Le secteur des transports représente à lui seul environ 30% des émissions de gaz à effet de serre de l’Hexagone. C’est le seul secteur dont les émissions ont augmenté en France depuis 1990. De plus, en 2018, il dépendait encore à 94% des carburants fossiles. Pourtant, de par le report modal vers des mobilités douces et bas-carbone (transports en commun, vélo, train…) et les alternatives aux carburants fossiles (électrification à partir des énergies renouvelables notamment), il est aujourd’hui possible d’accélérer la décarbonation de ce secteur et de répondre ainsi de manière efficace aux enjeux climatiques.
Cependant, si les motorisations électriques peuvent être qualifiées de « zéro émission à l’échappement », il convient de préciser qu’il n’existe pas de véhicules 100% propres puisque la fabrication d’une voiture essence, diesel ou électrique implique toujours d’extraire des ressources naturelles telles que du fer ou du cuivre et de les transformer. De plus, en ce qui concerne les véhicules électriques, souvent vantés comme les plus propres, leurs batteries contiennent des ressources minérales telles que le lithium ou le cobalt dont l’extraction et la transformation sont particulièrement énergivores, polluantes et impactent directement les pays producteurs.
Néanmoins, si l’on prend en compte le cycle de vie des différentes voitures (thermique, électrique ou hybride), la voiture électrique reste évidemment pour le moment la voiture ayant l’impact carbone le plus faible.
À l’échelle d’un parc supposé de 4,4 millions de véhicules électriques, les émissions des véhicules légers pourraient être réduits de 72% pour le dioxyde d’azote et de 92% pour les particules fines (PM10)
L’électrique en pôle position pour décarboner les transports routiers…
En 2017, une étude de European Climate Foundation et de la Fondation pour la Nature et l’Homme soulignait le rôle bénéfique de l’électrification des véhicules pour atteindre nos objectifs climatiques, étant donné l’électricité bas-carbone dont dispose la France grâce au nucléaire. En effet, en analysant le cycle de vie de huit véhicules représentatifs des différentes motorisations (véhicules thermiques, hybrides ou électriques) et deux gammes d’automobiles (citadines et berlines), l’étude révélait qu’une citadine toute électrique a une empreinte carbone 3 fois moindre que son homologue thermique sur son cycle de vie (en intégrant la production de batteries électriques). Pour les berlines, ce rapport est lui de 1 à 2.
De plus, cet atout se maintiendrait dans le temps à l’horizon 2030, dans le cas où les objectifs de la loi de transition énergétique sont atteints, et se renforcerait dans le cas où la France rehausserait le développement des énergies renouvelables et s’engagerait dans un scénario 100% ENR.
Ainsi, alors que fin 2020, le parc français se situait aux alentours de 300 000 véhicules électriques (contre 130 000 en 2017), le gouvernement souhaite accélérer la conversion du parc vers les nouvelles motorisations ainsi que la transformation des mobilités afin de permettre la fin de la vente des véhicules essence et diesel d’ici 2040 (objectif fixé dans la loi par le Plan climat depuis 2017). On devrait donc voir le nombre de voitures électriques se multiplier dans les années à venir.
Selon l’étude « En route pour un transport durable » publiée en 2015, à l’échelle d’un parc supposé de 4,4 millions de véhicules électriques en 2030, les émissions de polluants atmosphériques des véhicules légers pourraient être réduites d’environ 72% pour le dioxyde d’azote et de 92% pour les particules fines (PM10). Un impact qui est donc extrêmement fort sur la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet émises en sortie de pot par les véhicules.
Les émissions réelles d’un véhicule hybride rechargeable sont 2 à 4 fois supérieures à celles qui sont annoncées
Mais de multiples enjeux existent encore pour les véhicules électriques
En effet, pour que le développement de l’électromobilité soit en pleine cohérence avec nos objectifs climatiques, cela suppose encore de répondre à plusieurs enjeux posés par la filière. Parmi eux, la nécessité de développer à grande échelle les infrastructures de charges sur le territoire, prérequis pour démocratiser son acceptation par les usagers ; de favoriser un mix énergétique qui fait la part belle aux énergies renouvelables et, enfin, de porter une attention particulière à la fabrication et à la fin de vie des batteries. Ces dernières, constituées de métaux rares, doivent autant que possible être recyclées ou réutilisées en tant que moyen pour stocker l’électricité. Grâce à cette seconde vie, l’énergie ainsi stockée peut être réinjectée quand la demande électrique est trop importante ou encore servir des usages d’autoconsommation. Ce qui pourrait aussi être une solution au problème d’intermittence posé par les énergies renouvelables.
Certaines voix se font ainsi entendre pour mettre en avant plusieurs critiques à la généralisation de la voiture électrique. Parmi elles, on retrouve notamment l’inadéquation de ce type de véhicule vis-à-vis des usages habituels des automobilistes. Inadéquation qui repose sur le fait que les voitures électriques à batteries ne peuvent pas fournir des autonomies analogues à celles que l’on connaît pour les voitures thermiques, du moins avec les technologies actuelles de batteries. Idem pour le temps de charge, jugé trop lent pour le moment.
Une alternative est annoncée ces derniers moi avec l’essor de l’hydrogène bas-carbone et son rôle potentiel pour décarboner les transports. Rôle qui, pour le moment, semble plus intéressant pour les poids lourds, utilitaires et transports en commun que pour les voitures de tourisme. Et faute de mieux, les constructeurs automobiles ont ainsi commencé à proposer une autre voie ces dernières années : des véhicules hybrides, à la fois thermiques et électriques. Mais, est-ce là réellement la solution ?
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Des véhicules hybrides rechargeables, la fausse bonne idée ?
À en croire constructeurs et autorités publiques, les véhicules hybrides rechargeables permettraient de diminuer significativement les émissions de CO2 sans avoir à faire de compromis sur nos usages grâce à une plus grande autonomie et une recharge rapide, par essence ou diesel, quand c’est nécessaire.
À la différence des véhicules hybrides non-rechargeables, qui permettent la récupération d’énergie mais sont alimentés exclusivement en carburants de type essence ou diesel, les véhicules hybrides rechargeables ont une double motorisation thermique et électrique. Suivant la charge de la batterie (qui permet en général une autonomie d’environ 40-70km), il est donc possible de rouler d’un mode à l’autre.
Cependant, ces véhicules n’apportent pas vraiment les gains CO2 espérés. Tout d’abord parce que les émissions homologuées (à travers les cycles NEDC ou WLTP) ne reflètent pas les émissions réelles de ces véhicules. Selon une étude récente de ICCT & Fraunhofer Institute, les émissions réelles d’un véhicule hybride rechargeable sont 2 à 4 fois supérieures à celles qui sont annoncées. Notamment pour une raison d’usage qui fait la part belle au thermique et non à l’électrique.
Selon l’ICCT, seulement 37% des km effectués par des véhicules hybrides le sont en mode électrique, contre 69% en théorie
Ensuite, ces véhicules sont plus lourds que leurs homologues thermiques du fait qu’ils contiennent deux motorisations (thermique et électrique). Or, tout poids embarqué supplémentaire implique une consommation d’énergie additionnelle, et donc une perte d’efficacité énergétique à usage égal. C’est pour cela qu’il est préférable de favoriser les véhicules les plus légers possibles afin d’avoir une empreinte carbone réduite. Ainsi, rouler essentiellement en mode thermique sur un véhicule hybride rechargeable conduit à des émissions supérieures au modèle thermique équivalent.
Et cette situation est plus fréquente qu’on ne l’anticipait puisque le taux de kilométrage électrique effectif des véhicules hybrides rechargeables est en réalité bien inférieur à son taux théorique. En effet, selon l’ICCT, seulement 37% des kilomètres sont effectués en mode électrique contre 69% en théorie selon le cycle NEDC pour les voitures de particuliers. Pour les voitures de fonction cet écart est encore plus net : 20% des kilomètres sont parcourus sur le mode électrique contre 63% en théorie. Ce qui contribue au fait que les émissions soient très supérieures aux émissions certifiées.
De la fin du « tout-automobile » à la nécessité de repenser notre rapport à la mobilité
Ainsi, si les véhicules hybrides rechargeables permettent de décarboner certains segments spécifiques pour lesquels le véhicule électrique n’est pas adapté, par exemple pour des taxis, ou des personnes effectuant souvent de longs trajets professionnels et de courts trajets personnels, il n’en reste pas moins qu’en règle générale le véhicule électrique suffit à répondre à 90 voire 95% de nos besoins. Nos usages quotidiens peuvent donc être satisfaits par un véhicule électrique de petite autonomie.
Pour les besoins non couverts par ce type de véhicule, c’est à dire les longs-trajets, il reste à repenser notre rapport à la voiture et à la mobilité en général. L’offre ferroviaire, notamment via le train de nuit et/ou l’ouverture de nouvelles lignes est toute indiquée. D’autres solutions sont aussi imaginées, comme par exemple la location d’une batterie supplémentaire pour palier au manque d’autonomie des véhicules électriques.
Reconsidérer notre rapport à la mobilité individuelle est d’autant plus important que le véhicule électrique n’est pas non plus une solution miracle contre la pollution. Car, tout comme les voitures thermiques, elles émettent des particules fines et des microparticules de plastiques, notamment dues à l’usure des pneus. Ainsi, selon une étude de l’Anses, à circulation constante et quel que soit le scénario de renouvellement du parc automobile, les valeurs limites de l’OMS pour l’exposition à long-terme aux particules fines seront dépassées.
Cette étude conclut donc que pour améliorer la qualité de l’air, il faudra non seulement renouveler le parc de voitures mais surtout diminuer le nombre de véhicules en circulation. Pour cela, apprendre à se déplacer différemment, notamment via les mobilités douces, le covoiturage ou les transports en commun dès lors que c’est possible.
Enfin, si pour le moment les efforts sont portés vers les véhicules électriques à batterie pour renouveler notre parc automobile, d’autres solutions alternatives pourraient aussi voir leur développement s’accélérer tels que les véhicules à hydrogène décarboné ou encore les véhicules bioGNV et apporter ainsi de nouvelles pistes pour la décarbonation de notre mobilité.
Mais, face à des potentiels de production qui resteront encore faible pendant les prochaines années, ces alternatives sont pour le moment réservées, dans le domaine de la mobilité, aux usages pour lesquels l’électricité trouve ses limites (volume requis, charge utile, autonomie du véhicule, rapidité de recharge), notamment pour la mobilité lourde (poids lourds, bus, autocar) ou pour les cas particuliers d’usages très intensifs avec taux de disponibilité élevés, comme certains taxis. Ainsi, l’hydrogène pourrait servir – comme évoqué ci-dessous – à décarboner d’abord la mobilité professionnelle.