Comerso propose une palette de solutions clé en main pour permettre aux entreprises d’atteindre progressivement l’objectif zéro déchet. La start up travaille aujourd’hui autant avec des supermarchés que des grandes multinationales. Système U et Intermarché ont par exemple déjà référencé la start up au niveau national, tout comme le groupe Danone.
Spécialiste des filières de l’économie circulaire, Comerso s’occupe de l’intégralité des process opérationnels et de la logistique, et se rémunère de deux manières. “On loue certaines solutions numériques à nos clients sous forme d’abonnement mensuel. Et on prend une commission sur l’économie générée par l’entreprise lors d’un don à une association”. Fort d’une croissance multipliée par 4 tous les ans ces dernières années, l’entreprise veut maintenant accélérer et démocratiser l’économie circulaire au niveau B2B dans tous les secteurs d’activité. Et pourquoi pas prochainement à l’étranger.
Nous avons échangé avec François Vallée, directeur marketing et communication, sur les ambitions de la startup.
Les Horizons : Qu’appelle t-on zéro déchet ?
François Vallée : Ce qu’on appelle zéro déchet, c’est le non valorisé. Car évidemment il y a toujours une part de déchets incompressibles. On propose un pool de solutions allant du déstockage, en passant par la promotion connectée en magasin, le don aux associations et la valorisation des déchets résiduels par la mise en place de nouvelles filières d’économie circulaire.
En quoi les nouvelles technologies et le numérique sont justement des vraies réponses contre le gaspillage ?
On essaie d’être agile dans la première phase d’innovation et de-co construction avec le client. Et d’adapter la solution numérique qui correspond. Les nouvelles technologies ont ce potentiel énorme d’adaptabilité. Si le problème est bien cerné, les nouvelles technologies apportent la souplesse pour développer des outils adaptés, et ce dans un temps court.
Elles servent également à sécuriser et à fluidifier les flux de marchandises et de déchets. Tout est enregistré numériquement. Les entreprises récupèrent ces datas, savent où vont leurs marchandises et vers quelles associations. Ces données permettent également de voir où se situent les potentielles fuites et d’ajuster la production.
Il faut une loi claire, ambitieuse et contraignante
Quelles sont les entreprises et les secteurs ciblés par Comerso ?
Historiquement la grande distribution. On travaille aujourd’hui avec quasi toutes les entreprises du retail français, principalement sur le gaspillage alimentaire. Mais le gaspillage n’est pas qu’alimentaire, il est global. Et concerne toutes les entreprises. On a étendu notre périmètre aux industriels alimentaires et non alimentaires, plateformes logistiques… Ça commence dans la restauration également.
Vous ne perdez pas en efficacité en essayant de lutter contre tous les gaspillages ?
Des ponts se créent entre les différentes entreprises. Nous on reste focus sur le B2B et on voit que nos solutions sont duplicables. Par exemple le don aux associations se duplique aux industriels ou aux plateformes logistiques. Pareil pour le traitement des déchets, les sortants bio-déchets d’un restaurant sont les mêmes que pour la distribution.
La plupart du temps les problématiques d’un client se retrouvent chez un client similaire en terme d’offre ou de structure. Du coup on fait du sur mesure au début d’un nouveau besoin, et on le duplique après.
Quel est l’argument le plus impactant pour les entreprises ?
L’impact financier prime aujourd’hui. On doit arriver à les convaincre qu’en payant la facture de la prestation Comerso, elles vont générer des économies derrières. Ça n’est pas toujours simple à faire comprendre. Mais celles qui l’ont compris travaillent toujours avec nous. On a très peu de désengagement, elles sont satisfaites. Les économies sont au rendez-vous et c’est vraiment le premier point recherché.
Qu’en est-il du bénéfice écologique ou social ?
Ça dépend à qui on s’adresse. En grande distribution, et encore plus quand c’est un indépendant, il faut comprendre que le patron est gérant de société et donc des fins de mois. Lui, sa clé d’entrée sera la dimension financière. Quand on parle à des directions RSE de grands groupes, le discours environnemental et social sera mis en avant.
Quel est le principal frein rencontré dans vos prospections ?
Certaines entreprises pensent bien faire. Elles nous disent qu’elles n’ont pas de problèmes d’invendus ou de déchets. En fait ca n’est pas si vrai et des optimisations sont possibles. Ils y a aussi des entreprises pour lesquelles ça n’est pas une priorité.
Le premier enjeu est d’avoir conscience qu’une optimisation est toujours possible. Il faut avoir cet état d’esprit. Car certaines entreprises perçoivent les invendus ou les déchets comme un échec, notamment dans la grande distribution. Mauvaises commandes, mauvaises ventes, personnel pas à la hauteur etc. Et il arrive que les responsables refusent de s’intéresser à ce problème, car ils ne veulent pas trop en parler. Reconnaître d’avoir des invendus ou des déchets c’est parfois un aveu de faiblesse. Et c’est là il faut changer d’état d’esprit : il faut accepter de se faire accompagner sur ces sujets.
La lutte contre le gaspillage a une actualité législative forte ces derniers jours. Quel est votre bilan sur la Loi anti-gaspillage, dite Loi Garot, après 3 ans de mise en pratique ?
C’est globalement très positif. On est le seul pays au monde à s’être doté d’un dispositif légal de cette sorte : une loi contre le gaspillage. Cette loi a apporté un changement de mentalité. Les entreprises ont bougé et le grand public s’est emparé du sujet. On a aussi constaté que la grande distribution a considérablement réduit son volume d’invendus et de déchets. Il existe des points d’optimisation sur la loi Garot au niveau de la qualité des dons. Les entreprises étant obligés de valoriser leurs invendus, certaines ont fait n’importe quoi. C’est un des sujets sur 2019.
Lire notre interview de Jean Moreau (Phénix) : « Le comportement des consommateurs nous rend optimistes »
Comerso agit en tant que tierce personne garante de la qualité des dons ?
Tout à fait. Nous sommes nous mêmes accompagnés par des professionnels de la logistique du froid par exemple. Du coup on accompagne les clients sur ces sujets, on les forme, on les accompagne sur la qualité des produits. On a donc un vrai suivi qualité. Une association qui collecte seule peut avoir des taux de rebuts de l’ordre de 25 à 30%. Avec nous c’est de l’ordre de 2 à 3%.
On a également mesuré une progression des entreprises qui appliquent à la lettre la Loi Garot. Car cette loi recommande un escalier de valorisation des produits. En premier lieu, bien gérer ses stock. Puis s’il y a des invendus, privilégier la voie de l’alimentation humaine. En 3 elle doit valoriser ces invendus par l’alimentation animale. Et en 4 par la méthanisation ou le compost. A date, uniquement 28% des magasins suivent à la lettre ces escaliers. Ils étaient à 6% en 2018. Donc ca progresse mais il y a encore du chemin.
Ça n’est pas alarmant ces chiffres qui certes progressent, mais semblent encore très modestes ?
Le gros problème réside dans le fait que la loi n’est pas assez contraignante. Si on reprend les dons aux associations, il est indiqué dans la loi que le magasin doit avoir contracté au moins une convention de don avec une association. Mais ça n’est pas parce qu’une enseigne a contracté une convention avec une association qu’elle va donner tous les jours. Or, l’enseigne a des invendus et des déchets tous les jours. Il faut mettre en place des systèmes de récupération de manière quotidienne. Sinon on continue de jeter, alors que l’enseigne est dans les clous par rapport à la loi. Il y a bien aussi une amende de 3750€ pour les magasins qui ne sont pas en conformité. Mais il n’existe aucune autorité pour décerner ces amendes ! En 2018 aucune amende n’a donc été attribuée.
Aujourd’hui pour les entreprises, l’impact financier prime
Quel est votre ressenti sur le Projet de loi économie circulaire discuté actuellement au Parlement ?
C’est une sorte d’extension de la loi Garot, on en attend beaucoup. La notion de gaspillage s’étend au delà du gaspillage alimentaire. Brune Poirson souhaitait accélérer les choses depuis la feuille de route initiée par M.Hulot et elle même il y a un an. On pense que la loi devrait marcher si elle est suffisamment contraignante. Elle doit être écrite de façon très claire sans ambiguïté. Pour ne pas retomber sur le défaut de la loi Garot 1, qui peut laisser libre court à l’interprétation, et donc un échappatoire pour les entreprises. Il faut une loi claire, ambitieuse et contraignante. C’est compliqué de se prononcer maintenant mais c’est une très bonne chose dans tous les cas.
Quels seraient les impacts en vue pour Comerso ?
Notre activité s’est développée en parallèle de la loi Garot. Ça a été un accélérateur pour nous, notamment vis à vis de la grande distribution. On espère donc que cette loi va sensibiliser des secteurs d’activités plus larges.