C’est quoi l’urbanisme circulaire ?
L’urbanisme circulaire est un terme qui a été théorisé par l’urbaniste nantais Sylvain Grisot et qui consiste à refaire la ville sur la ville pour éviter l’étalement urbain et par conséquent l’artificialisation des sols.
Le but est donc d’appliquer les principes de l’économie circulaire à la fabrique urbaine en concevant et en organisant la ville à partir de celle qui existe déjà et ce de telle sorte à ce qu’elle puisse se reconstruire en permanence en fonction de l’évolution des besoins de sa population.
Pour aller plus loin
Ce mode d’urbanisme repose sur trois grands principes. Le premier est d’intensifier les usages afin d’optimiser les lieux qui existent déjà. En effet de nombreux lieux dans la ville sont occupés seulement de façon temporaire ou à raison de quelques heures par jour. C’est le cas des bureaux, des parkings de résidences privées, des cours d’écoles ou des cantines scolaires, etc. L’idée est donc de permettre le développement de nouveaux usages dans ces lieux lorsque ceux-ci sont inoccupés plutôt que d’en construire d’autres.
Ensuite, pour les bâtiments qu’il n’est pas possible de réutiliser comme tel, le principe de l’urbanisme circulaire est de les transformer pour les rendre à nouveau exploitables. Le but étant de créer des aménagements qui pourront être modulés au fil des années en fonction de l’évolution des besoins des habitants.
Enfin pour ce qui est des espaces qui ne peuvent ni accueillir de nouveaux usages ni être réhabilités, l’urbanisme circulaire propose de les recycler. Face aux enjeux environnementaux, il est important d’anticiper le retour à la nature des friches industrielles ou commerciales existantes mais aussi des futures. En recyclant ces espaces, cela permet de densifier la ville sans l’étaler.
La ville croit en surface alors même qu’elle perd habitants et emplois, s’étalant jusqu’à prendre le risque de se disloquer.
Sylvain Grisot, auteur du Manifeste pour un urbanisme circulaire
Faire la ville sur la ville pour réduire l’artificialisation
Chaque année se sont 30 000 hectares de terres qui sont artificialisées en France pour permettre l’étalement urbain ce qui équivaut à environ un département tous les 20 ans. Et pour quel motif ? Nos villes grandissent trois fois plus vite que leur population mais celles-ci ont pris l’habitude de vivre davantage en périphérie pour des raisons économiques ou de confort. Certaines se voient repoussées aux périphéries de la ville face à la montée du prix du foncier dans le centre alors que d’autres partent à la conquête de pavillons neufs.
Cet étalement urbain a commencé en France après les Trente Glorieuses, encouragé par des politiques urbaines et un discours de l’État vantant l’accès à la propriété. Ainsi c’est un véritable virage pavillonnaire qui va être amorcé, accompagné de lois de décentralisation qui donnent aux maires, au début des années 80, le pouvoir de créer le foncier qui accueillera les périurbains.
Outre l’encouragement des politiques publiques, cela a aussi été rendu possible grâce à la massification de l’usage de la voiture qui a rendu compatible le fait de vivre en périphérie tout en travaillant dans le centre-ville. Mais cette tendance voit ses limites : au delà de la congestion routière et des demandes en infrastructures coûteuses que cela créer, c’est l’environnement qui en est fortement impacté : pollution due au trafic routier et à la construction, artificialisation des terres, réchauffement climatique…
Mais face à l’objectif de Zéro Artificialisation Nette que le gouvernement français s’est donné, on comprend vite que ce mode d’urbanisme linéaire, comme le nomme Sylvain Grisot, n’est plus possible. L’urbanisme circulaire se présente donc comme une alternative à ce mode linéaire en cherchant à donner plus d’usages urbains aux sols déjà artificialisés, au lieu d’en consommer de nouveaux. Mais changer tout un système de production qui fait actuellement reposer 40% de son chiffre d’affaire sur le neuf nécessite de revoir en profondeur notre façon de faire.
De nouvelles compétences mais aussi de nouveaux outils tels que des opérateurs de recyclage du foncier vont être nécessaires au développement de ces nouveaux projets. Révéler le potentiel du foncier invisible tel que les friches industrielles ou les bâtiments sous-utilisés ainsi qu’assurer une cohérence de l’action à toutes les échelles territoriales seront aussi des défis auxquels les initiatives de sobriété foncière vont faire face.
L’urbanisme circulaire en 3 exemples concrets :
Ainsi, rompre avec la linéarité de notre fabrique de la ville demande de réinventer l’urbanisme et de le déployer à grande échelle. Certains ingénieurs se sont déjà attaqués à la question si bien qu’il est possible de retrouver plusieurs exemples concrets d’urbanisme circulaire sur le territoire français tel que :
- Le Mab’Lab : un restaurant universitaire parisien qui devient un espace de co-working pour les étudiants et les entrepreneurs le reste de la journée après quelques réagencements quotidiens. Ce lieu accueille aussi des événements animés par des formateurs et professionnels qui souhaitent partager leur vision et leur expérience aux futurs entrepreneurs.
- La chaussée démontable de Saint-Aubin-lès-Elbeuf : cette chaussée a été inventée il y a une dizaine d’années par des ingénieurs de l’IFFSTTAR et est composée de dalles d’un mètre de diamètre hexagonales qui sont amovibles et repositionnables à l’envie. La chaussée peut ainsi être modifiée pour aménager planter, faire des travaux en sous-sol, aménager autrement… Ce concept de chaussée modulable a notamment été repris sur l’Ile de Nantes et il le sera peut-être bientôt dans la ville de Toronto, là où les ingénieurs des Sidewalk Labs de Google souhaitent créer un quartier intelligent modulable.
- La Friche Ferme Urbaine Nollet-Crouy : cette friche abritait autrefois l’usine Nollet ainsi que le département LEA de l’Université de Lille. Depuis 2016, des habitants, des associations mais aussi une entreprise coopérative ont bâti un jardin partagé et porté un projet de ferme urbaine englobant le terrain et le bâtiment. Un collectif souhaite aussi y habiter sous forme d’un habitat partagé.