L’Europe est aujourd’hui confrontée à deux défis majeurs, à savoir la décarbonation de son économie et la nécessité de renforcer sa souveraineté énergétique. Sur ces deux points, les regards se tournent notamment vers la production d’hydrogène grâce au nucléaire où aux énergies renouvelables (éolien et solaire photovoltaïque).

La question de l’énergie solaire est notamment très importante car la capacité solaire actuellement installée en Europe, qui s’élève à 199 GW, devrait doubler d’ici 2025 et quadrupler d’ici 2030. Cette croissance entraînera une demande massive de panneaux photovoltaïques, qui devrait atteindre environ 60 GW par an en 2025, puis 100 GW par an en 2030 à l’échelle européenne. Mais cette forte demande se heurte à une réalité : notre dépendance au marché asiatique. Ainsi, à l’échelle mondiale, seulement 3 % des panneaux photovoltaïques sont produits en Europe et aucun acteur européen ne figure parmi les dix premiers producteurs mondiaux de panneaux solaires.

Pourtant, l’Europe est un énorme marché. Le 2ème au monde, avec une production d’électricité renouvelable en hausse, et qui commence même à devenir pertinente. L’été dernier, par exemple, les panneaux photovoltaïques ont fourni 12,2 % de l’électricité de l’Union européenne sur la période allant de mai à août 2022. Pendant cette période, l’énergie solaire a représenté 7,7 % de la production d’électricité en France, mais 23 % aux Pays-Bas et 19 % en Allemagne. Des chiffres qui sont évidemment à pondérer sur une année complète mais qui illustrent de mieux en mieux la pertinence du solaire dans le mix énergétique européen. Et pour accélérer encore sur le sujet, il ne manque plus qu’une production de panneaux photovoltaïques made in Europe.

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Un projet européen, mais situé en France

C’est pour répondre à cette problématique qu’est née l’entreprise industrielle Carbon en 2022. Fondée par Pascal Richard (ancien dirigeant de SMA France) et Pierre-Emmanuel Martin (président fondateur du groupe Terre et Lac et de la startup My Energy Manager) la jeune pousse située à Roche-la-Molière, près de Saint-Etienne, est un projet européen de « gigafactory » dédiée au photovoltaïque.

« Notre originalité est de vouloir intégrer toute la chaîne de valeur du silicium au module pour produire des panneaux et composants photovoltaïques en Europe, qui répondent aux attentes du marché en termes de qualité et de compétitivité. Cela implique une véritable vision industrielle mêlant à la fois des processus de fabrication « traditionnels » (chimiques, métallurgiques, électroniques…) et une chaîne de production à la pointe appuyée sur un centre R&D du futur pour les cellules photovoltaïques » explique Pierre-Emmanuel Martin, administrateur et cofondateur de Carbon.

Elle entend fournir un vaste réseau d’acteurs sur le marché français et européen : les développeurs et installateurs de centrales solaires ; les distributeurs et grossistes de composants et d’équipements photovoltaïques ; mais aussi les assembleurs de panneaux et de modules intégrés et le marché des fabricants de cellules qui achètent directement des plaquettes de polysilicum (ce qu’on appelle les wafers).

Projet à dimension européenne, Carbon est soutenu par le centre international de recherche sur l’énergie solaire ISC Konstanz (Allemagne) ainsi que l’Institut Becquerel (Belgique & France) avec lesquels l’entreprise collabore sur différents aspects, de l’accès au marché jusqu’aux aspects technologiques. L’objectif de l’entreprise, c’est d’offrir au marché européen une solution compétitive par rapport à la concurrence asiatique. En septembre 2022, l’entreprise a également noué un partenariat technologique et industriel avec le groupe ECM, leader mondial du secteur, qui est entré à hauteur de 20% dans le capital de la jeune pousse.

Et fort de ces partenariats, Carbon entend désormais passer à la vitesse supérieure avec la création d’une usine prototype et la mise en oeuvre de sa gigafactory, qui devrait être située dans le sud de la France.

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Vers une gigafactory solaire à Marseille

L’entreprise vient ainsi d’annoncer le lieu d’implantation de sa future usine de produits photovoltaïques, qui sera située (sous réserve de l’avis de la commission nationale du débat public) à Fos-sur-Mer, sur le Grand Port Maritime de Marseille. Sa mise en service est prévue pour fin 2025, avec une montée en puissance graduelle en 2026. Cette usine géante devrait permettre la production annuelle de 5 GW de cellules photovoltaïques et de 3,5 GW de modules en France.

Le budget d’investissement pour cette giga-usine s’élève à 1,5 milliard d’euros, réparti entre des subventions européennes et françaises, et des financements privés, notamment des levées de fonds. À terme, le projet devrait participer à la création de 3 000 emplois sur le territoire mais l’ambition de Carbon est de participer à la création d’au moins 10 000 emplois directs et indirects dans la filière photovoltaïque.

Dans un premier temps, c’est d’abord un site pilote de 300 mégawatts sera inauguré par la startup au dernier trimestre 2023. Il abritera également une école de formation sur le photovoltaïque et un centre de recherche appliquée. Un modèle similaire à ce que propose l’entreprise Verkor dans le domaine de la voiture électrique. D’ailleurs, que ce soit dans le domaine automobile ou dans le domaine de l’énergie solaire, les projets de « gigafactory » se multiplient ces dernières années.

Sur le marché du panneau solaire, d’autres acteurs européens travaillent également sur des projets similaires. C’est le cas, par exemple, de l’énergéticien italien Enel, qui a annoncé ce début mars 2023 son intention d’agrandir son usine de panneaux photovoltaïques située à Catane en Sicile, afin de multiplier par 15 sa capacité de production d’ici 2024, à 3 GW contre 200 MW actuellement. En Allemagne, le groupe suisse Meyer Burger souhaite également faire passer son usine de panneaux solaires d’une capacité annuelle de 400 MW à 1 GW.

Ces différents projets sont en lien avec une ambition forte portée par l’Union européenne, qui a lancé en 2021 le plan Fit for 55 (décarbonation et réduction de nos émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030) puis, en mars 2022, le plan REPowerEU (réduction de notre dépendance énergétique et accélération du déploiement des énergies renouvelables). Plus récemment, en décembre 2022, l’UE a également mis en place l’alliance européenne de l’industrie solaire (ESIA) afin de développer massivement les capacités manufacturières européennes sur toute la chaîne de valeur du photovoltaïque.

À noter que si la France manque encore à ce jour de fabricants de panneaux solaires, elle peut en revanche s’appuyer sur une filière structurée en ce qui concerne le recyclage des panneaux solaires. En France, l’éco-organisme Soren a pu en recycler 5 000 tonnes en 2019 et s’organise d’ores et déjà pour recycler un volume de 50 000 tonnes par ans d’ici 2030.

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