que l’élevage ; et qui ne demande qu’un très faible espace pouvant complètement s’adapter aux milieux urbains et péri-urbains. Par ailleurs, leur culture entretient une dynamique propre à l’économie circulaire pour participer à la valorisation des déchets organiques.

Depuis janvier 2018, il est possible à l’échelle nationale de produire et de commercialiser des insectes – sous réserve de détenir une autorisation. Pour le moment, c’est surtout pour l’alimentation animale que cette production dispose d’autorisations. Parmi les évolutions récentes, la Commission européenne a également autorisé, en novembre dernier, les protéines d’insectes dans l’alimentation des volailles et des porcs afin « de répondre aux besoins d’approvisionnement en aliments pour animaux et aux défis de durabilité auxquels sont confrontés nos partenaires de la chaîne alimentaire ».

Dans la foulée, de nombreuses startups se lancent donc dans ce nouveau secteur. En France, on peut citer Ÿnsect, mais aussi NextProtein et InnovaFeed. 3 entreprises qui espèrent développer cette culture pour les animaux d’élevage. En parallèle, d’autres entreprises se créent pour proposer des aliments à base d’insectes à une autre catégorie d’animaux : nos chats et chiens domestiques. La startup Tomojo fait partie de ces pionniers.

des chats qui mangent des croquettes


Des croquettes « écologiques » fabriquées en France

Deux meilleures amies d’enfance, Madeleine Morley et Paola Teulières, ont ainsi créé la startup Tomojo en 2017 avec l’ambition de décarboner l’alimentation des chiens et chats domestiques. Cette dernière n’est en effet pas toujours claire quant à l’origine de ses composants et contribue inéluctablement aux émissions de gaz à effet de serre. Les aliments commercialisés par la startup – produits en Mayenne à partir d’insectes élevés aux Pays-Bas – substituent la viande conventionnelle animale par une farine d’insectes.

Entre autres avantages, la fabrication de ces croquettes et friandises n’inclue ni l’ajout d’antibiotiques ni d’hormones de croissance et est le fruit d’une association avec des chercheurs d’AgroParisTech ainsi que des vétérinaires nutritionnistes pour des aliments plus équilibrés. Tomojo permet d’ajouter des valeurs éthiques – relatives au respect de l’environnement – à la nutrition animale qui s’illustrent de même dans le choix de leur packaging « 100% compostable », même si ça n’est pas le sujet le plus important.

La culture de protéines à base d’insectes demande 25% d’eau en moins que l’élevage bovin

Précurseur dans son offre de croquettes pour chats, la startup poursuit son évolution ascendante avec des recettes conçues pour chiots et chatons, et développe désormais son réseau à l’échelle nationale mais également au-delà. En plus d’incarner la première marque de petfood aux insectes présente en grande distribution – référencée dans une soixantaine de supermarchés en région parisienne –, ses produits se retrouvent aussi dans d’autres structures – telles que les magasins de vrac et les vétérinaires répartis dans l’Hexagone – ou encore en ligne, sur leur site web.

Accompagnée par des spécialistes soucieux des équilibres digestifs des chiens et des chats, Tomojo a lancé, dès 2020, Entovet – première gamme vétérinaire d’aliments pour chiens et chats à base d’insectes – et cherche encore à se diversifier pour répondre aux exigences de la demande. Soutenue par de nombreux acteurs – tels que le chef d’entreprise mayennais, Stanislas De Vion – l’équipe réalise aussi des dons à des associations et s’engage pour la préservation d’espèces menacées, notamment auprès de l’ONG Fauna & Flora International.

La startup a récemment effectué une levée de fonds – de 3 millions d’euros – auprès d’acteurs de référence comme BNP Paribas Développement et SWEN Capital, afin d’agrandir son effectif et de continuer à se développer sur le marché.

Lire aussi : quels leviers pour réduire les émissions de GES du secteur agricole ? 


Vers une alimentation humaine à base d’insectes ?

Il existe d’autres alternatives aux croquettes conventionnelles en France comme la startup fondée par Basile Laigre: Reglo. Les produits de cette dernière sont aussi obtenus à partir de larves de mouches – élevées en France – complétées par d’autres éléments naturels. Ces innovations peuvent inspirer des projets d’entomoculture pour nourrir des élevages de bétail – particulièrement contraignants quant à la surface qu’ils occupent et à leur consommation d’eau.

Pour le moment, l’élevage d’insectes pour l’alimentation animale est en train de se structurer et suppose d’être attentif à chaque point de la chaîne de production. Le rapport de la FAO rappelle notamment que l’entomoculture, à cette échelle, s’accompagne de nombreux défis et nécessitera de nombreuses innovations pour optimiser la production, réduire la marge d’erreur d’analyse et être plus compétitif face à la production conventionnelle de viande des élevages de bétail.

En parallèle, une question d’acceptabilité se pose aussi pour son utilisation dans l’alimentation humaine. Aujourd’hui, environ 2 000 espèces d’insectes sont répertoriées comme comestibles pour l’Homme et leur distance génétique nous met à l’abri de nombreux risques alimentaires. Dans plusieurs pays, en particulier en Afrique et en Asie, les insectes font déjà partie de l’alimentation traditionnelle. C’est encore loin d’être le cas dans les pays occidentaux. Une réalité qui pourrait néanmoins changer à l’avenir.

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