Le secteur des transports est le seul en France dont les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté ces vingt dernières années. Il représente environ un tiers de ces émissions sur le territoire national. En outre, il dépend à 94% des carburants fossiles.
En zones urbaines, le développement des mobilités douces, en particulier le grand boom du vélo suite au confinement de 2020 ainsi que le recours à des mécanismes comme l’intermodalité, le covoiturage ou encore la gratuité des transports en commun peut permettre de réduire ces émissions polluantes. La question est plus délicate dans les territoires ruraux où l’usage de la voiture est un impératif. Pour faire face à cet enjeu, les regards se tournent donc aujourd’hui vers la voiture électrique. À tel point que le gouvernement espère qu’il soit vendu 4,8 millions de véhicules électriques d’ici 2028. Fin 2020, le parc français se situe aux alentours de 300 000 véhicules, on en est donc encore loin.
Mais, la véritable question à se poser est : la voiture électrique est-elle vraiment la solution pour rendre nos transports plus propres ?
Si elle permet sans aucun doute d’améliorer la qualité de l’air dans nos villes, son efficacité repose sur un certain nombre d’inconnues, en particulier le développement d’une filière de recyclage pour les batteries ou encore notre capacité à proposer une électricité bas-carbone.
Le véhicules électrique, un outil, mais pas une solution miracle
Posons d’abord la base de manière chiffrée. Si le développement des voitures électriques est attendu, c’est qu’il a pour avantage de ne pas trop polluer. Aussi, le fait que les voitures électriques remplacent petit à petit les véhicules thermiques dans le parc automobile français devrait permettre d’améliorer la qualité de l’air dans le pays. Au moins dans les villes.
Pour autant, ces véhicules ne sont pas tout à fait exempt de pollution car le phénomène d’abrasion des pneus, des revêtements routiers ou des freins, n’est pas supprimé. Et ces phénomènes produisent des particules fines. Un avis de l’ANSES publié en 2019 précise bien que « les progrès technologiques ne seront pas suffisant pour améliorer la qualité de l’air tant que le trafic routier ne diminuera pas » et que l’amélioration de la qualité de l’air doit être liée à une réduction du trafic ET à un changement des modes de propulsion. Néanmoins, la réduction des émissions polluantes grâce à l’électrification du parc reste significative et représente un atout conséquent pour la transition écologique des villes.
Ainsi, selon l’étude « En route pour un transport durable » publiée en 2015 : à l’échelle d’un parc de 4,4 millions de véhicules électriques en 2030, les émissions de polluants atmosphériques des véhicules légers pourraient être réduites d’environ 72% pour le dioxyde d’azote et de 92% pour les particules fines (PM10).
L’économie circulaire : maillon essentiel de l’électromobilité
Maintenant, voyons les autres enjeux qui se posent pour les véhicules électriques. En premier lieu duquel celui des batteries, de leur production, mais surtout de leur recyclage. Le secteur des voitures électriques peut-il être viable sans le développement en parallèle d’une filière de recyclage ? A priori non, et cette filière devra s’organiser autour de l’économie circulaire.
À l’heure actuelle, le secteur automobile traditionnel a déjà réussi à optimiser ses processus de production et a atteindre des taux de recyclage des matières allant jusqu’à 85%. Il est bien évidemment nécessaire que les véhicules électriques suivent la même logique. Avec notamment une attention forte portée sur le recyclage des batteries.
Sur ce point, il s’avère qu’en Europe – depuis 2006 – la loi impose aux sociétés automobiles de recycler au moins 50 % de la masse des batteries lithium-ion. Ce qui est ciblé de manière privilégiée sont les ressources minérales (cobalt, manganèse, nickel, cuivre, lithium). Ces fameux métaux rares dont l’extraction est elle-même écologiquement douteuse. Cependant, ce chiffre de 50% pourrait être augmenté largement. Cela permettrait aussi de recycler les matières plastiques et aluminium qu’on retrouve sur ces batteries.
Donner une seconde vie aux batteries lithium-ion
Mais un autre point intéressant concernant les batteries, c’est la possibilité de leur donner une seconde vie. En effet, quand une batterie a perdu une partie importante de sa capacité initiale, elle est souvent remplacée pour une batterie neuve. L’ancienne peut alors être collectée et reconditionnée pour servir de moyen de stockage d’électricité. L’énergie ainsi stockée peut être réinjectée quand la demande électrique est importante, ou servir pour des usages d’autoconsommation.
La seconde vie prolonge ainsi l’usage des batteries de manière significative, au-delà de sa première vie dédiée à la mobilité. Et cela en apportant une valeur-ajoutée à d’autres filières comme celle du bâtiment ou de l’éclairage urbain.
Ainsi, pour un stock de batteries d’environ 960 000 unités (d’après les estimations contenue dans la PPE 2016 pour le parc automobile français de 2020) on pourrait imaginer en 2030 avoir grâce aux batteries en seconde vie une capacité de stockage de 8 TWh par an. Un impact non-négligeable si la filière est en place.
À l’évidence, la souveraineté de la France ou, à minima de l’Union Européenne sur la conception des batteries lithium-ion semble également un pré-requis pour réussir la conversion du parc automobile français vers l’électrique. Un sujet qui pourrait redevenir sensible suite à la crise sanitaire du Covid-19 ; qui nous a fait prendre conscience des limites de notre dépendance aux exportations venant d’Asie.
À ce sujet, l’Europe planche d’ailleurs sur une sorte « d’Airbus des batteries électriques ». Mais n’est-il pas déjà trop tard ?
À lire sur ce sujet : Total et PSA s’allient pour développer un géant des batteries lithium-ion
Créer des infrastructures de charges sur le territoire
Autre sujet concernant le développement des véhicules électriques, ce sont les infrastructures et services associés. Nous avons mis des dizaines d’années à constituer sur le territoire national un maillage conséquent, par exemple, de station-service. Qu’en sera t’il des bornes de recharges pour les véhicules électriques ?
Le gouvernement, à travers la Loi Mobilité, souhaite multiplier par 5 le nombre de bornes de recharge sur le territoire d’ici 2022. Pour cela, les autorités souhaitent par exemple rendre l’installation des bornes obligatoires dans les parkings de plus de dix places. Elles devront aussi être gratuites pour les employés sur leur lieu de travail. Et le coût d’installation de ces bornes dans les parkings devrait être rapidement divisé.
Par ailleurs, de nombreuses jeunes entreprises investissent aujourd’hui ce créneau afin de faciliter l’installation, la maintenance, l’interopérabilité (entre pays européens, par exemple), mais aussi l’acte de la recharge pour les utilisateurs. Un pré-requis pour démocratiser son acceptation par les usagers. C’est le cas de Freshmile, récemment rachetée par le groupe Rexel, et qui opère déjà près de 20% des bornes de recharges pour véhicules électriques (environ 8 000 points). Le maillage territorial des bornes, mais surtout leur efficacité (c’est à dire la rapidité de la charge) doit cependant être augmenté de manière significative pour accélérer ce changement.
À condition d’un mix énergétique qui fait la part belle aux EnR
Enfin, si le développement des voitures électriques est essentiel et si une filière de recyclage est mise en place pour assurer sa croissance, tout se joue malgré tout sur l’aspect énergétique. En effet, l’impact d’un véhicule électrique sur le climat se situe principalement lors de la phase de production (à hauteur de 75%). Notamment sur celle de la batterie compte tenu de l’énergie consommée pour extraire et transformer les ressources minérales qui servent à sa conception.
Mais l’autre déterminant de l’impact environnemental du véhicule électrique concerne les modalités de production de l’électricité utilisée pour rouler. Car si l’électricité qui alimente la batterie a été produite dans des centrales fonctionnant aux énergies fossiles, alors à quoi bon ?
À l’inverse, un mix électrique reposant largement sur les énergies renouvelables permet de réduire l’impact environnemental de la voiture électrique. Cette question doit donc accompagner le développement de la filière. Aussi l’efficacité de la transition énergétique sera un des points clés de la transition de nos transports. En France, sur ce sujet, nous avons cependant la chance de bénéficier déjà d’un mix énergétique largement bas-carbone.
Et finalement, l’enjeu principal des véhicules électriques consiste donc à créer des synergies viables et efficaces entre le secteur des énergies renouvelables, les constructeurs automobiles et des acteurs de l’économie circulaire. Et à terme, de trouver une solution pour mieux gérer l’impact environnemental de l’extraction des matériaux nécessaire à sa conception.
Et puis, demain, un autre vecteur pourrait prendre le relais des véhicules électriques : c’est l’hydrogène bas-carbone. Un vecteur énergétique sur lequel l’Europe pourrait d’ailleurs être plus compétitive vis à vis de ses concurrents asiatiques et américains et qui viendra, certainement, en complément des véhicules à batterie lithium-ion dans les prochaines années.