En juin 2018, l’ex Ministre de la Transition Écologique et Solidaire, Nicolas Hulot, présentait son plan de déploiement de l’hydrogène et affirmait que celui-ci “peut devenir l’un des piliers d’un modèle énergétique neutre en carbone”. En effet, ce gaz invisible et inodore – reconnu pour être l’élément chimique le plus abondant dans l’univers – constitue un vecteur énergétique qui pourrait contribuer à la décarbonation de notre économie. En particulier l’industrie et les transports, deux secteurs prioritaires.
Le secteur des transports est ainsi le premier émetteur de gaz à effet de serre du pays, avec 31% des émissions nationales. La voiture individuelle représente la moitié de ces émissions et le transport de marchandises en est le second contributeur. Et si la voiture électrique semble aujourd’hui l’alternative privilégiée pour remplacer les voitures individuelles, le secteur du transport, lui, souffre encore d’un manque de solutions.
D’autant que les pouvoirs publics commencent à restreindre la circulation des véhicules les plus polluants, notamment via la mise en place de ZFE. D’un autre côté, des carburants alternatifs émergent : les biocarburants, le bioGNV ou encore l’hydrogène vert, qui commence à se positionner comme la meilleure alternative pour les véhicules lourds. Un sujet qui a d’ailleurs tapé dans l’oeil de la Commissaire Européenne aux Transports, Adina Valean, qui avait réaffirmé fin 2021 les objectifs européens de déploiements de 60 000 camions à pile à combustible ainsi que celui d’un réseau de 1500 stations hydrogène d’ici à 2030 afin de soutenir la décarbonation du secteur européen des transports.
L’hydrogène, une alternative face aux défis du transport de marchandises?
D’après l’association France Hydrogène, qui regroupe les différents acteurs de la filière, cet attrait pour l’hydrogène vert s’explique en partie par les limites inhérentes aujourd’hui à la mobilité électrique : manque de puissance des batteries, manque d’autonomie et temps de recharge trop long.
L’hydrogène, de son côté, permet une autonomie supérieure à celle des véhicules électriques batteries, et proche de ce qu’un moteur thermique offre. Aujourd’hui, les modèles expérimentaux de poids lourds électriques à hydrogène sont capables de parcourir entre 400 et 800km entre deux recharges. Les prochains modèles promis par la filière devraient être en mesure de franchir les 1 000km d’autonomie dans la décennie qui vient.
Autre avantage des véhicules roulant à l’hydrogène, ils profitent d’un temps de recharge bien plus court que ce qu’offrent aujourd’hui les véhicules électriques batterie. Toujours d’après France Hydrogène, ce temps serait 6 fois plus court pour un poids lourd électrique PAC (pile à combustible) que pour un électrique batterie. Entre autres, l’hydrogène peut s’adapter facilement à tout type de véhicule : poids lourds, utilitaires, bennes à ordures, bus, etc. Face aux impératifs de réduction des émissions de CO2 pour les poids lourds fixés à -15% en 2025 et -30% en 2030 (par rapport à 2019), l’hydrogène apparaît dès lors comme une option crédible.
À condition, bien sûr, qu’il s’agisse d’hydrogène obtenu à partir de sources d’électricité vertes ou bas-carbone et non, comme c’est le cas aujourd’hui, avec la méthode du vaporeformage du méthane, un procédé extrêmement polluant. Près de 94% de l’hydrogène est actuellement produit via cette méthode responsable de l’émission d’environ 11,5 millions de tonnes de CO2, soit presque 3% émissions nationales. Augmenter la production d’électricité verte dans ce cadre est donc un impératif industriel majeur pour la France, dont le plan Hydrogène prévoit d’importants investissements en la matière.
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Une filière propulsée par des collaborations et des écosystèmes d’innovation
En outre, toute une filière reste encore à structurer afin de permettre à cette technologie d’être déployée à grande échelle. De nombreux acteurs – nationaux et européens – se mobilisent et se coordonnent au travers de partenariats et alliances stratégiques pour assurer la croissance pérenne de l’hydrogène dans le secteur du transport des marchandises.
Pour n’en citer que quelques uns, l’association de Daimler Truck et du groupe Volvo au sein de la joint-venture Cellcentric projettent « de construire, d’ici 2025, l’une des plus grandes usines européennes de fabrication de piles à combustible ». On peut citer également l’initiative H2Accelerate, une collaboration entre des producteurs d’hydrogène, exploitants d’infrastructures et constructeurs de véhicules incluant Shell, Linde, TotalEnergies, Iveco, Daimler Truck, OMV et Volvo Group, compte accélérer le développement des camions à hydrogène en Europe.
En parallèle, les constructeurs travaillent actuellement à la livraison des premières pré-séries de camions, prévus pour 2023-2024. Hyzon Motors devrait par exemple fournir 80 camions électriques à hydrogène à des clients français de TotalEnergies d’ici 2023. Le consortium HyTrucks – impulsé par Air Liquide – souhaite déployer de son côté 1 000 camions électriques à hydrogène ainsi que 25 nouvelles stations de recharge à l’horizon 2025. La marque Hyundai a annoncé vouloir déployer 1 600 camions à hydrogène en Suisse dès 2026. La filière estime ainsi qu’elle dispose d’un potentiel de ventes des camions électriques à hydrogène s’élevant jusqu’à 17% des ventes annuelles en 2030.
L’hydrogène vert séduit déjà de nombreuses collectivités
En matière de transport à hydrogène, des initiatives ont déjà vu le jour dans différentes régions de France et soulignent l’attrait de cette technologie pour les collectivités territoriales. Depuis 2019, par exemple, la ville de Pau a mis en circulation 8 bus à hydrogène ainsi que la mise en service des infrastructures de production et de charge, pour un coût d’environ 74 millions d’euros. La ville de François Bayrou compte d’ailleurs agrandir sa flotte avec 4 véhicules supplémentaires pour juillet 2022.
En Bourgogne, le projet Smart EnergHy illustre également le pari fait par Dijon Métropole sur l’hydrogène afin de décarboner les transports de la ville. Dès cette année, 27 bus, 8 bennes à ordures ménagères ainsi qu’une quinzaine de véhicules légers devraient circuler grâce à l’hydrogène bas-carbone obtenu localement via une ferme photovoltaïque et la valorisation des déchets des habitants de la ville. Cette initiative permettrait d’économiser près de 1 750 tonnes de CO2 par an.
En Vendée, La Roche-sur-Yon compte également sur l’entreprise Lhyfe pour développer de l’hydrogène vert et alimenter ses véhicules : utilitaires, bennes à ordure, mais aussi assurer la recharge pour des véhicules de particuliers. Ailleurs en France, des projets similaires sont également en cours de déploiement à Versailles ou encore dans la Sarthe, au Mans.