Le 17 septembre 2021, l’ONU a rendu public un rapport d’évaluation des mesures prises par les 191 États signataires de l’Accord de Paris, dont l’objectif est de contenir le réchauffement climatique à +1,5°C.

6 ans après la COP 21, le constat n’est évidemment pas à la hauteur de l’enjeu. Et les mesures prises par la communauté Internationale ces dernières années nous mènent tout droit vers un réchauffement à + 2,7°C. Très loin de l’objectif fixé. Preuve que la notion « d’urgence climatique » n’est pas encore prise au sérieux.

À quelques semaines de la COP26, il s’agit d’un signal d’alarme lancé à la communauté internationale. Un signal d’alarme qui vient s’ajouter à une (très) (trop) longue liste de rapports et d’alertes qui s’additionnent depuis la fin de la seconde-guerre mondiale. Évidemment, la coopération entre des centaines d’États, de cultures et de politiques n’est pas chose aisée et implique des efforts considérables ainsi qu’une certaine dose d’inertie. Par ailleurs, il y a aussi eu de très belles avancées ces dernières années en matière de lutte contre le réchauffement climatique et pour la préservation de la biodiversité.

L’occasion pour nous de revenir sur 73 ans de coopération internationale vis-à-vis du climat. Avec une question de fond : à quel moment va t’on réellement changer les choses ?

1948. Il y a 73 ans, la première ONG de protection de la nature est créée

La première ONG internationale de protection de la nature a donc été créée il y a 73 ans, en 1948, sous l’appellation d’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Son objectif est d’informer et de réunir les gouvernements et la société civile afin de protéger l’environnement et la biodiversité. L’UICN est notamment connue pour sa liste rouge des espèces en danger qu’elle actualise chaque année depuis 1964. Une liste qui nous apprend, par exemple, qu’en 2021, 41% des amphibiens, 14% des oiseaux et 26% des mammifères sont menacés d’extinction au niveau mondial, mais aussi 34% des conifères et 37% des requins.

L’UICN rend son premier rapport sur l’état de l’environnement en 1950. Dans son sillage, plusieurs personnalités commencent à alerter l’opinion publique sur la manière dont nos modes de vie impactent la biodiversité. Ce sera le cas par exemple de l’océanographe française Anita Conti, qui évoque les dangers de la surpêche dans les années 1950, ou encore de la biologiste américaine Rachel Carson qui alerte sur l’utilisation des pesticides en 1962. Mais il faudra encore attendre le début des années 1970 pour que le sujet change de dimension, quand des militants écologistes et des scientifiques décident de se réunir lors de ce qui deviendra la première conférence internationale sur le thème de l’environnement.

Il en ressort un rapport diffusé en 1971, appelé “Message de Menton”. Écrit par 2 200 savants de 23 pays différents, il s’adresse aux Nations Unies et se veut « un message aux 3 milliards et demi de terriens ». Ce rapport souligne les limites de la planète, les pollutions diverses liées aux industries et aux transports. Il dénonce aussi les monocultures, le déboisement, l’impact de nos modes de vies sur la nature et les inégalités qui en découlent.

Il met ainsi en garde les instances décisionnelles et les citoyens sur ce que nos comportements induisent pour la planète. Ce sera le premier rapport d’une longue série de rapports. Mais il mobilise la communauté internationale et favorise l’organisation, un an plus tard, du premier Sommet de la Terre.

Les ressources naturelles du globe y compris l’air, l’eau, la terre, la flore et la faune […] doivent être préservés dans l’intérêt des générations présentes et à venir

Principe 2/26 de la Déclaration de Stockholm en 1972


1972. La Conférence de Stockholm, le premier Sommet de la Terre

Un an après la publication du « message de Menton », l’ONU organise donc sa première conférence internationale sur l’environnement, en 1972, à Stockholm. Ce sera le premier « Sommet de la Terre ». À cette occasion, le Club de Rome – un groupe de réflexion composé de scientifiques, d’économistes et de fonctionnaires internationaux – y dénonce les effets négatifs de la croissance sur les ressources, la pollution et les systèmes naturels au travers d’un rapport mondialement connu : le rapport Meadows, aussi appelé « Les limites de la croissance ». Le second rapport d’une longue série de rapports.

La Conférence de Stockholm reste cependant un moment historique car elle s’inscrit comme socle pour renforcer l’action internationale contre le changement climatique avec la mise en oeuvre de mesures concrètes comme la création du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), dont dépend par exemple le GIEC. Cette conférence permet aussi l’adoption de la Déclaration de Stockholm, 26 principes dont voici quelques exemples :

  • Principe 3 – La capacité du globe de produire des ressources renouvelables doit être préservée et, partout où cela est possible, rétablie ou améliorée ;

  • Principe 7 – Les États devront prendre toutes les mesures possibles pour empêcher la pollution des mers par des substances qui risquent de mettre en danger la santé de l’homme, de nuire aux ressources biologiques et à la vie des organismes marins.

« Only one Earth »
En 1972 lors de la Conférence de Stockholm, tout était déjà dit : il n’y a pas de Planète B


1973 – 1987 : les premières décisions contraignantes

En 1973, la Convention de Washington sur la réglementation du commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction montre que la communauté internationale prend conscience de la nécessité de préserver la biodiversité et l’environnement. 34 000 espèces sont classées et protégées selon le niveau de la menace qui pèse sur elles. 175 pays signent cette convention et sont contraints de la respecter. Pour la première fois en matière d’écologie, la notion de contrainte s’immisce dans le débat.

Quelques années plus tard, des chercheurs qui s’intéressent à l’ozone stratosphérique découvrent que la prolifération massive de certains gaz persistants détruit la couche d’ozone. Les CFC (chlorofluorocarbures) sont des gaz utilisés dans les réfrigérateurs, les systèmes de climatisation, les aérosols, extincteurs, etc. La communauté internationale se saisit du sujet et s’accorde, lors de la Convention de Vienne en 1985, pour lutter contre ces produits. Cette convention est adoptée par 28 pays en mars 1985. 

Par la suite, le Protocole de Montréal sera le premier à réguler l’usage des CFC. Il est signé en septembre 1987 par 24 pays et par la Communauté Économique Européenne. Il établit un calendrier d’élimination progressive des CFC à l’échelle internationale. Au fur et à mesure, les substances sont interdites partout dans le monde et les scientifiques observent la résorption progressive du trou.  

Cet accord multilatéral est un exemple de réussite. L’accord a été pris rapidement, il est contraignant et il a permis de trouver des solutions concrètes et applicables au problème, qui est en voie de se résoudre. En 2015, l’ONU estimait que nous avions réussi à éliminer plus de 98% de toutes les substances qui appauvrissent la couche d’ozone.

La capacité du globe de produire des ressources renouvelables doit être préservée et, partout où cela est possible, rétablie ou améliorée.

Principe 3/26 de la Déclaration de Stockholm en 1972


1987-1991 : le rapport Brundtland et la création du GIEC renforcent la coopération Internationale

1987 marque aussi l’année du Rapport Brundtland, du nom de Gro Harlem Brundtland, première ministre Norvégienne, qui officialise pour la première fois le terme de Développement Durable dans un rapport de l’ONU. (Le terme était utilisé depuis 1980 par l’UICN).

Ce rapport a joué un rôle essentiel dans la prise de conscience des citoyens et des instances gouvernementales. Il met l’accent sur trois enjeux cruciaux : les besoins immédiats des plus précaires (et de la lutte contre la pauvreté), la nécessité d’anticiper les besoins des générations futures (solidarité intergénérationnelle) et des impacts négatifs que peuvent avoir les techniques et les systèmes sociaux actuels sur l’environnement (la science et le progrès technique est/était souvent assimilé à du positif uniquement). 

Un an plus tard, en 1988, est créé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Il regroupe aujourd’hui 195 États. L’objectif de ce groupe désormais célèbre est d’évaluer les risques liés au réchauffement climatique, de comprendre les conséquences actuelles et futures du réchauffement climatique et de réfléchir à des recommandations et des stratégies de réduction des impacts négatifs et d’adaptation au monde de demain. 

Les rapports du Giec se basent sur une compilation, une étude et une synthèse des travaux de recherches menés sur le sujet à travers le monde. Ils sont une bible pour comprendre le réchauffement climatique et trouver les voies pour le réduire et s’y adapter. C’est l’un des exemples les plus formidables de ce que la coopération internationale peut permettre pour agir concrètement et positivement face aux menaces qui pèsent sur le futur de nos sociétés.

Autre exemple intéressant sur le même sujet, la création en 1991 du FEM (Fonds pour l’environnement mondial), qui est instauré pour soutenir financièrement des projets qui ont pour objectif la préservation de l’environnement, de la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique. Il est composé de 183 États. De 1991 à 2020, il aurait soutenu près de 4 500 projets dans 170 pays. 

Les ressources non-renouvelables du globe doivent être exploitées de telle façon qu’elles ne risquent pas de s’épuiser et que les avantages retirés de leur utilisation soient partagés par toute l’humanité.

Principe 5/26 de la déclaration de Stockholm en 1972


1992. 20 ans après Stockholm, un Sommet de la Terre emblématique à Rio de Janeiro

Les Sommets de la Terre sont les plus grands rassemblements internationaux liés à la préservation de l’environnement. Le Sommet de la Terre de Rio en 1992 sonne néanmoins comme un ralentissement d’un point de vue juridique, étant donné que la déclaration adoptée n’est pas contraignante et elle reconnaît aux États la souveraineté “d’exploiter leurs ressources selon leur politique d’environnement et de développement”, ce qui laisse beaucoup de libertés à ceux qui doutent.

Toutefois, ce Sommet est tout de même vu comme un succès, notamment parce qu’il a permis de réunir, durant 25 jours, 129 chefs d’États et de gouvernement, les représentants de 189 pays et 2 400 ONG. Par ailleurs, cette rencontre permet d’établir et d’ancrer certains principes comme le principe pollueur-payeur à l’origine des filières REP. Il a aussi permis l’adoption de conventions telles que la Convention sur la diversité biologique (CDB), sur la lutte contre la désertification (CLD) et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Surtout, c’est à cette occasion que le l’Agenda 21 a été adopté : un programme d’actions qui émet des recommandations novatrices pour atteindre un développement durable global au cours du 21ème siècle. 

Le Sommet de Rio a aussi préparé le terrain pour la mise en place de nouveaux accords multilatéraux liés à l’environnement (AME), relatifs aux stocks de poissons et aux grands oiseaux migrateurs, signés en 1995

Les États devront prendre toutes les mesures possibles pour empêcher la pollution des mers par des substances qui risquent de mettre en danger la santé de l’homme, de nuire aux ressources biologiques et à la vie des organismes marines marins

Principe 7/26 de la déclaration de Stockholm en 1972


1997-2002. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »

Les conférences et conventions précédentes ont aussi permis l’adoption du Protocole de Kyoto en 1997, dans lequel 38 pays industrialisés se sont engagés à réduire leurs émissions de GES, avec des objectifs chiffrés (réduction de 5,2% entre 2008 et 2012 par rapport à 1990). Le principe de l’échange de permis d’émissions de GES a aussi été institué. Il est entré en vigueur en 2005

Ce Protocole de Kyoto est intéressant puisqu’il respecte le principe d’une responsabilité différente entre pays industrialisés et pays en développement. Un point intéressant à l’époque pour une certaine équité de développement. Une faiblesse pour l’environnement puisque des pays comme la Chine ou l’Inde, qui font partie des plus polluants aujourd’hui, n’étaient alors pas soumis aux objectifs de réduction d’émissions de GES. Le Protocole de Kyoto a expiré en 2012, d’autres accords ont pris la suite, et cette difficulté liée à l’émergence rapide de pays autrefois en développement qui ont maintenant une économie conséquente et des émissions de GES considérables, reste d’actualité. Une autre limite de ces protocoles, ce sont aussi les désengagements de certains États qui ne ratifient pas tous les accords ou qui s’en retirent. 

Quelques années après, un nouveau Sommet de la Terre est organisé en 2002, à l’occasion des 30 ans de la déclaration de Stockholm. Un sommet en demi-teinte qui met en avant les limites de la mondialisation et la difficulté à réduire les inégalités en pays du Sud et pays du Nord. Des questions relatives aux aides financières des pays développés envers les autres bloquent la mise en place d’accords contraignants.

Par ailleurs, plus concernés par la guerre en Irak que par l’état de la planète, les États-Unis ne participent pas à ce sommet et trouvent tout de même le moyen de s’opposer à certaines propositions, comme la mise en place d’un principe de précaution. C’est à cette occasion que Jacques Chirac fera l’une de ses déclarations les plus célèbres : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».

Les accords de Paris en 2015 constituent une avancée majeure en matière de coopération internationale, mais encore insuffisante


2003-2011. Le réchauffement climatique est acté, la lutte pour le maîtriser débute

Dans le courant des années 2000, les conférences, sommets et protocoles se multiplient afin de lutter contre le réchauffement climatique. En 2009, la Conférence sur le climat à Copenhague permet d’aboutir à un accord non-contraignant qui établit des objectifs ambitieux en termes de réduction d’émissions de GES. L’accord vise une réduction de 50% pour 2050 par rapport à 1990, et souhaite limiter l’augmentation de la température à +2°C pour 2100 (par rapport à l’ère pré-industrielle). 

En 2010, les Conférences sur la biodiversité à Nagoya et des Parties à Cancùn viennent renforcer l’accord de Copenhague et réaffirmer l’objectif de la limite des +2°C.

En 2011, la Conférence de Durban sur les changements climatiques est organisée. Elle a pour but de prendre la suite du Protocole de Kyoto (qui arrive à échéance en 2012). Les négociations sont difficiles et longues et n’aboutissent pas à un accord contraignant. Le Sommet de Rio+20 en 2012 est aussi perçu par les associations et les écologistes comme raté. Les négociations piétinent et les accords finaux sont souvent non contraignants ou des recommandations. 

Cela fait désormais 40 ans que les premières alertes ont été lancées. Et malgré les discours, l’inertie de la coopération internationale sur le sujet du climat commence à se voir réellement.

Le développement économique et social est indispensable si l’on veut assurer un environnement propice à l’existence et au travail de l’homme

Principe 8/26 de la déclaration de Stockholm en 1972


2015. Un nouvel espoir à Paris lors de la COP 21 ?

La COP 21 organisée à Paris en 2015 donne un regain d’espoir aux militants écologistes. Elle aboutit sur les Accords de Paris, ratifiés par 55 pays couvrant au moins 55% des émissions de GES et signés en tout par les 195 pays négociants. L’objectif international de lutte contre le réchauffement climatique y est revu à la hausse, avec une limitation de l’augmentation de la température entre +1,5°C et +2°C en 2100 (par rapport à l’ère pré-industrielle).

Cet accord oblige également les Parties prenantes à communiquer de manière précise et détaillée sur leurs émissions de gaz à effet de serre et sur les mesures mises en place pour les atténuer. Ces informations doivent être examinées par des experts internationaux.

Les mesures d’éducation et de sensibilisation doivent aussi être renforcées depuis l’Accord de Paris. Il y a toujours des objectifs différenciés selon si le pays est en développement ou non. L’Accord de Paris encourage à prendre des mesures pour la protection des puits de carbone, et pour leur renforcement. Il réaffirme également la nécessité de l’atténuation et de l’adaptation et vise à développer une aide financière notamment pour les pays en développement.

Cet accord est contraignant, mais non incitatif, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de taxe prévue sur l’émission de GES par exemple, et il reste toujours le problème du désengagement possible de certains États en fonction de leur humeur. Ce qui sera démontré par les États-Unis sous Donald Trump. Cependant, l’Accord de Paris, en son article 14, fixe une évaluation des progrès et une actualisation si besoin, des objectifs et des mesures, tous les 5 ans à partir de 2023

Il est essentiel de dispenser un enseignement sur les questions d’environnement aux jeunes génération aussi bien qu’aux adultes […] pour donner aux individus, aux entreprises et aux collectivités le sens de leurs irresponsabilités

Principe 19/26 de la déclaration de Stockholm en 1972


En conclusion, une réelle prise de conscience internationale mais des difficultés encore trop nombreuses

Aujourd’hui, les experts des Nations-Unies s’accordent à dire que le monde file tout droit vers un réchauffement à +2,7°C dont les conséquences seront terribles pour de nombreux pays et pour des millions de personnes. Alors que l’urgence est plus que jamais d’actualité, il ressort de ces précédentes expériences la difficulté de la coopération entre les États, ce qui met aussi en avant la nécessité de prendre des mesures au niveau régional, national et local, partout dans le monde.

Les limites visibles de cette coopération découlent aussi du manque de moyens accordés à la transition sociale, et solidaire, c’est-à-dire la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités. Il est à noter aussi que ces décennies de conférences, sommets et accord internationaux sont presque tous exempts de la notion de sobriété, pourtant essentielle pour lutter contre le réchauffement climatique.

De nouvelles décisions pourraient être prises cette année avec la COP 15 Biodiversité qui se déroule en Chine ou la COP 26 de Glasgow. Sans oublier que le bilan des Accords de Paris en 2023 pourrait également relancer la prise de mesure à l’international. Au niveau national, les mois qui viennent seront ceux d’une élection cruciale, aussi, pour mener à bien des engagements volontaires en matière de climat.