On m’a parfois dit que la protection de l’environnement était impossible dans un régime libéral et que je me trompais de société.

Robert Poujade


Le 28 Février 1970, le Président Georges Pompidou déclarait lors d’un discours devant l’Alliance Française de Chicago : « L’emprise de l’homme sur la nature est devenue telle qu’elle comporte le risque de destruction de la nature elle-même. […] Il est frappant de constater qu’au moment où s’accumulent et se diffusent de plus en plus les biens dits de consommation, ce sont les biens élémentaires les plus nécessaires à la vie, comme l’air et l’eau, qui commencent à faire défaut […] la nature nous apparaît comme un cadre précieux et fragile qu’il importe de protéger pour que la terre demeure habitable à l’homme. »

Moins d’un an plus tard, c’est donc sous la présidence de Georges Pompidou que le 7 Janvier 1971, Robert Poujade est nommé ministre chargé de la protection de la nature et de l’environnement dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas. Il devient ainsi le premier homme politique à occuper cette fonction en France.

Diplômé de l’Ecole Normale Supérieure en 1948, agrégé de Lettres, professeur au lycée Carnot de Dijon, Robert Poujade s’engage en politique dans les rangs Gaullistes au début des années 1950. Il sera notamment Secrétaire général de l’UDR (Union pour la Défense de la République), puis membre du Bureau Politique du RPR.

De 1971 à 2001, il est à la fois Maire de Dijon, plusieurs fois Député de Côte d’Or ainsi que Président du Conseil Général de ce Département. Il sera ministre de l’environnement entre janvier 1971 et Mars 1974 sous les gouvernements de Jacques Chaban-Delmas puis de Pierre Messmer.

Il est nécessaire que l’on préserve de grands espaces naturels pour que l’Homme retrouve une de ses aspirations les plus profondes, qui est le contact direct avec la Nature qui lui permet vraiment de s’épanouir.

Robert Poujade


Associer les collectivités locales au développement de l’écologie

À contrario de René Dumont, premier candidat écologiste à une élection présidentielle française, dont l’analyse reposait sur une vision « macro » mêlant trop forte pression démographique à l’échelle Mondiale et nécessité d’une sobriété importante de nos consommations sur tous les sujets, Robert Poujade a été le ministre des combats à l’échelle locale et prônait une vision pragmatique de l’écologie.

Plus Girondin que Montagnard, il ne voyait pas pourquoi le système libéral était par définition antinomique avec la protection de l’environnement. Il affirmait également que « la bataille du cadre de vie se gagne sur le terrain et non dans le kriesgspiel des directions de ministères parisiens. Elle suppose l’engagement des collectivités locales et le développement, avec elles, d’une politique contractuelle sans arrière-pensées ».

Conscient de la difficulté de cette vision, il confie lors de son premier entretien télévisé « Mon problème, ce n’est pas seulement celui de la bonne volonté, qui est entière, c’est celui des moyens qu’il faudra trouver et dégager. Et ça ne sera pas facile« . Il publiera en 1975 un ouvrage sur son combat et sa vision de l’écologie intitulé « Le Ministère de l’Impossible ». Un surnom depuis largement repris pour qualifier ce Ministère qui voit défiler les représentants.

Je suis certain que ce mot d’environnement recouvrait une idée importante, une de ces idées – il n’y en a pas beaucoup dans chaque siècle – qui conduisent une société à s’interroger sur ses raisons de vivre, sur ses valeurs, sur son organisation, sur ses capacités de renouvellement.

Robert Poujade – Le Ministère de l’Impossible – 1975


Préservation des espaces naturels et lutte contre la pollution atmosphérique

En tant que premier « ministre de l’environnement » français, Robert Poujade milite d’abord contre la pollution sonore et en faveur de la qualité de l’air. Il rend notamment obligatoire la désulfuration des cheminées domestiques (afin de réduire la quantité de dioxyde de souffre dans les fumées). Il propose également des mesures pour contraindre les compagnies pétrolières à diminuer la teneur en plomb contenue dans chaque litre d’essence.

Entre autres, il étend les pouvoirs des six Agences de l’Eau (structures d’intérêt public créées par la Loi sur l’eau de 1964, en charge de la gestion/protection de chaque grand bassin hydrographique dans le pays) et fait signer des contrats entre l’État et les grandes branches industrielles qui mettent en place les premières normes de lutte contre les nuisances et pollutions émanant du BTP, des industries papetières et des cimenteries.

Très attaché à la protection des espaces naturels, il sera à l’origine des premières décisions qui ont permis de protéger le littoral. Il permet notamment aux collectivités locales d’acheter des sites naturels afin de les préserver. (Le cas des îles Sanguinaires en Corse par exemple). Il imposera également la création du Parc National de la Vanoise, à l’issue d’un véritable bras de fer contre les syndicats bâtisseurs de stations de sports d’Hiver. 

Enfin, il fait également établir un fichier national des cartes grises dont l’objectif est de lutter contre les citoyens qui abandonnaient en pleine campagne ou forêt leur vieille voiture. « Une mauvaise habitude qui devient un fléau. Les amendes seront multipliées par 10, ce sera cher mais il faut savoir que dégrader la Nature est une faute grave ».

À jamais le premier, Robert Poujade continuera d’agir en faveur de l’environnement par la suite et présidera notamment le Conservatoire du Littoral en 1976. Très attaché à la sauvegarde des monuments historiques, il fait du centre-ville de Dijon le premier « secteur sauvegardé » de France et présidera également la Commission Nationale des secteurs sauvegardés ainsi que l’association des villes et pays d’arts et d’histoire. Il est décédé le 08 avril 2020 à Paris.