Quand la terre est nue, elle se retrouve sans défense et appelle au secours. Elle demande qu’on la rhabille.

Wangari Muta Maathai


8 Octobre 2004, Stockholm. Pour la première fois de l’Histoire, le prix Nobel de la Paix est décerné à une Femme originaire d’Afrique Subsaharienne : Wangari Muta Maathai.

Première femme d’Afrique de l’Est à obtenir une licence de biologie, Docteure en sciences, professeur d’anatomie vétérinaire, doyenne de la faculté de Nairobi… elle se voit ainsi honorée pour l’ensemble de sa carrière universitaire et politique, en particulier pour ses combats contre la déforestation. Surnommée la « Mère des arbres » ou encore la « Femme des arbres »,  son action a été unanimement saluée sur tous les continents. 

Femme au tempérament exceptionnel qui a toujours lié la cause féminine et la sauvegarde environnementale, elle reçoit ainsi le prix Goldman pour l’environnement en 1991 aux Etats-Unis ; en 2004, en plus du prix Nobel de la Paix, elle reçoit le prix Petra Kelly en Allemagne. En 2006, elle est faite Chevalier de l’Ordre National de la Légion d’Honneur en France.

Des distinctions qui viennent notamment saluer son Mouvement de la Ceinture Verte, un grand programme social et environnemental qui a permis la plantation de 50 millions d’arbres au Kenya.


Du conseil national des femmes au ministère de l’environnement

Née en 1940 dans ce qui était encore la Colonie Britannique du Kenya, Wangari Muta Maathai est décédée en 2011 à Nairobi (Kenya). Elle obtient son Baccalauréat en 1959 avant de recevoir, l’année suivante, une bourse dans le cadre d’une politique d’échange entre les nations africaines et les universités américaines.

Remarquée et distinguée par l’African-American Students Foundation, Wangari Muta intègre alors le Collège d’Atchison au Kansas où elle obtient une Licence de Biologie tout en poursuivant des études de Chimie et d’Allemand. Après avoir obtenu un Master de Biologie à l’Université de Pittsburgh (Pennsylvanie), Wangari Muta poursuit son ascension professionnelle à Nairobi où elle devient assistante dans l’unité d’anatomie vétérinaire, avant de parachever son parcours dans les Universités Allemandes de Gießen et de Munich où elle devient Docteur Es-Sciences à l’âge de 31 ans.

De retour à Nairobi, elle y enseigne l’anatomie vétérinaire. Parallèlement elle s’engage sur le terrain politique en militant au sein du Conseil National des Femmes du Kenya et fonde le Green Belt Movement (Mouvement pour une Ceinture Verte) en 1977.

Après avoir combattu politiquement le Président du Kenya, Daniel Arap Moi, ce qui lui a notamment valu plusieurs séjours en prison, Wangari Muta est élue au parlement Kényan en 2002. Elle devient sous la nouvelle présidence de Mwai Kibaki, ministre-adjointe à l’environnement, aux ressources naturelles et à la faune sauvage.

Elle était également membre honoraire du Club de Rome, groupe de réflexion regroupant des scientifiques, industriels et économistes de 52 pays, célèbre pour avoir publié en 1972 la première étude importante mettant en exergue les dangers pour l’environnement de la croissance économique et démographique que connaît alors le monde.

Une personne pauvre abattra forcément le dernier arbre pour préparer son dernier repas [….]  mais plus vous dégradez l’environnement, plus vous vous enfoncez dans la pauvreté.

Wangari Muta Maathai


Le mouvement de la ceinture verte

Au Kenya, à cette époque, il revenait aux femmes la responsabilité (ou la corvée) de ramasser le bois indispensable aux taches domestiques. Le bois est utilisé dans ces villages pour la cuisine, la construction mais aussi le fourrage pour les animaux. Or, la déforestation brutale autour des villages contraignait les femmes à marcher de plus en plus loin pour ce ravitaillement vital.

C’est ce constat pragmatique des conséquences de la déforestation qui conduit Wangari Muta Maathai à son combat en faveur des femmes et de la reforestation. Sous son impulsion, dans un pays dirigé 28 années durant par un chef d’Etat autoritaire, les arbres deviendront le symbole d’une lutte pour la Démocratie.

Lancé en 1977, le mouvement de la Ceinture Verte s’est d’abord distingué par de vastes campagnes de plantation d’arbres autour des villages Kenyans afin de favoriser leur autonomie. Au total plus de 50 millions d’arbres ont été plantés dans le pays. Le Mouvement associe également les populations locales à ce grand projet, et notamment les femmes. Ce sont ainsi près de 30 000 femmes qui ont été formées aux pratiques agricoles et à la foresterie.

À partir de 1989, Wangari Muta Maathai se lance également dans d’autres combats écologiques et politiques contre le Président Daniel Arap Moi. Elle dénonce la construction d’une tour de 60 étages en plein cœur du seul parc Naturel de Nairobi et s’oppose à la mise en friche de la forêt de Karura, un espace arboré de 10 Km² à Nairobi. Elle anime également l’association Release Political Prisoners (RPP) qui regroupait des femmes exigeant la libération des prisonniers politiques détenus par le pouvoir en place.

En menant ces actions militantes et politiques, en luttant pour l’émancipation et l’autonomie des femmes et en faisant de l’arbre un symbole d’autonomie et d’égalité, Wangari Muta Maathai a ainsi démontré que l’écologie est une cause autant sociétale qu’environnementale.