L’agriculture est l’une des principales sources d’émission de gaz à effet de serre. En particulier concernant le méthane et le protoxyde d’azote. Mais s’il est régulièrement pointé du doigt pour cet aspect, le secteur agricole est aussi l’un de nos meilleurs alliés pour lutter contre le dérèglement du climat. Son principal avantage, c’est sa capacité à stocker du carbone dans le sol, ce qui permet de réduire la présence de CO2 dans l’atmosphère. Et à l’échelle mondiale, les terres agricoles représentent 38% des terres émergées, ce qui rend le potentiel de stockage de carbone par l’activité agricole très intéressant.

Les leviers pour cela tiennent à la mise en place de pratiques au premier lieu desquelles se situent l’agroécologie et la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. D’un côté, cela passe donc par le développement d’alternatives aux pesticides et insecticides que nous connaissons aujourd’hui : biocontrôle et biostimulation et/ou agriculture de précision. De l’autre, par la rotation de cultures, la mise en place de couverts végétaux, le déploiement de cultures qui permettent de fixer l’azote dans le sol – c’est le cas des légumineuses, mais aussi des pratiques comme l’agriculture de conservation des sols ou encore la plantation de haies bocagères et le développement de l’agroforesterie. Ces dernières techniques sont celles qui doivent permettre de faciliter la capture du CO2 dans les sols agricoles.

Mais l’inconnu dans cette problématique, c’est de connaître le potentiel de stockage de CO2eq de chaque surface agricole en fonction de son état et des pratiques qui y sont mises en place. Une donnée essentielle pour cartographier, évaluer et optimiser la gestion des sols. C’est pour cette raison que l’INRAE et Planet A s’associent pour créer l’indicateur SOCCROP. Le premier indicateur mondial pour mesurer l’évolution des stocks de carbone dans les sols agricoles.

SOCCROP facilitera l’estimation des bilans de carbone à la parcelle dans une optique de gestion durable des sols et de lutte contre le réchauffement climatique

Jean-François Soussana, vice-président INRAE, Expert du GIEC


Un partenariat INRAE Planet A dans le cadre du projet « 4 pour 1000 »

Ce projet s’inscrit dans un partenariat entre INRAE et Planet A, dans la foulée du lancement de l’initiative « 4 pour 1000 » lors de la COP21. Une initiative qui a pour objectif d’augmenter chaque année les stocks mondiaux de matières organiques dans les sols de 4 pour 1000 (ou 0,4 %) afin de compenser par ces stocks une partie des émissions anthropiques mondiales de gaz à effet de serre. « Ce projet apportera une avancée dans la compréhension des dynamiques internationales à l’œuvre dans la gestion des sols cultivés et de leurs stocks de carbone » précise dans un communiqué Philippe Mauguin, Président Directeur Général d’INRAE.

Plus concrètement, une équipe INRAE, sous la direction d’Éric Ceschia (Centre d’Études Spatiales de la BIOsphère, CESBIO), a mis récemment en évidence un lien direct entre la durée annuelle de couverture végétale des sols cultivés et l’accumulation de carbone pour les grandes cultures en Europe. C’est sur la base de ces premiers résultats que repose le projet d’indicateur SOCCROP.

En effet, la variation du stock de carbone d’une parcelle dépend du bilan des entrées (photosynthèse et fertilisation organique) et des sorties (récoltes, pâturage, respiration du sol, etc.). Un bilan de carbone du sol qui peut dont être modélisé en fonction des apports nets. Cette méthode, utilisable à différentes échelles (parcelle, exploitation, région, globe) doit permettre de suivre la ligne de base du carbone du sol et l’éventuel stockage additionnel.

Ce projet d’indicateur comprend deux volets. Le premier vise à analyser et modéliser la relation entre la durée de couverture du sol et le potentiel de stockage de carbone à l’échelle de la France. Une première étude qui donnera lieu à un rapport au cours de l’année 2021. Ensuite, l’objectif sera de quantifier la durée de couverture des sols agricoles par les cultures annuelles ou les couverts végétaux à l’échelle parcellaire et sur l’ensemble des régions du monde. Une étude qui utilisera les données satellitaires « Sentinel » de l’Agence Spatiale Européenne. Les premières analyses sont attendues pour fin 2022.

Cet indicateur devrait ensuite permettre d’observer dans quelles régions du monde l’augmentation de la durée de couverture végétale des sols cultivés se développe ou régresse. En complétant cet indicateur par des données sur les pratiques agricoles (fertilisation organique, gestion des résidus de culture…), il sera possible d’obtenir un tableau de bord mondial pour suivre l’évolution des stocks de carbone dans les sols agricoles.

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